Président de l’Union pour la renaissance/Parti sankariste (UNIR/PS), cet homme à la barbichette noire et à la corpulence aléthique est tout sauf un orgueilleux. Siégeant au parlement sous la bannière du même parti, Bénéwendé Stanislas Sankara se distingue par son regard vif et son calme. Portrait d’un homme politique silencieux à la main tendue qui a su incarner l’idéologie sankariste dans la douleur et le silence.

L’histoire de celui que l’on appelle « président » à l’UNIR/PS commence le 23 février 1959 dans la case de sa mère, à Toessin, village situé sur la route de Yako, dans la commune rurale de Samba, province du Passoré. C’est la commune d’origine du capitaine Thomas Sankara, issu, lui, du village de Tema-Bokin. Villageois, tout petit, il rêve de devenir grand pour sauver son village pittoresque. Après l’école primaire, il se rend à Ouahigouya pour le secondaire, puis en Côte d’Ivoire. Là, il va travailler dans une plantation et poursuit ses études. Son objectif : devenir avocat.

Laborieux et discipliné, il lui est très vite proposé un poste d’enseignant. Ce qui ne l’empêche pas de poursuivre ses ambitions. De retour au Burkina Faso, il s’inscrit au département de droit de l’Université de Ouagadougou et obtient les DEUG I et II respectivement en 1983 et 1984.

En République ivoirienne, il fit sa licence (1984-1985), sa maîtrise (1986-1987) et son Certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA) en 1988. Ensuite, il se spécialise en criminologie et obtient un Diplôme d’études approfondies (DEA) en droit privé. A cette époque, le destin de celui que le magazine Jeune Afrique a appelé « L’autre Sankara » se profile à l’horizon.

Après une période de stages qui dura de 1988 à 1992 (clerc d’avocat, barreau de Paris, avocat stagiaire), Bénéwendé S. Sankara « prend la toge » et s’inscrit au barreau du Burkina Faso le 9 février 1993. Le 1er janvier 1994, il crée le Cabinet Maître Sankara. Il va vite acquérir une notoriété particulière par sa prédilection pour les dossiers politico-judiciaires, de privatisations, de conflits de travail, de recouvrement de créances aux cotés du bâtonnier de l’époque, Paceré Titinga.

Son intérêt pour la justice va le pousser à gérer les grands litiges de cette période. Faisant de lui un mouton noir à abattre. Mais lui, comme tout bon croyant, appelle « la mansuétude de Dieu ». En ce temps, la rue gronde : le peuple réclame plus de justice, mais aussi l’instauration du multipartisme.

En tête, il marche contre la « dictature ». Contre toute attente, il se fait arrêter. Humilié devant ses proches, il fut jeté en prison. Son geôlier, rasoir dans la main, se saisit de lui en tremblotant. Dénudé devant ses bourreaux, il va passer sous les coups de rasoir. Douleurs, pleurs et silences, Bénéwendé Stanislas Sankara les vivra durant plusieurs jours.

Révolutionnaire depuis toujours

Déjà à l’université, il faisait partie des étudiants qui soutenaient la révolution de 1983. Avec le lancement de la Bataille du rail et de plusieurs autres activités, il s’était porté volontaire pour les travaux d’intérêt commun. Dans les couloirs de l’université, il organisait des rencontres de propagation d’idées révolutionnaires, puis scandait face aux contre-révolutionnaires : « La patrie ou la mort ! ». Membre du Comité de défense de la révolution (CDR) de l’université, il deviendra par la suite président du comité de l’Ecole supérieure de droit (ESD).

Le 15 octobre 1987, le capitaine Thomas Sankara est tué. Ayant entendu les coups de feu, Bénéwendé Sankara, qui tenait sa fille ainée dans ses bras, lâcha sa progéniture et se mit à courir vers la résidence du capitaine. Là, il apprend la mauvaise nouvelle. Il eut le premier choc de sa vie. Il pleure pendant des jours la mort de son « parent » et réclame justice.

A l’époque, étudiant, « l’idée de création d’un parti politique n’était pas encore née, j’étais plus dans la justice », se souvient-il. Mais les années qui suivirent vont le convaincre de la nécessité d’un parti politique pour défendre l’héritage politique du capitaine Sankara. « C’était une dictature, il fallait faire quelque chose pour contrer Blaise Compaoré », relate-t-il.

Après le drame de Sapouy, Bénéwendé Sankara, aux côtés de Joseph Ki-Zerbo et du Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques, marche en scandant « N’an laara, an saara ! » (Si nous nous couchons, nous sommes morts !), pour réclamer justice pour Norbert Zongo et ses compagnons.

Pour Me Sankara, « l’heure de l’alternance a sonné ». Pour concrétiser sa lutte pour la justice, il est membre-fondateur de la Convention des partis sankaristes (CPS) en septembre 2000. Mais il sera suspendu de ce parti politique. En novembre de la même année, il crée son propre parti : l’Union pour la renaissance/Mouvement sankariste (UNIR/MS), un parti démocratique d’obédience sankariste. Sur la tombe du leader de la Révolution, les membres du parti promettent de rester fidèles dans la défense de sa cause. Ce jour-là, les larmes et l’émotion envahissent le cimetière de Dagnoën.

Garde-flambeau des idéaux du capitaine, Bénéwendé Sankara incarne la ligne dure de l’opposition politique au régime du président Compaoré. Homme de droit et défenseur des faibles, il se saisit des dossiers chauds du moment. Opposant farouche, il dénonce les abus de pouvoir de la majorité de l’époque, et s’attire les foudres du régime en place. En 2002, l’UNIR/MS prend part aux élections législatives et s’en sort avec trois députés.

A l’Assemblée nationale, Me Bénéwendé Sankara assure la présidence du groupe parlementaire « Justice et démocratie » et est élu membre du Parlement africain. Par la suite, il s’affilie au « Groupe du 14 février » en lutte contre l’impunité depuis la mort du journaliste Norbert Zongo. Il est par la suite membre de la coalition « Alternance 2005 » mise en place par un groupe de partis politiques en vue de constituer un front unique à l’élection présidentielle du 13 novembre 2005. Mais ils seront battus.

« Je me réclame de son héritage politique »

Cela fait bien longtemps que Me Bénéwendé Sankara est député à l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, s’il se dit satisfait que le peuple ait fait partir le président Blaise Compaoré, il regrette que le président déchu ne soit pas venu répondre devant la justice. Blaise Compaoré lui a causé du tort. Il est celui-là qui a dirigé les commandos invisibles pour « l’humilier ».

Mâchoires serrées, le sourire de Bénéwendé Sankara est empreint de douleur. « Ils m’ont humilié, enfermé injustement. J’ai été soumis à des humiliations dans ma famille et en prison. Ils m’ont rasé la barbe et les cheveux. A des heures tardives, ils ont fait irruption chez moi, devant mes enfants, pour des fouilles sans motif », se remémore l’homme de Toessin.

Puis, il paraphrase le prophète Isaïe : « J’ai livré mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas dérobé mon visage aux ignominies et aux crachats ».

Maître Bénéwendé S. Sankara a milité dans de nombreuses associations politiques ou de développement, notamment le Comité international contre l’impunité, le Réseau des parlementaires contre la corruption au Burkina Faso, Le Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP), etc.

Marié et père de trois enfants, Bénéwendé Sankara est toujours à la quête de l’idéal : « la justice ». S’il n’exclut pas la conquête du pouvoir, la justice demeure l’essence de sa vie terrestre. Certes, la politique ne l’a pas satisfait en totalité, mais il croit dur qu’il a pu apporter du soutien aux faibles dans la lutte pour la liberté. Une lutte menée dans la douleur et le silence.

Edouard K. Samboé

samboeedouard@gmail.com

Lefaso.net

Source: LeFaso.net