Il est jeune, dynamique et surtout ambitieux. Ousmane Kéré est le directeur général de « Kéros Agro ». Il s’est lancé dans la production de farine de maïs, depuis maintenant deux ans. Avec une production essentiellement destinée à l’exportation, le jeune directeur général travaille également à répondre aux besoins du marché local en plein essor. Et si aujourd’hui, son unité de production, installée à Saaba (périphérie de Ouagadougou), arrive à faire un chiffre d’affaires qui oscille entre 45 et 50 millions par an, le chef d’entreprise vise encore plus loin : installer, d’ici à cinq ans, une grande usine de production de farine de maïs à Loumbila. Découvrez ce jeune entrepreneur dans cet entretien qu’il nous a accordé dans sa boutique à Ouagadougou.

Lefaso.net : Comment êtes-vous venu dans la production de farine de maïs ?

Ousmane Kéré (O.K.) : Il faut dire que cela fait dix ans que je me suis lancé dans l’entreprenariat. J’ai commencé par la commercialisation des produits locaux, notamment le maïs. Je partais à Bobo-Dioulasso, à Dédougou pour acheter le maïs, que je venais revendre aux commerçants de la ville de Ouagadougou. A un certain moment, j’ai senti qu’il était nécessaire de passer de la commercialisation à la transformation, surtout qu’il y avait la demande. Une étape dans laquelle je me suis lancé, il y a maintenant deux ans.

Mais avant de m’y lancer, j’ai commencé par prospecter le marché extérieur, surtout la Côte d’Ivoire et le Niger. J’y suis allé et me suis rendu compte qu’il y avait une forte demande en farine de maïs. A mon retour, j’ai constitué un petit capital et commencé à produire la farine de maïs pour aller revendre à Abidjan. Au début, je conditionnais dans des sacs de 100 kilogrammes.

Et la première fois, ce sont cinq tonnes de farine que j’ai envoyées pour vendre. Je ne connaissais personne. Je me suis levé avec foi et courage, et une fois sur place, je me suis rendu aux marchés de Port-Bouet et de Deux-Plateaux. Quand j’ai dit que je vendais de la farine venue du Burkina, j’ai tout de suite eu des clients ; parce qu’ils savent que c’est de la farine de qualité. À Abidjan, il pleut beaucoup, donc il n’y a pas de bon soleil pour sécher la farine. Je suis resté là-bas trois semaines pour vendre.

C’est comme cela j’ai fait trois fois Abidjan, toujours avec des sacs de 100 kilos.

Et un jour, je me suis dit qu’il serait bien que je prospecte aussi le marché nigérien. C’est ce que j’ai fait. J’ai conditionné aussi dans des sacs et j’y suis allé vendre. Ça n’a pas été facile, parce qu’il y avait déjà des commerçants burkinabè qui vendaient aussi la farine là-bas. Mais la différence avec moi, c’est qu’ils n’étaient pas eux-mêmes producteurs et ils n’utilisaient pas des emballages purement alimentaires pour leurs produits. Nos produits n’avaient pas la même qualité.

Mais à un moment donné, j’ai pensé qu’il serait bien d’innover. C’est ainsi que j’ai commencé à utiliser des emballages purement alimentaires qui permettent de garder les produits intacts pendant un long moment. Et mes clients ont aimé. Aujourd’hui, je dis Dieu merci, parce qu’à Abidjan et au Niger, j’ai une clientèle bien établie, qui fait confiance à mes produits. Je ne badine pas avec la qualité. Nous conditionnons nos produits dans une grande salle et la farine est séchée dans une chambre à l’abri de la poussière. C’est ce qui fait que le séchage prend un peu de temps.

Lefaso.net : À vous entendre, la production de Kéros agro est uniquement destinée à l’exportation.


O.K. : C’est vrai que pour le moment, nous vendons beaucoup plus à l’extérieur. C’est parce que mon ambition, c’est de faire connaître et valoriser les produits du Burkina à l’étranger. Je me suis demandé qu’est-ce qu’on a au Burkina Faso, qu’on peut exporter et qui peut être apprécié par les gens. Et je me suis rendu compte que nous avons beaucoup de produits que nous pouvons valoriser, comme les céréales. C’est pourquoi je me suis lancé dans ce domaine. Mais nos produits sont aussi vendus sur le marché local, même si nous n’arrivons pas à satisfaire la demande.

Lefaso.net : À ce jour, combien de personnes employez-vous et quelle est la capacité de production de Kéros agro ?

O.K. : L’entreprise a démarré il y a deux ans. Et aujourd’hui, je remercie Dieu, nous avons créé sept emplois. Nous supportons les salaires difficilement, mais chaque employé est payé à temps. Et tout ça, c’est grâce à Dieu. Quand on est déterminé, Dieu ne peut que nous accompagner.

Pour ce qui est de la capacité de production, aujourd’hui, Kéros agro produit 200 à 300 kilos de farine par jour. La farine est emballée dans des sacs de 5kg et de 15kg aux prix de 2500 F CFA et de 6000 F CFA. Ce qui fait que nous n’arrivons pas à répondre à la demande. C’est la raison pour laquelle nous avons commandé des équipements plus grands, pour pouvoir produire au moins une tonne de farine chaque quatre heures. Nous avons commandé un séchoir solaire, mais qui peut aussi fonctionner avec le gaz, pour le séchage de la farine.

Ce qui va nous permettre de répondre à la demande. Il y a des alimentations qui réclament mes produits, mais je ne peux pas les satisfaire. Je me focalise donc sur l’exportation, plutôt que sur le marché local. Le marché local marche, mais mon ambition majeure, c’est de valoriser nos produits locaux à l’extérieur, comme je l’ai déjà dit.

Lefaso.net : Kéros agro, c’est donc uniquement la production de la farine de maïs ?

O.K. : En plus de la farine de maïs, je compte vendre du riz parfumé local. J’ai signé un partenariat avec un producteur qui produit du riz parfumé local. Je compte aussi produire de la pâte d’arachide. Mais pour le moment, je suis plus focalisé sur la farine ; parce que la demande est très importante. Mais j’étudie le marché de la pâte d’arachide. Bientôt, dans les semaines à venir, je vais lancer la production de pâte d’arachide, que vous trouverez dans des pots, bien emballés.

Lefaso.net : En tant que petite entreprise, quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?


O.K. : Nous rencontrons beaucoup de difficultés. On ne peut pas entreprendre sans difficultés, c’est certain. La question d’argent peut être une difficulté, mais ce n’est pas la seule. Pour moi, il faut commencer tout petit avant de grandir et non vouloir commencer grand en même temps. À mes débuts, j’avais un problème de local. Quand les propriétaires se rendent compte que tu veux louer pour une activité commerciale, le loyer qui était peut-être de 50 000 F CFA va passer à 150 000 ou 200 000 F CFA. Il y a aussi la question des ressources humaines.

Aujourd’hui, quand tu veux employer quelqu’un, il veut tout de suite de l’argent ; pourtant, ce sont des personnes qui ont besoin de formation et qui ne peuvent pas au début faire le travail comme on veut. Une autre difficulté, ce sont les équipements qui coûtent cher.

C’est l’ensemble de ces difficultés qui m’ont fait retarder mon projet. L’autre difficulté, et non des moindres, ce sont les emballages. Pour que ce soit rentable, il faut commander les emballages en grande quantité. Ce qui coûte extrêmement cher. Mais bientôt, je compte me rendre au Ghana ou au Nigéria, dans les usines de fabrication, pour commander les emballages personnalisés aux dimensions que je souhaite.

Lefaso.net : Aujourd’hui, Kéros agro a deux ans d’existence, quelles sont vos ambitions à long terme ?

O.K. : Notre vision à long terme, c’est d’installer une grande unité de production de farine de maïs à Loumbila, où la production se fera à la chaîne et avec une capacité d’au moins dix tonnes par jour. On ne fera plus rien de façon manuelle. Si tout va bien, dans cinq ans, cette usine sera installée. Cela demande des équipements de taille. Je travaille avec des institutions financières pour voir comment les acquérir. Pour moi, Kéros agro, c’est déjà une industrie, même si pour le moment elle est petite.

Ce sont les entrepreneurs qui peuvent créer des emplois. Donc, il faut que l’Etat nous accompagne avec des financements à faible taux d’intérêt. Créer une unité de production demande beaucoup d’argent. Et quand on monte un dossier pour un prêt, on te donne un délai d’un an pour rembourser. Pourtant, en un an, ce n’est pas évident de pouvoir récupérer ce que tu as investi.

Lefaso.net : Des conseils aux jeunes comme vous, qui hésitent encore à se lancer dans l’entreprenariat ?

O.K. : Les jeunes burkinabè veulent, en un clin d’œil, devenir riches. Pourtant, l’entreprenariat, ce n’est pas ça. Il faut avoir du leadership et avoir un esprit managérial. Pour un jeune qui veut entreprendre, c’est toujours bon d’aller voir ceux qui vont ont devancé dans votre secteur d’activité pour apprendre, se former. Il y a la possibilité de réussir en entreprenariat, mais il faut du courage, de la détermination et une vision claire. Il faut aussi bannir la honte.

Il ne faut pas se dire que j’ai échoué, je ne veux plus continuer, parce qu’on a peur du regard des gens. L’échec permet de se corriger pour aller plus loin. La vérité est aussi une valeur importante en affaires, le respect des rendez-vous et surtout toujours garder de bonnes relations avec les collaborateurs.

Entretien réalisé par Justine Bonkoungou

Lefaso.net

Source: LeFaso.net