Le Nouveau Sommet Afrique-France (NSAF) se tient à Montpellier ce 8 octobre 2021. La particularité de ce « nouveau » sommet, c’est qu’elle ne sera pas une rencontre entre chefs d’Etats mais plutôt avec la société civile, les experts, la jeunesse française et celle africaine. Une quarantaine de Burkinabè y participent à ce titre. Le président français veut qu’il marque une rupture « radicale » par rapport aux 27 sommets précédents. Le penseur camerounais, Achille Mbembé, a été chargé de formuler des propositions à cet effet. Il a déposé, à la veille du sommet, un rapport contenant treize propositions donner un nouvel élan aux relations entre la France et les pays d’Afrique. Synthèse.

1. Créer le Fonds d’innovation pour la démocratie

Cette première proposition consiste à créer un fonds d’innovation pour la démocratie. Ce fonds devra être confié au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Il servira principalement à accompagner la montée en compétence des acteurs des sociétés civiles africaines par le biais d’initiatives innovantes de promotion de la démocratie et le renforcement de l’état de droit. Ce fonds ne financera pas des partis ou des mouvements politiques.

2. Bâtir la Maison des mondes africains et des diasporas

La « maison des mondes africains et des diasporas » réaffirmerait la place de Paris en tant que capitale de la création d’hier et de demain. A l’intérieur de ce bâtiment, une initiative spécifique en direction de la diaspora serait nécessaire. La « maison des mondes africains et des diasporas » pourrait porter les noms de Maryse Condé, la femme de la culture qui aura le mieux incarné ces multiples appartenances au cours du XXe siècle.

3. Enclencher le Programme Campus nomade

Ce programme aurait deux volets. Le premier s’inspirerait du programme Eranus. Il pourrait porter le nom du grand savant africain Ibn Khaldoun. Le deuxième volet consisterait en la mise en place d’un « Collegium » franco-africain, sur le modèle des instituts d’études avancées. Ce « Collegium » pourrait également s’intéresser à la mise en valeur des connaissances et des savoirs auprès des décideurs publics, privés et des acteurs de la société civiles.

4. Initier le Forum euro-africain sur les migrations

L’intérêt d’un tel projet sera triple. D’abord il formerait une enceinte de dialogue et d’information sur un sujet complexe trop souvent manipulé ou pris en otage par des individus ou des organisations dotées d’un « agenda » politique. Ensuite, il réunirait des acteurs qui ne se parlent que difficilement. Enfin, il élaborerait des recommandations qui pourraient être reprises par ces différents acteurs.

5. Lancer la « Plateforme » de débats Afrique-France

Elle servirait de programme d’échanges, de rencontres physiques et virtuelles mais aussi d’incubation de nouvelles idées et propositions susceptibles d’animer en permanence la relation entre l’Afrique et la France et par-delà elle, l’Europe.

6. Relancer la dynamique de restitution et expérimenter les musées de demain

Le rapport plaide ici pour la création ou le renforcement, dans les deux prochaines années, en lien avec le réseau culturel des Instituts français et des Alliances, de trois lieux culturels africains dédiés à la création, à la recherche et à la formation (y compris à la restauration des œuvres d’art et à la numérisation des archives) et à la « projection » d’expositions et de spectacles au plus près des populations, en particulier dans les quartiers défavorisés. Les centres culturels pourront jouer un rôle central dans la circulation d’œuvres d’arts entre la France et le continent africain.

7. Accompagner la jeunesse africaine vers l’emploi

Cette proposition vise à orienter résolument la diplomatie économique française et la coopération universitaire en faveur de la formation professionnelle. Ces efforts pourront toucher chaque année des milliers de jeunes africains. Il serait coordonné avec les réseaux en cours de structuration au sein de la diaspora et les programmes de « young leaders », favorisant le partage de contact et de projet entre l’Afrique et la France.

8. Créer une Commission intercontinentale sur la transparence économique

Cette instance établira une cartographie des investissements et de la présence économique internationale sur le continent africain. Elle soulignera les zones d’ombres et présenterait les données et les manques sur un site internet consultable par tous.

9. Développer le programme « Start-ups Africa France »

La neuvième proposition invite ce Sommet à développer un programme « Start-up africain » qui se concentrera sur trois missions. Renforcer les capacités via le conseil aux start-ups, faciliter l’accès aux financements par la mise en relation avec des investisseurs et écosystèmes français et européen. Enfin, financer directement les « petits tickets » en subventions par le biais des partenaires.

10. Faire entendre la « voix de l’Afrique » sur le climat et la biodiversité

Le rapport propose en dixième point de faire entendre « la voix de l’Afrique » sur le climat et la biodiversité. Si la nouvelle relation entre l’Afrique et la France doit se construire sur les grands défis à relever en commun, les premiers sont la lutte contre le dérèglement climatique et la protection de la biodiversité.

11. Transformer l’aide publique au développement

La transformation de l’aide publique au développement est la onzième suggestion du rapport du rapport d’Achille Mbembé. Pour renouveler durablement les relations entre l’Afrique et la France, cela passe par une transformation profonde de la politique d’aide au développement et de la sémantique qui lui est associée.

12. Tisser un nouveau narratif entre l’Afrique et la France

L’avant-dernière proposition insiste sur un nouveau narratif entre l’Afrique et la France. Cela pourra donner naissance, selon l’auteur, à des productions audiovisuelles, réalisées avec des partenaires franco-africains. Ce nouveau narratif permettrait également de soutenir la production de contenus audiovisuels en Afrique sur une base véritablement africaine sans scenarios imposés de l’extérieur pour les besoins du marché.

13. Refonder les relations avec l’Europe du XXIe siècle

Enfin les experts ont souhaité une refondation des relations avec l’Europe du XXIe siècle. En France comme en Afrique doit passer par un traitement différencié des relations partenariales, à la hauteur de notre histoire commune et des enjeux qui rassemblent. Cette refondation intègrerait les grands défis de notre temps. « À l’université pour les étudiants africains, dans les entreprises, pour les artistes, un accueil et des mesures de soutien et d’accompagnement spécifiques seraient mis en place, dans un esprit de réciprocité et de construction de liens plus solides ».

Synthèse de Obissa Juste MIEN

Lefaso.net

Source: LeFaso.net