La mine d’or d’Inata, dans la commune de Tongomayel, province du Soum, région du Sahel, a fait l’objet d’une attaque d’envergure le dimanche 14 novembre 2021 venant nous rappeler nos multiples incuries dans cette guerre contre les terroristes qui savent ce qu’ils veulent et qui donnent toujours le tempo de la lutte. C’est une lourde perte que le pays vient de subir avec 28 gendarmes morts et 4 civils. Le même jour, dans la même région à Kelbo, une attaque a été mise en déroute par les forces de défense.
À l’ouest ils ont attaqué et détruit une garnison en construction dans la commune de Mangodara. L’émoi est grand dans le pays, la colère gronde contre les dirigeants et des sentiments hostiles s’expriment sur nos erreurs, nos défaillances, notre carence notoire depuis le début de cette guerre. Les mauvais diagnostics et les mauvaises solutions sont à la base de la situation que nous vivons. Les politiciens de l’opposition et de la majorité ont-ils fait le bon diagnostic de la situation ? Faut-il faire taire ceux qui s’expriment pour réaliser l’union sacrée, faut-il fermer les buvettes et les maquis ces lieux de « perdition et d’opposition » ?
Cette attaque montre aussi que les véritables motifs de cette guerre sont économiques et que c’est notre pays et ses richesses qu’ils veulent nous retirer, parce que nous avons failli à les défendre par notre manque d’organisation, de réflexion, d’anticipation, de cohésion, d’unité…. Nous avons détruit l’État burkinabè par la corruption, l’extrême politisation de l’armée et de l’administration. Si nous en sommes là aujourd’hui, c’est que nous avons depuis le début des attaques fait des erreurs d’appréciation et d’analyses. Ce qui nous a emmené à prendre les mauvaises décisions où à ne rien faire, avec comme résultat un pays fragilisé, ventre mou de la lutte antiterroriste au Sahel.
La plus grosse erreur d’analyse a été de mettre sur le dos de l’ancien régime, le pouvoir déchu de Blaise Compaoré, les attaques du fait de son accointance avec certains groupes terroristes alors que notre pays faisait partie de leurs prétentions territoriales et était programmé pour être attaqué dès lors qu’ils s’en sont pris au Mali voisin. Une erreur d’appréciation emmène de mauvaises décisions.
En voyant les attaques comme une question de politique interne, on a politisé la menace et on n’a pas fait une mobilisation générale pour la défense de la patrie avec la peur que les éléments de l’autre camp ne soient pas des patriotes, et retournent les armes contre le pouvoir du Mouvement du peuple pour le progrès. Notre armée qui est politisée par les différents régimes depuis 1983 et qui a connu des mutineries et des radiations de plusieurs soldats, a sa haute hiérarchie coupée de la base. Celle-ci n’était pas excitée non plus à l’idée de retrouver dans les rangs ceux qu’elle a chassés.
Ce qui fait que la mobilisation générale ne faisait pas aussi son affaire et nous nous sommes privées de forces formées et capables de participer à la guerre.
Nous avons fait confiance à l’étranger notamment aux soldats de la force française Barkhane. Et ce faisant nous avons aliéné notre indépendance et nos capacités de nous défendre. Comment 5000 soldats peuvent défendre 5 pays mieux que leurs propres troupes ? A moins de penser qu’un soldat français vaut mieux que 10 ou 20 soldats burkinabè, maliens, nigériens etc. ? Pourquoi ne devrions-nous pas défendre nous-mêmes notre pays ?
L’autre erreur c’est de rester dans le G5-Sahel qui est un moulin à rapports et séminaires, où les pays n’ont pas le même objectif. La Mauritanie a-t-elle les mêmes intérêts que le Burkina dans cette crise qu’elle a réussi à bouter hors de ses frontières ? On peut citer encore de nombreuses erreurs comme de n’avoir pas empêché ses groupes de faire des forêts des sanctuaires où ils se réfugient. Mais arrêtons là, le mal est fait que devons-nous faire aujourd’hui ?
Ne plus se tromper maintenant
La grosse erreur serait de toujours traiter la question comme une question de politique politicienne. D’abord, le parti au pouvoir a tort de répondre à l’opposition. L’opposition a le ministère de la parole et de la manifestation. Elle est dans son rôle de critiquer ce qui ne va pas, de marcher, manifester, s’agiter, parce qu’elle est dans l’impossibilité d’agir sur le cours de l’histoire. Le président Bala Sakandé, qui dirige le parti au pouvoir et l’Assemblée nationale, a mieux à faire que de polémiquer. Il devrait mettre son énergie et tout son poids de deux fois présidents pour demander des comptes à qui de droit sur le fait que depuis 2015, les budgets alloués à l’armée ne font qu’augmenter et les résultats sécuritaires ne sont pas au rendez-vous.
Le succès des terroristes sont dus aussi au fait que l’Assemblée nationale ne contrôle pas l’action du gouvernement par esprit partisan. Le patriotisme voudrait que ce contrôle se fasse aujourd’hui plus qu’hier parce que nous sommes en guerre. Bala Sakandé sait que l’Assemblée a fait des propositions sur la lutte contre l’insécurité et elles ne sont pas mises en route et la situation se dégrade.
Toutes les défaillances des institutions de la République affaiblissent nos positions. Nous sommes tous concernés : du policier qui accepte 2000 francs CFA et ne fait pas son travail de contrôle à ceux qui détournent des sommes dans l’administration. Le gouvernement et la majorité doivent agir maintenant et non être en campagne permanente à répondre au moindre toussotement de l’opposition.
L’opposition certes doit s’opposer et critiquer mais cela ne l’exempte pas de réfléchir à ce qu’il faut faire. Sauver la patrie doit être le mantra de tous les partis. Si les partis de l’opposition ont des solutions ils doivent les partager parce que c’est notre patrie commune qui est en danger. S’ils les gardent dans l’espoir de leur prise du pouvoir, le pays se portera plus mal d’ici-là. Il faut annoncer des solutions et non chercher à ouvrir une énième crise de destitution qui ne sera pas sans conséquences sur la sécurité du pays.
Le pouvoir MPP a des difficultés énormes et a fait beaucoup de tâtonnements comme la valse des chefs d’États-majors et des ministres de la défense. Ceux de l’opposition qui ont de meilleures idées devraient les mettre sur la table du dialogue politique pour sauver la patrie en danger et non rechercher le pouvoir.
Nous disputer sur ce constat d’échec est du temps perdu qui n’est pas consacré à combattre les terroristes. Le nœud gordien de cette guerre est notre armée qui semble avoir beaucoup de problèmes et qui nécessite une véritable réorganisation. Espérons que la nouvelle équipe de commandement parviendra à la faire changer pour qu’elle soit en ordre de bataille.
Faisons un sort à cette proposition qui réclame la fermeture des bars et buvettes à Ouagadougou parce que nous sommes en guerre. Elle est bien belle, mais on ne voit pas comment elle lutte contre le terrorisme sinon à créer une panique générale et la désolation en mettant au chômage certains de nos compatriotes.
Ces endroits sont aussi utiles aux combattants en permission pour se détendre et pouvoir recharger les batteries pour aller au combat. Ils peuvent être aussi des points de collecte de renseignements. Si l’arrière front est aussi triste que le front, sans possibilité de détente, même les non combattants vont devenir hargneux contre le pouvoir. Recherchons les solutions et les bonnes en ne paniquant pas.
Sana Guy
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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