La zone de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA) a entrepris de réformer son système monétaire, particulièrement sur ce qui la lie à la France dans ce système. Cette décision intervient à un moment où le sentiment antifrançais est exacerbé par la présence de l’Hexagone dans les affaires politico-économiques et militaires des pays africains. Le système monétaire de la zone franc CFA, d’une manière générale, est de plus en plus récusé, la France était accusée d’entretenir toujours des relations néocoloniales avec les pays de l’UMOA. La commission des finances sur le franc CFA, commission française, après avoir écouté des structures et personnalités phares, a dressé un état des lieux et un bilan de la Zone franc. Ils sont revenus sur les critiques formulées à l’encontre de ce système monétaire et ont tenté de déconstruire le mythe qui prévaut.

Trop souvent délaissés ou sous-estimés, les accords monétaires internationaux (France – Zone franc) sont aussi caricaturés, servant de prétexte aux querelles politiciennes et alimentant en parallèle le populisme et le sentiment antifrançais.

La commission estime dans son rapport qu’il est vrai, et cela vient en grande partie du nom de la monnaie et de son histoire, et qu’il est difficile de dissocier le franc CFA de la France-Afrique. « Mais cette appréciation est à la fois trop restrictive et témoigne d’une trop grande inertie, sans considération pour les évolutions intervenues depuis les années 1960 et 1970 », rapportent Nathalie Goulet, rapporteur spécial, et Victorin Lurel, rapporteur.

« Au moment où l’information sur les réseaux sociaux tend à supplanter les travaux de fond, où l’émotion fait œuvre de raison, nous avons choisi, malgré les conditions de travail très particulières dues à la crise sanitaire, de dresser un rapport détaillé sur ce sujet, afin de nourrir de futurs travaux, et notamment ceux qui porteront sur les nouveaux accords de coopération monétaire avec les pays de la Zone franc », poursuivent-ils.

Une histoire qui a connu des évolutions

La Zone franc CFA compte quinze pays africains. Dans la réalité, il s’agit de la France et quinze Etats d’Afrique subsaharienne : les Comores, les huit pays membres de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA) et les six pays membres de Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). Selon les rapporteurs de la commission, contrairement à une idée communément répandue, il n’existe donc pas un franc CFA mais deux francs CFA : celui de la Communauté financière africaine pour l’Afrique de l’Ouest (XOF) et celui de la Coopération financière pour l’Afrique centrale (XAF), ainsi que le franc comorien (KMF).

Le fonctionnement de la Zone franc repose sur quatre principes fondamentaux communs aux trois zones monétaires et trois monnaies qui composent cette zone franc CFA : parité fixe avec l’euro (1 euro vaut 655,957 francs CFA, XOF ou XAF ; et 491,968 francs comoriens, KMF) ; garantie de convertibilité illimitée et inconditionnelle des francs CFA et comorien en euros ; centralisation de la totalité de leurs réserves de change officielles auprès de leur banque centrale ; et la liberté des transactions et des mouvements de capitaux à l’intérieur de chacune des zones monétaires.

En tant que partie aux accords monétaires internationaux et garant, la France nomme des représentants dans les trois instances techniques de la BCEAO et de la BEAC : les Conseils d’administration des banques centrales, les Comités de politique monétaire et les Commissions bancaires des unions monétaires. Il n’y a pas de représentant dans les instances politiques. Dans la BCC, la France est présente au Conseil d’administration, qui assume les tâches dévolues dans l’UMOA et la CEMAC au comité de politique monétaire et au collège de supervision bancaire.

Pour les rapporteurs, le refus vis-à-vis de la monnaie de la Zone franc est aussi bien lié à son origine qu’à son histoire. Le franc CFA fut d’abord le franc des Colonies françaises d’Afrique depuis décembre 1945. Emise dans un premier temps par la Caisse centrale de la France d’Outre-mer, puis par la BEAC et la BCEAO, respectivement à partir de 1977 et 1978, elle reste toujours fabriquée en France. La dénomination a changé par la suite mais le sigle et sa charge symbolique demeurent. Cependant, relève les rapporteurs, le franc CFA a aussi servi de levier aux processus d’intégration monétaire et économique en Afrique.

Entre critiques et rejet de l’analyse critique

Dans leur rapport, les commissaires reviennent sur dix constats portés sur la Zone franc. Il s’agit des critiques reformulés à l’encontre de système monétaire de la Zone franc CFA, pour lesquelles ils veulent déconstruire le mythe. Entre autres, ils ont cité la possibilité de taxation des réserves déposées au Trésor français et leur probable contribution à financer la dette française, la stabilité monétaire et la maîtrise de l’inflation, les obstacles à la croissance et au développement des pays de la Zone franc, l’obstacle à la compétitivité des produits de la zone. Des théories battues en brèche par les rapporteurs de la commission qui estiment que les pays de l’UMOA ne sont pas significativement moins performants que leurs voisins ouest-africains, en suivant certains classements.

Par ailleurs, les rapporteurs estiment que la parité fixe avec l’euro serait plutôt un atout pour l’ensemble des entreprises étrangères, et non pour les entreprises françaises de façon particulière. Aussi, depuis quelques années, constatent-ils, il y a une diminution de la part de la France et de la zone euro dans les échanges avec l’UMOA et la CEMAC.

Enfin, la décision de faire fabriquer ses billets en France ne relève pas d’accords monétaires, mais d’accords commerciaux, et donc d’une libre décision des banques centrales de la Zone franc. Les rapporteurs font remarquer à ce sujet, qu’à ce jour, seuls neuf pays africains disposent d’infrastructures nécessaires à la fabrication sur place de leurs billets.

Les membres de la commission sont néanmoins unanimes, qu’au-delà de la modernisation nécessaire de l’accord de coopération monétaire entre la France et les pays de la zone franc, qui n’a pas été modifié depuis le début des années 1970, la réforme doit également répondre aux mouvements de contestation qui ont émergé à l’encontre du franc CFA. La réforme du franc CFA en Afrique de l’Ouest est un triple impératif pour la France, estime la commission.

Un impératif de communication, un impératif d’évaluation du risque financier et un impératif de clarification du rôle de l’Union européenne. Cependant, même si elle propose des changements symboliques et structurels à même d’apaiser certaines critiques, la commission pense que la réforme du franc CFA en Afrique de l’Ouest suscite encore des interrogations sur sa portée à court et à long termes.

Synthèse d’Etienne Lankoandé

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L’évolution de la parité des francs CFA

1945 : 1 franc français = 0,588 franc CFA

1948 : un franc français = 0,5 franc CFA

1960 : introduction du nouveau franc français ; un franc français = 50 francs CFA

1994 : dévaluation du franc CFA ; un franc français = 100 francs CFA

1999 : arrimage du franc CFA à l’euro ; un euro vaut 655,957 francs CFA

Source : Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest, « Histoire du franc CFA », https://www.bceao.int/fr/content/histoire-du-franc-cfa

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