L’Assemblée nationale a adopté la deuxième loi de finances rectificative, le 25 juillet 2016. Dans cette nouvelle loi, il est institué de nouvelles taxes afin d’élargir l’assiette fiscale. Pour mieux comprendre l’institution de ces taxes et ce qu’elles rapporteront au budget de l’Etat, gestion 2016, nous avons rencontré, le 28 juillet, le directeur général des impôts, Adama Badolo. Dans cet entretien, il parle aussi du niveau de recouvrement des recettes par la Direction générale des impôts (DGI) au 30 juin 2016.

Lefaso.net : Dans la dernière loi de finances rectificatives adoptée le 25 juillet 2016 par l’Assemblée nationale, de nouvelles taxes ont été instituées par le gouvernement, pouvez-vous nous préciser quelles sont ces taxes ?

Adama Badolo : Il y a exactement quatre taxes : la taxe sur les propriétés bâties et non bâties, la taxe sur les boissons spécifiquement la bière, la retenue à la source sur les jeux de hasard et une dernière taxe sur les véhicules d’importation d’une certaine catégorie.

A quoi répond l’institution de ces nouvelles taxes ?

Ces nouvelles taxes et toutes les mesures administratives, législatives qui sont prises n’ont qu’un seul but : améliorer le niveau des ressources propres de l’Etat. Il faut qu’on augmente les ressources de l’Etat pour lui donner les moyens de subvenir aux besoins des populations, mais également de conduire les politiques publiques, d’assurer la couverture sociale pour l’ensemble des Burkinabè, de procéder aux investissements nécessaires pour les populations. Nous sommes dans un pays où le niveau de prélèvement par rapport au produit intérieur brut est jugé l’un des plus faibles. Nous avons un taux de pression fiscale qui varie entre 14 et 15%. L’UEMOA dit que le taux minimum devrait être de 20%. Les pays comme le Togo, le Benin, la Côte d’Ivoire, le Sénégal ont atteint ce taux. Il faut qu’on trouve des stratégies aussi pour atteindre ce taux, sinon on continuera d’être un pays arriéré.

La bourse des citoyens pourra-t-elle supporter ces nouvelles taxes ?

Nous allons travailler à expliquer aux citoyens la nécessité de payer l’impôt. Je crois que les tarifs sont étudiés pour que les citoyens comprennent la nécessité de payer l’impôt sans pour autant que ça soit un fardeau trop lourd pour eux, pour que ça soit supportable.

Parlant de la taxe sur la bière, quel est le taux d’imposition ? Avec ce relèvement du taux de la taxation, faut-il s’attendre à une hausse du prix de la bière pour le consommateur ?

Il y a une augmentation du taux de 5 points seulement. Quand on regarde de très près le prix actuel de la bière, l’augmentation ne peut pas dépasser 10 à 15F parce que le prix de la bière qui coûte entre 500F et 600F, il y a déjà des taxes là-dessus. Si on enlève ces taxes sur la boisson qui existaient déjà, ça vaut la moitié du prix actuel de la bière, plus la marge. Donc, les cinq points d’augmentation ne vont pas dépasser 10 à 15F. Nous pensons que ce relèvement du taux ne devrait pas induire une augmentation du prix de la bière.

Pourquoi avoir choisi la bière, est-ce parce que c’est la boisson la plus consommée ?

Non. Déjà en avril, il y avait une augmentation du taux de la taxe sur les boissons alcoolisées à l’exception de la bière. On n’a fait qu’aligner la taxe sur la bière sur les autres boissons alcoolisées. Et puis, nous sommes dans un espace communautaire, l’UEMOA, qui encadre les taxes spécifiques comme la taxe sur la bière, la taxe sur la cigarette, la taxe sur le thé… Donc, il y a une fourchette dans laquelle les pays sont invités à taxer, à déterminer les taux pour la taxation de ces produits spécifiques et je vous assure que ce n’est pas nous qui avons le taux le plus élevé, y compris avec l’augmentation de 5 points. Le Sénégal par exemple est à la borne supérieure. Certains pays même demandent que l’UEMOA augmente la borne supérieure pour leur permettre de dépasser le taux de 45-45% que l’UEMOA a fixé comme base haute.

Les sociétés de production de ces boissons alcoolisées ont-elles été approchées avant l’augmentation du taux de la taxation ?

Dans le cas spécifique de ce relèvement, nous n’avons pas eu de concertations avec les sociétés qui produisent la bière. Mais, nous avons un cadre de rencontres annuelles au cours desquelles, on discute des mesures que nous envisageons. Il faut dire que ce relèvement est exceptionnel parce qu’il intervient en cours d’année et nous n’avons pas eu l’occasion de le faire. Chaque année, c’est à l’occasion de la loi de finances initiale qu’on a des concertations avec ces entreprises. Je pense que d’ici décembre, on va pouvoir discuter avec eux sur ce taux. Et d’ailleurs, nous pensons que nous devons effectivement discuter avec eux pour qu’on revoie ensemble la taxation de ce secteur pour que ce soit une taxation optimum pour les entreprises, celles qui fabriquent la boisson, celles qui la commercialisent mais aussi pour l’Etat.

Concernant le relèvement du taux de taxation sur la bière, certains estiment qu’il y a eu de l’improvisation de la part du gouvernement, qu’en est-il ?

Ça figurait parmi les autres taxes, peut-être que les gens n’ont pas tout vu. Il n’y a pas eu d’improvisation. Si vous repartez même en avril, vous allez voir que déjà, on en avait parlé. On m’a expliqué qu’il y a eu dans l’exposé des motifs un paragraphe où on n’a pas évoqué ça. Si non, il n’y a pas eu d’improvisation.

A quand l’application effective de cette loi ?

Le 1er septembre 2016.

Pouvez-vous revenir sur la taxe sur les propriétés bâties et non bâties et à quoi doivent s’attendre les contribuables ?

Concernant la taxe sur les propriétés bâties et non bâties, le montant n’est pas très élevé puisque le taux est de 0,1% des investissements ou de la valeur de la parcelle. Si vous avez une parcelle nue dont la valeur est estimée à six millions, le taux dans ce cas est de 0,2%, ça fait 12 000F pour toute l’année. Si vous avez par exemple une maison non construite, c’est des investissements. Si les investissements font 10 millions, vous payez 0,1%, ce qui fait 10 000F pour une maison de 10 millions. Je pense que ce n’est pas cher payé. Ce qu’il faut ajouter, c’est que ça ne concerne pas tout le monde. Ça ne concerne pas tous ceux qui sont dans les zones non aménagées. En fait, cette taxe ne concerne pas ceux qui sont dans les villages et ceux qui sont dans les non loties qui font 75 à 80% de la population burkinabè.

Aussi, ça ne concerne pas tous ceux qui ont une seule parcelle, ils sont aussi très nombreux. En fait, ça concerne les plus nantis. Ça concerne ceux qui ont une maison et deux, trois, quatre parcelles. A ces gens, on demande de payer tout simplement 10 000F par an pour une maison qui vaut 10 millions, 20 000F pour une maison qui vaut 20 millions. Les gens ne devaient pas se plaindre pour ça. A notre humble avis, les gens devraient même nous encourager et demander qu’on augmente le taux pour que l’effort de contribution soit partagé par tout le monde.

Un mot sur la taxe sur les véhicules et combien cela pourrait rapporter au budget de l’Etat ?

La taxe sur les véhicules, c’est une nouvelle taxe dont le taux est de 5% à l’importation des véhicules d’occasion dont la puissance est supérieure ou égale à 13 chevaux. Donc, ça ne concerne pas les petits véhicules, mais c’est à partir des V8 et autres véhicules de luxe. Cette taxe est perçue au cordon douanier par la direction générale des douanes au moment où on dédouane le véhicule. Les estimations que nous avons indiquent qu’au Burkina, il y a environ 35 000 véhicules qui sont importés par an, dont en gros 5000 véhicules qui rentrent dans cette catégorie. Quand on va commencer à appliquer, on estime qu’on peut engranger environ deux milliards de francs CFA au profit du budget de l’Etat.

Avec l’institution de ces nouvelles taxes, à combien estimez-vous la cagnotte que l’Etat pourra engranger cette année ?

Nous avons estimé pour l’ensemble de ces taxes les recettes supplémentaires à huit milliards de francs CFA.

Au stade actuel, quel est l’état de recouvrement au niveau de la DGI ?

A la DGI, notre objectif de l’année est de 622,9 milliards pour le budget de l’Etat. A la fin du mois de juin, nous avons recouvré un peu plus de 298 milliards. Nos estimations étaient de 318 milliards, donc, on a un gap de 20 milliards. Mais, quand on compare par rapport à l’année dernière à la même période, on était à 253 milliards en fin juin 2015. Donc, cette année, on a fait 45 milliards de plus par rapport à la même période. C’est vrai que nous n’avons pas atteint notre objectif du semestre, mais nous pensons que si on fait 18% de plus que l’année dernière, c’est quand même un effort considérable sur la période. Pour le second semestre, notre objectif est maintenant plus élevé. Initialement, c’était 304 milliards, maintenant, il faut ajouter les 20 milliards de gap. Donc, il faut mobiliser 324 milliards à mobiliser.

Avec les nouvelles taxes, est-ce que des sensibilisations sont prévues pour que les contribuables comprennent et s’acquittent convenablement de leur devoir ?

Des sensibilisations sont prévues. Nous avons un plan de communication pour informer le maximum de nos concitoyens sur l’importance de ces taxes. Et la nécessité pour que chacun y mette du sien pour qu’on construise ensemble le Burkina Faso. Il faut qu’on comprenne qu’il nous appartient de donner les moyens à ceux qui gouvernent, à ceux qui sont chargés de mettre en œuvre les politiques, pour qu’ils puissent les mettre en œuvre effectivement. Comme ça, s’ils n’ont pas pu faire le travail, nous sommes fondés à dire qu’ils n’ont pas bien travaillé puisqu’on leur aura donné les moyens et ils n’ont pas réussi.

Propos recueillis par Moussa Diallo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net