La Secrétaire Générale de SITARAIL s’exprime sur les actions de SITARAIL, la Convention de Concession revisée (CCR), les défis qui se posent au chemin de fer entre le Burkina et la Côte d’Ivoire.

La dernière session du traité d’amitié Côte d’Ivoire-Burkina Faso a donné un avis sur la mise en oeuvre de la Convention de Concession Révisée à travers un ultimatum. On n’a pas entendu SITARAIL sur la question, qu’en est-il ?

SITARAIL est engagée dans un partenariat public-privé avec la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso depuis 1994. Après une période de négociations entamées depuis mai 2014, afin de définir les modalités d’une restructuration profonde du réseau ferré, les Autorités burkinabè et ivoiriennes et SITARAIL ont effectivement procédé, en 2016, à la signature officielle de la Convention Concession Révisée (CCR) dans le contexte de la mise en exploitation de gisements miniers de premier ordre au Burkina Faso. La mise en oeuvre de la CCR vise notamment à permettre la réhabilitation du linéaire de voie et à augmenter l’attractivité et les performances de notre réseau.

A la différence de la précédente convention, qui est en réalité un contrat d’affermage pour l’exploitation de la ligne de chemin de fer entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, la CCR étend les responsabilités de SITARAIL dans le développement, la modernisation et la maintenance des infrastructures et du matériel. SITARAIL s’était engagée, sous réserve de quelques clarifications, à mettre en oeuvre ce vaste programme.

Dans ce cadre et par anticipation, SITARAIL a investi, entre 2016 à 2020, 17 milliards FCFA dans l’acquisition de matériels, dont de nouvelles locomotives, d’équipements de maintenance et d’outils divers. Il faut d’ailleurs rappeler que déjà dans le contexte de la Convention de Concession Initiale, SITARAIL a largement dépassé ses engagements d’investissements. Tout ceci est parfaitement vérifiable et suivi par les Etats qui, en tant que membres du Conseil d’Administration, reçoivent la documentation financière comme dant tout Partenariat Public Privé.

Cependant et tout en continuant à investir, SITARAIL a attiré l’attention du partenaire public sur la modification du contexte structurel du projet et la necessité de s’adapter à la nouvelle donne afin d’assurer l’équilibre économique et financier de l’activité. Il n’est pas inutile de rappeler que depuis sa création en 1994, SITARAIL a investi plus de 80 milliards de FCFA dans les équipements et la maintenance de la voie tandis qu’aucun actionnaire, dont les Etats, le personnel et l’actionnaire de référence Bolloré Railways n’ont jamais percu un FCFA de dividendes. Sur la période 2017 – 2022, l’actionnaire de référence a apporté plus de 17 milliards de FCFA de financements fournisseurs et en compte courant supplémentaires pour soutenir l’entreprise.

A ce jour, SITARAIL avec le soutien des Etats partenaires, est dans la dynamique de trouver des solutions de financement aux investissements à réaliser sur la voie et les ouvrages d’art car le nouveau contexte ne permet pas à l’actionnaire privé d’assurer à la fois les investissemnets sur les matériels roulants, les ateliers industriels et l’infrastructure.

Pourtant et afin de maintenir la voie pendant cette période de recherche de financements complémentaires, SITARAIL met en oeuvre un investissement complémentaire non prévu par les engagements de la convention de 1,640 milliard de FCFA pour financer des travaux d’infrastructures sur la période 2021 – 2022.

En tout état de cause, SITARAIL réaffirme son engagement et sa volonté de continuer à travailler, avec États du Burkina Faso et de Côte d’Ivoire, au développement du secteur ferroviaire et à la promotion de son rôle économique et social.

Entre-autres investissements, l’acquisition de nouvelles locomotives, courant 2016 – 2017…

Il est fait cas également du fait que le Groupe Bolloré, qui est actionnaire de SITARAIL, voudrait bloquer d’autres projets ferroviaires burkinabè, notamment celui de Ouagadougou-Tema, destinés à désenclaver le pays. Que répondez-vous ?

Encore une fois, cela n’aurait aucun sens. Nous avons pour vocation de développer les réseaux ferroviaires, pas de les bloquer. L’Afrique et le Burkina Faso ont besoin de tous leurs corridors. Un blocage de notre part (et encore comment un partenaire privé pourrait bloquer, dans la pratique, une décision souveraine d’un Etat ?) trahirait les efforts que SITARAIL a déployés depuis 1995 pour maintenir en état de marche le chemin de fer.

Il est également important de rappeler que, conformément à ses obligations dans la convention de concession, SITARAIL a assuré la maintenance de la voie et des infrastructures.

Au plus fort de la crise ivoirienne de 2000 et 2010, nous avons ainsi pu continuer à maintenir l’outil de production grâce à l’attachement légendaire des cheminots burkinabè et ivoiriens à leur outil de travail et à leur résilience, pour assurer la continuité de l’exploitation. Le procès qui nous est fait est donc – pour utiliser un terme raisonnable – particulièrement injuste.

L’un des sujets qui animent l’actualité de SITARAIL concerne le processus de cession des concessions africaines du groupe Bolloré à MSC. Serait-ce un désengagement du groupe Bolloré vis-à-vis de ses partenaires concédants et un bradage du patrimoine national ?

Le groupe Bolloré a en efftet accepté d’étudier une offre de rachat de 100% des actions de Bolloré Africa Logistics par le groupe MSC, un partenaire de longue date, leader mondial du commerce maritime et premier armateur de navires porte-conteneurs. Ce groupe a connu une forte croissance en Afrique ces dernières années avec des investissements importants et il nourrit de grandes ambitions pour le continent africain. Ce groupe est par ailleurs également opérateur ferroviaire en Europe.

Cet intéret du groupe MSC est aussi la reconnaissance de la stratégie déployée en Afrique par Bolloré Africa Logistics et le groupe Bolloré durant les dernières décennies, et ayant fait du groupe Bolloré le leader des activités logistiques, portuaires et ferroviaires sur le continent.

En effet, grâce aux investissements réalisés dans les infrastructures, à la qualité et au professionnalisme de ses équipes et à la densité de son réseau, le groupe Bolloré contribue chaque jour à améliorer la fluidité et la productivité des opérations logistiques en Afrique au bénéfice de ses clients et des économies des pays que nous desservons.

Dans le cadre de cette cession, le projet du groupe MSC est deconserver Bolloré Africa Logistics comme une entité autonome dont le siège resterait basé à Paris, maintenir l’organisation actuelle et bien entendu les emplois. Par ailleurs, il a été expliqué clairement que tous les accords et engagements pris par le groupe Bolloré vis-à-vis de ses clients, partenaires étatiques et privés seront maintenus et exécutés tels que conclus.

Le nouvelle grénailleuse à l’atelier de Bobo Dioulasso

En l’occurence et au cas où ce projet de cession se réaliserait, SITARAIL, avec les mêmes équipes, continuerait à opérer le chemin de fer entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. En réalité, un tel projet s’il se réalisait, consisterait en un changement d’actionnaire, deux niveaux au dessus de l’entreprise SITARAIL.

Il n’aurait pas de conséquence sur l’entreprise qui serait toujours détenue comme aujourd’hui par Bolloré Railways elle même détenue par Bolloré Africa Logistics.

Par ailleurs, c’est un non sens de parler de bradage du pratimoine national. Comme dans toute concession, la totalité des infrastructures et des biens nécessaires à l’activité qualifiés de “biens de retour” restent toujours la propriété des Etats, quelle que soit l’entité opérationnelle en charge de les gérer pour la durée convenue avec les Etats.

Du reste, Il s’agit d’une opération transparente qui concerne plusieurs entités du groupe dans plusieurs pays et qui a fait l’objet d’une communication à travers la presse locale et internationale.

Certaines opinions estiment que les performances du réseau Abidjan – Ouagadougou sont en baisse, avec peu d’apport à l’économie nationale. En quoi SITARAIL contribue-elle au développement économique du Burkina Faso ?

Depuis son démarrage, SITARAIL est devenu un maillon essentiel du développement socioéconomique du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire et de l’hinterland, par son rôle dans la chaîne d’approvisionnement et son impact sur la performance des plateformes logistiques multimodales, notamment les ports secs de Bobo Dioulasso et de Ouagadougou, ainsi que le port d’Abidjan.

En moyenne, dix trains de marchandises opèrent quotidiennement et le fret annuel transporté est en moyenne de 1 000 000 de tonnes, soit près de 50 % du volume transporté annuellement sur le corridor Ouagadougou–Abidjan..

Les besoins annuels en hydrocarbures du Burkina Faso s’élèvent à 1 100 000 tonnes, dont 30 % sont convoyées par voie ferrée. SITARAIL assure près de 50 % du trafic de conteneurs du Burkina Faso et transporte du clinker destiné aux industries de cimenterie. Outre ces produits, SITARAIL assure le transport d’une part importante de céréales et autres denrées alimentaires, des engrais, des matériaux de construction, de coton et d’animaux vivants.

Le chemin de fer est sans conteste un outil au service du développement industriel du Burkina Faso. À travers des embranchements particuliers, SITARAIL dessert une quinzaine de sociétés industrielles au Burkina Faso, entre-autres, la SONABHY, BRAKINA, SOSUCO, SOFITEX, CIMASSO, CIMFASO, les minoteries, SETO, TRCB, et en Côte d’Ivoire (CIMIVOIRE, GESTOCI, la SIR, les Grands Moulins, ATL). D’ores et déja, les nouveaux terminaux portuaires du port d’Abidjan prévoient d’etre embranchés au rail, assurant ainsi la connection directe du Burkina Faso à ces nouvelles infrastructures modernes de grande capacité.

SITARAIL facilite également l’écoulement de plusieurs produits locaux, notamment le sésame, l’anacarde, les fruits et légumes des zones enclavées. Les gares ferroviaires contribuent au développement des localités où elles sont implantées et à booster leurs économies locales.

Aussi, chaque année, en moyenne 10 milliards de FCFA sont payés aux sous-traitants, dans le cadre de travaux et prestations dans le domaine ferroviaire.

Il est à noter que le transport ferroviaire est un transport de masse qui contribue à la préservation des réseaux routiers.

En effet, le transport ferroviaire permet d’éviter la dégradation qu’auraient occasionné au réseau routier, plus de 30 000 camions de marchandises.

En somme, le trafic de fret ferroviaire, qui a renoué avec des niveaux records durant ces dernières années, draine un flux important de produits divers essentiels à la consommation et à la vie socioéconomique du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire et des autres pays de l’hinterland, dont le Mali et le Niger. Sans le rail, les coûts de transport routier et l’impact des émissions de gaz à effet de serre de ce mode de transport auraient des conséquences majeures sur le panier de la ménagère et le bilan carbone de notre pays.

_et la modernisation des ateliers de Bobo Dioulasso et d’Abidjan…

Il est également reproché à SITARAIL de ne pas oeuvrer à pérenniser les métiersferroviaires, reduisant ainsi les chances d’employabilité des jeunes. Quelle est votre point de vue sur cette question ?

Je ne partage pas cette affirmation car SITARAIL est résolument engagée dans la pérennisation des métiers ferroviaires. En effet, de par la diversité des corps de métiers de son activité, à savoir notamment, la conduite des trains et la régulation des circulations, la maintenance des infrastructures et du matériel ferroviare et tous les métiers support, SITARAIL dispose d’un savoir-faire riche et varié qui ne cesse de se développer avec des échanges auprès de réseaux ferroviaires de référence.

La pérennisation de ce savoir-faire est assurée en interne et portée par les deux centres de formation professionnelle de SITARAIL à Abidjan et à Bobo Dioulasso et par l’Ecole Supérieure des Métiers Ferroviaires (ESMF) qui est implantée à Bobo Dioulasso.

Les centres de formation ont pour mission le renforcement des compétences opérationnelles des travailleurs de SITARAIL et des sous traitants ferroviaires. Durant les cinq dernières années, les centres de formation de SITARAIL ont accueilli 3 053 collaborateurs, pour des formations et des recyclages principalement dans les coeurs de métiers ferroviaires.

L’ESMF est la 1ère école ferroviaire diplomante créée par une entreprise ferroviaire en Afrique subsaharienne. Depuis sa création par SITARAIL en 2016, 150 techniciens ont acquis un diplome de Brevet de Technicien dans les filières ferroviaires, correspondant à un taux de réussite annuel de plus de 90 %.

Les diplomés de l’ESMF constituent aujourd’hui un vivier dans lequel SITARAIL puise les meilleures ressources pour assurer la relève dans ses corps de métiers spécifiques et assurer ainsi sa pérennité. L’ESMF est classée dans la catégorie des « bonnes écoles » par le Ministère en charge de l’Enseignement supérieur du Burkina Faso.

Les autres secteurs structurants et porteurs de dévelop¬pement socio-économique comme les industries, le Génie civil et le BTP sont également bénéficiaires des formations diplômantes de l’ESMF. En cela, l’école contribue à l’employabilité des jeunes.

En 26 ans d’activités, on a l’impression que les performances de l’activité voyageurs ont regressé, avec à la clef, la fermeture de certaines gares. SITARAIL privillégie-t-elle le transport de marchandises au détriment du voyageur ?

Le trafic voyageurs est important pour le déplacement des populations, notamment entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire et est une préoccupation majeure pour SITARAIL. Mais la nature de l’activité ne rend pas toujours compte des efforts déployés pour le maintenir.

SITARAIL a une expérience de la gestion du réseau ferroviaire. Avant la fermeture des frontières terrestres au trafic voyageurs, SITARAIL assurait, chaque semaine, 6 trains internationaux et transportait en moyenne 200 000 voyageurs par an entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. Plus d’une vingtaine de gares à flux importants ont été rénovées.

Le maintien de la fermeture de certaines gares répond à une meilleure optimisation du trafic dans les localités où le rail n’est pas compétitif par rapport au transport routier.

Des réflexions sont menées pour une mobilisation de ressources nécessaires et une meilleure réorganisation, afin d’améliorer la qualité du service voyageur au moyen de la réhabilitation de la voie et de l’acquisition de nouvelles rames.

Source: LeFaso.net