La remise d’un mémorandum au ministre en charge de la Justice et à celui en charge des Droits humains a marqué la fin de la première phase du mouvement d’arrêt de travail de 96 heures qu’observe l’ordre des avocats. Ce lundi 29 avril 2019, ils l’ont fait à la suite d’une marche, partie de la maison de l’avocat sise au palais de justice jusqu’au cabinet du ministre de la Justice.

Le barreau burkinabè, avec à sa tête les anciens bâtonniers, a battu le pavé pour la reprise des activités dans les différentes juridictions. A l’arrivée du cortège au ministère de la justice, le directeur de cabinet représentant le ministre de la Justice et le secrétaire général représentant celui des Droits des humains en compagnie de quelques collaborateurs postés à l’entrée ont reçu les hôtes du jour. Le bâtonnier de l’ordre des avocats et la représentante des anciens bâtonniers leur ont alors livré chacun son message. Les propos ont été sans détour.

« Il faut avoir le courage de dire que la justice pénale a été clairement inexistante cette année », s’est insurgé Me Paulin Salembéré, bâtonnier de l’ordre des avocats. Cette marche, est pour le barreau, un acte pour dénoncer et condamner le blocage de l’appareil judiciaire et la violation massive et indiscriminée de la démocratie, des droits des usagers de la justice et l’immobilisme de l’Etat à apporter des solutions à un problème qui dure depuis des mois. Il appelle dès lors le gouvernement à s’assumer pour rendre une justice fonctionnelle aux usagers.

Le bâtonnier Paulin Salembéré faisant la déclaration au représentant du ministre de la justice

Des victimes collatérales

Depuis la rentrée judiciaire 2019, le conflit entre le gouvernement et les différents corps de la justice est à l’origine d’une violation indiscriminée des droits de l’homme. Et ce sont « 808 prévenus qui attendent d’être jugés, 1640 inculpés détenus et dont les dossiers sont dans les cabinets en instruction et 3641 emprisonnés dont l’application des peines est sans doute entravée par cette situation », a révélé le bâtonnier Me Paulin Salembéré.

Considérant la gravité de la situation, les anciens bâtonniers se sont joints à leurs jeunes confrères dans cette marche. Ils ont à cet effet remis un mémorandum au ministre des Droits humains et de la promotion civique. Signe d’un devoir individuel et collectif face à un dysfonctionnement du service public. Pour eux, le dysfonctionnement de la justice est la plus grande menace qui pèse sur le pays car la paix de l’esprit et du cœur passe par la justice et inversement l’injustice crée la souffrance et mène à la violence.

Des actions au plan sous régional à envisager

À la fin des 96 heures d’arrêt de travail, les avocats dressent une participation satisfaisante. Toutefois, ils estiment qu’ils ne pourront point se reposer tant que les activités juridictionnelles ne vont pas reprendre. En fait, « nous ne cherchons pas qui a raison, qui a tort, il faut que l’Etat puisse s’assumer et que les droits humains soient respectés », s’est défendu Me Salembéré. Du reste, le barreau a averti qu’il entamera des actions auprès des juridictions de la CEDEAO pour mettre l ‘Etat face à sa responsabilité.

Cette marche des avocats est la deuxième au Burkina Faso après celle qui a eu lieu en 1992 pour une institutionnalisation du barreau.

Faut-il le rappeler, le barreau dénonce l’impossibilité de déférer les personnes contre lesquelles les procédures pénales sont enclenchées. Le maintien de certaines personnes dans les polices judiciaires en dépit de l’expiration des délais de garde à vue, la non tenue des audiences de flagrants délits, de celles de citation directe tels que les accidents et les flagrants délits, l’impossibilité d’effectuer les interrogatoires dans les cabinets d’instruction, le maintien de personnes inculpées pour flagrant délit, les gels subséquents des plaintes…. Ce depuis la rentrée judiciaire 2019 avec l’impossibilité pour les détenus de bénéficier des visites de leurs parents depuis quelques semaines.

Mariam Ouédraogo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net