Woya Oumou Owona Guindo est consul honoraire du Burkina à Yaoundé depuis 1997. Arrivée au pays de Paul Biya en 1973 pour ses études, elle va se marier à un Camerounais. Après un diplôme en économie, Oumou Guindo travaille pendant 33 ans et fait valoir ses droits à la retraite. « Je consacre maintenant tout mon temps au Consulat », confesse-t-elle. Avec elle, il est question, dans cette interview, de l’intégration et de la cohabitation entre les ressortissants burkinabè et les Camerounais. Lisez !

Lefaso.net : Comment se porte la coopération entre le Burkina et le Cameroun ?

Woya Oumou Owona Guindo : La coopération entre les deux pays se porte bien. Le Burkina et le Cameroun sont des pays frères. Sur le plan économique, il y a des échanges dans le domaine artistique. De nombreux Camerounais participent au SIAO (Ndlr, Salon international de l’artisanat de Ouagadougou). L’expérience du SIAO les a inspirés et ils ont créé le SIAC, Salon international de l’artisanat du Cameroun. Des Burkinabè viennent aussi au SIAC.

Dans le domaine du cinéma, le Fespaco (Ndlr, Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou) draine de nombreux échanges entre les deux pays. De nombreux acteurs de théâtre camerounais sont également formés par Théâtrale de Ouagadougou. Les échanges se font également très bien dans d’autres domaines. Sur le plan sécuritaire, les autorités du Cameroun mettent en œuvre les textes internationaux. Les Burkinabè qui viennent ici en aventure souvent sans papiers sont bien ménagés. Lorsqu’ils sont arrêtés, on ne les maltraite pas comme dans d’autres pays.

Et dans le domaine de la formation ?

Pour la formation militaire et universitaire, des Burkinabè viennent toujours au Cameroun. Seulement, ils viennent moins nombreux ces dernières années peut-être parce qu’il y a un peu plus d’universités au Burkina Faso. On rencontre plus de prêtres qui s’inscrivent à l’Université catholique de l’Afrique centrale. Ceux qui viennent toujours dans des universités au Cameroun sont surtout des doctorants.

Des officiers militaires, des policiers viennent aussi pour des formations ici. Ils viennent principalement à l’Ecole militaire interarmes du Cameroun (EMIA Cameroun).

Combien de ressortissants burkinabè vivent actuellement à Yaoundé ?

Environ 300 Burkinabè vivent actuellement à Yaoundé. Ils sont au moins 70 dans les universités, une cinquantaine travaille dans les institutions internationales. Ceux qui font de petits boulots sont environ 150.

Quelles sont les difficultés auxquelles les ressortissants burkinabè sont fréquemment confrontés ici ?

La difficulté majeure est très souvent le manque de papiers. Hormis cela, les ressortissants burkinabè sont bien intégrés dans la communauté, les gens les acceptent. Il y a beaucoup de partages entre eux et les Camerounais.

Les problèmes surgissent quand ils franchissent les frontières pour aller dans les pays voisins. Ils sont soit refoulés, soit arrêtés. Lorsqu’ils reviennent, le Cameroun les accepte à nouveau et nous organisons leur retour au pays. Dans le temps, nous faisions des rapatriements massifs avec l’appui du ministère des Affaires étrangères et celui des Burkinabè de l’extérieur.

Ces dernières années, à cause des problèmes économiques, moins de personnes vont vers les pays voisins du Cameroun. Et il y a moins de rapatriements. Ceux qui prennent l’initiative de rentrer, nous leur délivrons des laisser-passer pour qu’ils puissent le faire.

Est-ce qu’il vous arrive d’être saisie pour des Burkinabè détenus en prison ?

Il arrive que certains soient arrêtés et emprisonnés dans certaines régions. Mais dès que nous sommes informés, nous intervenons pour les faire libérer et organiser leur retour. Nous avons eu des cas de mineurs, enfants de moins de 16 ans, qui étaient arrivés ici. Nous les avons fait repartir au pays par avion. Nous avons également eu le cas d’une femme très âgée qui s’était rendue au Gabon pour des raisons de religion. Nous nous sommes arrangés pour la faire rentrer au Burkina Faso.

Combien de ressortissants burkinabè sont actuellement en prison et quelles en sont les causes ?

Aucun Burkinabè n’est actuellement en prison à Yaoundé. Par contre, j’ai été saisie par le ministère en charge des relations extérieures pour le cas d’un Burkinabè détenu dans la ville de Nanga-Eboko. Nous avons pris attache avec les responsables de la ville qui nous ont dit ce que nous devons faire pour sa libération. Nous nous y attelons. Il y est détenu pour immigration clandestine. Il faut dire que tous les cas pour lesquels nous avons été saisis sont liés à l’immigration clandestine. Hormis cela, nous n’avons jamais connu des cas de vol, d’assassinat, d’escroquerie impliquant des ressortissants burkinabè.

Comment se passe la collaboration avec l’Association des Burkinabè de Yaoundé (ABY) ?

La collaboration se passe bien avec l’Association des Burkinabè de Yaoundé que j’ai contribué à créer. Avant, nous nous retrouvions tous les mois mais pour se donner la chance d’avoir le maximum de participants à ces rencontres, nous avons ramené la rencontre à tous les trois mois. Nous organisons souvent des dons dans les prisons ou les orphelinats et des sorties pour découvrir davantage le Cameroun.

Vous l’avez dit, la coopération entre Ouagadougou et Yaoundé se porte bien, mais sur quels secteurs porteurs faut-il mettre l’accent pour renforcer cette coopération ?

On peut accroître la coopération dans le domaine de l’exploitation minière. Parce que j’estime qu’elle n’est pas aussi développée au Cameroun qu’au Burkina Faso. Les deux pays peuvent organiser un partage d’expériences dans ce domaine et le Burkina pourra apporter son expérience et la main d’œuvre au Cameroun.

L’équipe nationale de football du Burkina séjourne au Cameroun dans le cadre de la Coupe d’Afrique des nations. Vous l’avez vue jouer, pensez-vous qu’elle repartira avec le trophée cette fois-ci ?

Je souhaite que les Lions indomptables du Cameroun et les Etalons du Burkina Faso puissent continuer jusqu’en finale et que le meilleur gagne à la finale.

Votre mot de la fin…

J’appelle les compatriotes à continuer de respecter les lois et les règlements du pays afin de pouvoir vivre dans l’harmonie, la paix et la sérénité avec les populations qui les accueillent. Je les invite aussi à ne jamais oublier d’investir dans leur pays d’origine qu’est le Burkina Faso.

Propos recueillis par Jacques Théodore Balima

Lefaso.net

*Créée en 1960, l’Ecole militaire interarmes du Cameroun a formé et continuer de former des officiers burkinabè parmi lesquels les capitaines de Thomas Sankara et Blaise Compaoré.

Source: LeFaso.net