Elle est née de façon insoupçonnée avant même l’insurrection populaire qu’a connue notre pays en octobre 2014, et participe désormais de la réification de tous nos rapports. Mais la constance et la véhémence avec laquelle cette division s’affirme, nous forcent aujourd’hui à nous interroger sur notre avenir autant qu’elle suscite en nous de très profondes inquiétudes.

Il y eut d’abord les pro et les anti-référendum, les pro et les anti-Article37 avec la cristallisation des positions que nous connûmes. Il y eut ensuite les insurgés enorgueillis de leur victoire sur trente années d’iniquité qui se crurent dès lors légitimés à imprimer la cadence de la marche destinale de notre Nation, mettant au ban une autre frange qui peu avant était encore considérée comme frère.

Au soir du 31 octobre, nous rêvions d’un nouveau commencement, en nous, en nos actions et même en nos pensées. Malheureusement cette même division eut également raison d’une partie non négligeable des insurgés car instaurant une seule pensée univoque et immuable considérant toute autre critique comme une imprécation.

Nous sommes les insurgés, nous sommes donc la vérité. Et comme notre insurrection semble n’avoir laissé aucun testament frappé du sceau de la Vérité, nous voilà alors avec mille et une vérités qui divisent.

Alors même que nous nous sommes battus, parce que mus par les principes d’unicité de notre Nation, d’égalité des conditions et de justice sociale, alors même que notre action insurrectionnelle semblait auréolée des plus grandes vertus, notre victoire in fine ne sera que sournoisement ravageuse de ces grands et nobles principes.

Car le politique quant à lui n’hésita pas tantôt à choisir ses porte-voix au sein de cette myriade de vérités émanant principalement des Organisations de Société Civile, parfois à s’en servir contre ses adversaires les plus dangereux. Mais aujourd’hui ce mariage contre nature entre politiciens hardis et ceux nouvellement happés par la politique comme par la force du vide, a bien du mal à laisser l’autorité s’exercer. Un divorce, quel qu’en soit le prix, est donc naturellement prévisible, indispensable et non négociable.

Et l’assouvissement de nécessités immédiates ne doit pas nous détourner de notre premier dessein qui est l’Unité Nationale.

Des pays, avant nous, tel que le Rwanda, ont connu des césures plus difficiles et plus douloureuses que la nôtre, et ont su se réconcilier entre fils et filles pour hisser leur pays à un rang aujourd’hui enviable et envié.

Ayons constamment à l’esprit que l’on ne peut bâtir une Nation paisible sans harmonie et concorde entre ses enfants, car toute division entrainera une autre division, à moins que ceux aujourd’hui ostracisés ne soient plus dignes et de raison plus humaine que nous n’eûmes montrée dans l’exercice de notre pouvoir.

S’il y a un temps où l’on peut commettre une faute bon gré mal gré dans ce cycle humain qu’est le nôtre, il doit y avoir un temps pour le repentir, l’expiation ou le pardon, mais surtout un temps pour la réparation de la faute commise. Or pour nous, le plus difficile semble être l’octroi de ce temps réparateur à ceux-là que nous avons déchus, car cela signifierait inconsciemment leur céder une parcelle de notre Majesté légitiment érigée au soir du 31 octobre 2014.

Mais notre insurrection étant liée aux vecteurs qui l’ont engendrée, nous devons désormais admettre qu’elle est finie et que nous n’aurons d’autres acquis sérieux et durables que ceux que nous aurons construits ensemble, tous ensemble.

Jaurès disait ceci : « Il ne faut avoir aucun regret pour le passé, aucun remords pour le présent, et une confiance inébranlable pour l’avenir. » Confiance que malheureusement notre division instille difficilement pour que notre pays glisse paisiblement sur les ailes du temps.

Sidi Mohamed Ahémine SIDIBE

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Source: LeFaso.net