Une semaine après sa lettre ouverte au Président du Faso, le président de Le Faso Autrement, Dr Ablassé Ouédraogo, a animé ce jeudi, 4 août 2016 à Ouagadougou, une conférence de presse au cours de laquelle, il est revenu sur son diagnostic de la situation nationale. Le Faso Autrement se veut clair : ‘’le pays va mal, il faut faire quelque…et rapidement ». Outre ce point, il a été aussi question de la vie du parti et du projet d’un passage à une Vème République.
Aux côtés de Dr Ablassé Ouédraogo et ses camarades, des responsables de la Nouvelle alliance du Faso (NAFA), Rasmané Ouédraogo et du Parti de l’indépendance, du travail et de la justice (PITJ), Soumane Touré, venus les soutenir.
Sur la vie du parti, le président de Le Faso Autrement, a noté que beaucoup de choses ont été réalisées mais beaucoup reste encore à faire et à apprendre. « Nous allons nous y atteler avec engagement et courge pour faire du parti, un parti national solide, jouant les premiers rôles dans les prochaines années », a annoncé Dr Ablassé Ouédraogo.
Créé le 12 septembre 2011, Le Faso Autrement a enregistré, dès 2012 (élections couplées), 43conseillers élus dans 32 communes et un député. Aux élections couplées du 29 novembre 2015, souligne-t-il, le parti est arrivé cinquième sur quatorze candidats à l’élection présidentielle et a obtenu un député. Pour ce qui est des municipales du 22 mai 2016, il a réussi à doubler son score de 2012 en passant de 43 à 87 conseillers municipaux. « Le parti est à la tête d’une commune provinciale, la mairie de Sapouy dans la province du Ziro et occupe les responsabilités de deuxième adjoint au maire à Cassou dans le Ziro et à Pabré dans le Kadiogo », a étayé Dr Ablassé, précisant que Le Faso Autrement se place dans le top 10 sur l’échiquier politique national. Fort de cette dynamique, les responsables entendent achever l’implantation des structures du parti sur l’ensemble du territoire national et initier bien d’autres actions visant à faire rayonner le parti.
Sept mois après…, « une gouvernance mouta mouta »
Sur la situation nationale, l’ex-directeur général adjoint de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) est revenu sur sa lettre ouverte adressée au Président du Faso le 28 juillet dernier et dans laquelle, il a ausculté la vie nationale, sept mois après l’accession des autorités actuelles au pouvoir. Ainsi, après avoir situé la philosophie qui a soutendu la lettre ouverte, le président du parti a appelé à ne pas se voiler la face ; le Burkina va mal. Et pour étayer ses propos, il s’appuie, entre autres, sur trois déclarations du Président du Faso. Il s’agit de l’entretien paru dans le journal français Le Monde du 8 avril 2016 dans lequel, Roch Kaboré confiait : « Si on n’aide pas le Burkina Faso, ce sera la chronique d’un échec annoncé ».
Ensuite, poursuit Dr Ouédraogo, à New-York, le 7 juin 2016, le Président du Faso a, au cours de ses échanges avec la communauté burkinabè, indiqué : « Sur le plan économique, la situation est grave et aujourd’hui, nous avons un budget qui sera déficitaire de l’ordre de 300 milliards de FCFA ». Le président de Le Faso Autrement fait observer que le budget a subi une seconde rectification en moins de trois mois. La troisième déclaration relevée est celle faite par le Président du Faso lors de sa rencontre avec la communauté burkinabè en Côte d’Ivoire le 28 juillet dernier à Yamoussoukro : « Il ne faut pas flatter les gens que nous sommes venus avec une solution miracle et qu’en six mois, le Burkina Faso va devenir un Eldorado ».
Pour Dr Ablassé Ouédraogo, ces « déclarations inquiétantes à répétition » sonnent comme un aveu d’impuissance du pouvoir en place et qu’il faut, de ce fait, féliciter le Président du Faso « pour son réalisme et sa bonne perception de la situation politique, économique et sociale très difficile que traverse le pays ». Selon lui, la gouvernance de Roch Kaboré installe une morosité ; une « rochosité », « une gouvernance mouta mouta ».
« Comprenne qui pourra ! Le socle de confiance, nécessaire à toute entreprise humaine, est détruit. Cette situation est aggravée par la poisse sans précédent qui s’abat sur notre pays avec tous les événements malheureux que vivent les Burkinabè, comme entre autres, les nombreux incendies, les attaques terroristes, les accidents de la circulation ainsi que les conséquences de la faiblesse de l’autorité de l’Etat et de l’incivisme croissant. C’est historique », égrène l’ex-organisateur en chef du Chef de file de l’opposition politique au Burkina-Faso (CFOP-BF). Saisissant l’actualité au rebond, il révèle que l’abatage massif des ânes qui défraie la chronique ces derniers temps, illustre bien « cette poisse » et n’augure pas de lendemains meilleurs ; l’âne (à l’image d’autres animaux) étant « sacré dans notre société ». Il appelle les autorités à regarder les réalités en face, éviter « les tâtonnements, les hésitations et les tergiversations qui sont insoutenables et inadmissibles lorsque l’on a fait 27 ans d’apprentissage ».
Pour Le Faso Autrement, avec ce qui se vit depuis son avènement aux affaires, le MPP s’est préparé pour conquérir le pouvoir mais sans être préparé pour sa gestion. « Il est clair que ces opposants de 25ème heure, comme je les ai appelés déjà en décembre 2014, ont pris le pouvoir beaucoup plus pour se protéger contre la justice sans avoir pensé aux réponses à apporter aux aspirations de justice sociale, d’équité et de développement du peuple insurgé des 30 et 31 octobre 2014. La réalité est cruelle pour tous les Burkinabè », a dénoncé le président du parti. Pour couvrir leurs faiblesses et carences, dit Ablassé Ouédraogo, le Président Roch Kaboré et son gouvernement utilisent la méthode des annonces de mesures populistes et surtout la méthode de la diversion du peuple, en faisant de Yacouba Isaac Zida et de la Transition, leur bouc-émissaire. « Pour le pouvoir en place, il faut à tout prix démystifier la transition tout en oubliant que c’est cette même transition qui leur a permis d’arriver là où ils sont aujourd’hui.
En effet, le Président Kafando (Michel) avait déclaré le 3 juin 2015 en France ceci : ‘’A partir du moment où quelque huit mois avant il (parlant de Roch Kaboré) a changé de camp en reconnaissant qu’il avait commis une erreur, vous ne pouvez pas le poursuivre au même titre que ceux qui sont restés dans leur entêtement ». Quelques mois après, le Conseil constitutionnel renouvelé par la Transition, validait cette candidature malgré la pertinence de notre recours. C’est ce que l’on appelle de l’ingratitude », retrace-t-il.
Trois suggestions au Président Roch Kaboré
Par ailleurs, pour Le Faso Autrement, le Président Roch Kaboré et ses compagnons des 27 ans du régime Compaoré n’ont pas encore rendu les comptes qu’ils doivent aux Burkinabè, parlant de crimes de sang, crimes économiques, crimes liés à la non-exécution des projets supposés réalisés et aux privatisations hasardeuses. Face à ce qu’il qualifie donc de « moment difficile de notre histoire », le président Ablassé Ouédraogo suggère au Président du Faso, ‘’l’organisation sans délai d’une concertation et d’un dialogue inclusif avec les acteurs clés de la vie politique, économique et sociale du Burkina et prioritairement tenir un dialogue avec la classe politique en impliquant toutes ses composantes ».
En second point, il propose de ‘’restaurer le socle de confiance indispensable à l’intérieur du Burkina et entre le Burkina et ses partenaires et amis de l’extérieur pour donner une chance à la relance de l’économie, en faisant de la paix sociale, de la stabilité politique et de la sécurité, des réalités incontestables ». Enfin, ‘’œuvrer pour une véritable réconciliation nationale à même de renforcer l’unité nationale et la cohésion sociale et une justice équitable et transparente pour tous ».
En ce qui concerne le changement de la Constitution et le passage à une Vème République, le président de Le Faso Autrement juge qu’un tel projet ne va pas changer la vie des populations burkinabè. De son avis, à partir du moment où Blaise Compaoré est parti du pouvoir et que l’article 37 a été verrouillé par le Conseil national de la Transition (CNT), il n’y a plus lieu d’en faire une priorité et, par voie de conséquence, y investir environ cinq milliards de FCFA ; il faut solder la dette intérieure pour relancer l’économie nationale. « Ce n’est pas parce qu’on va arriver à la Vè République, que par un coup de baguette magique, la situation du Burkina va changer, non ! C’est dans le comportement des individus et dans la façon de faire, que le changement va intervenir. (…).
Pourquoi les gens pensent à eux-mêmes, au lieu de penser au peule ? », scrute le président du parti. Déplorant l’attitude du régime actuel face aux réalités, Ablassé Ouédraogo a annoncé son affiliation au CFOP-BF, les jours à venir. « On ne peut pas aller là où on n’a pas besoin de nous ; nous allons aller là où nous sommes à l’aise. Et nous avons décidé, en notre âme et conscience et au niveau de la direction politique du parti, d’aller renforcer les rangs de l’opposition. Nous sommes plus à l’aise avec la pensée de l’opposition et nous allons aller aider à redresser ce que nous considérons que le pouvoir ne fait pas correctement », a-t-il justifié avant de préciser que le parti avait besoin de ce temps d’observation pour un choix conséquent.
‘’Comprendre l’idée du régime parlementaire … ‘’
« Par rapport au régime parlementaire, à la nouvelle République, c’est en 2013 que Salif Diallo est allé voir le Président Compaoré pour lui dire (Salif est vivant, le Président Compaoré est vivant et vous pouvez le vérifier) : Président, l’histoire de la modification de l’article 37 ne va pas passer au niveau de la population. Donc, changeons de régime, changeons de Constitution et le tour est joué. Et le Président Compaoré lui dit : tu sais, au Burkina Faso, la culture du peuple est d’avoir un chef avec tous ses attributs ; un chef vidé de ses attributs, les gens ne peuvent pas l’accepter. Donc, il faut laisser cette idée d’aller vers le parlementarisme et essayons de travailler pour maintenir la Constitution telle qu’elle. C’est comme cela que ça s’est passé. Et, je le dis, aujourd’hui, le contexte est totalement différent ; l’article 37 ne pose plus problème, il n’y a personne à protéger… ».
Il invite tous les Burkinabè à mettre la main à la pâte, tout en réaffirmant la disponibilité de son parti à œuvrer pour l’intérêt de la patrie et du peuple burkinabè. « Reconnaissons ensemble que le problème actuel du Burkina est loin d’être la qualité de sa Constitution et de sa République, mais plutôt la qualité des hommes et des femmes chargés d’animer la vie des institutions. (…). La situation actuelle du pays requiert de l’écoute et un travail de mobilisation de tous, donc de réconciliation nationale, autour de l’intérêt supérieur du pays. (…). La priorité absolue actuellement au Burkina est économique et sociale. Ne jetons pas de la poudre aux yeux de toute une nation en faisant de la politique, l’opium du peuple burkinabè. (…). Il faut jouer au rassemblement, il faut jouer à la réconciliation. Et chacun d’entre nous est apte à apporter quelque chose pour le bonheur de la société », exhorte Dr Ablassé Ouédraogo.
Oumar L. OUEDRAOGO
(oumarpro226@gmail.com)
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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