Après le match de football atypique la veille entre les villages de Minima et de Mako, la deuxième édition de la journée des communautés de la région du Nord s’est poursuivie le samedi 31 mai 2025 à Gourcy, chef-lieu de la province du Zondoma, avec des représentations théâtrales, des séances de partage d’expériences dans la gestion des conflits liés aux ressources naturelles et la présentation des impacts du projet RESICOM. C’était en présence des autorités provinciales, des responsables du projet RESICOM mis en œuvre par le consortium Solidar Suisse et SOS Sahel, et de la population fortement sortie pour la circonstance.

Dans la région du Nord, à en croire le consortium Solidar Suisse et SOS Sahel, les conflits liés à l’accès ainsi qu’à la gestion des ressources naturelles et foncières, autrefois moins perturbateurs et gérés efficacement, s’exacerbent avec l’accroissement des tensions intra et intercommunautaires. Une situation qui affecte sérieusement le tissu social, menace à la fois la cohésion sociale et l’économie locale dans la mesure où la répartition des groupes socio-professionnels dans cette région est intimement liée aux appartenances communautaires.

Face à cette situation, et dans le but d’apporter des réponses efficaces et innovantes à ce délitement du tissu social, a été lancé, en juillet 2021, le projet « Renforcement de la résilience communautaire des ménages agrosylvopastoraux dans les régions de la Boucle du Mouhoun, du Nord et du Centre-Nord (RESICOM) », mis en œuvre par le consortium Solidar Suisse et SOS Sahel et financé par le gouvernement danois.

Vue partielle des participants avec la présence des représentants des forces de défense et de sécurité

Prévu pour la période 2021-2025, le projet RESICOM vise à contribuer au renforcement durable de la résilience des ménages agrosylvopastoraux, y compris ceux des Personnes déplacées internes (PDI), affectés par la crise sécuritaire et les changements climatiques dans les régions d’intervention. Il s’agit de permettre aux populations des régions d’intervention du projet de vivre dans un environnement de paix et de cohésion sociale grâce à une gestion concertée des ressources partagées, au dialogue intra et intercommunautaire et au renforcement de la gouvernance locale.

C’est dans ce sens que se tient donc cette deuxième édition de la journée des communautés de la région du Nord, sous le thème « Ressources naturelles partagées, un avenir commun : renforcer les liens pour une coexistence pacifique ». Le choix de ce thème s’inscrit dans une volonté claire de mettre en lumière l’importance stratégique des ressources naturelles dans la vie quotidienne des communautés, tout en abordant, de manière proactive, les risques de tensions qu’elles génèrent, selon Micheline Ouaméga, chargée de programmes économie et travail à Solidar Suisse, représentant le directeur pays de l’ONG, empêché.

Les femmes se sont fortement mobilisées pour cette journée

« En effet, l’accès à la terre, à l’eau, au pâturage et à d’autres ressources essentielles est au cœur des dynamiques économiques et sociales locales. Mais il constitue également l’un des principaux foyers de conflits, tant en fréquence qu’en intensité. En plaçant cette problématique au centre des réflexions et des activités, cela vise à susciter une prise de conscience collective et à promouvoir des approches concertées de gestion fondées sur le dialogue, le respect mutuel et la solidarité. Il s’agit ainsi de transformer ces ressources, souvent sources de tensions, en leviers de coopération et de paix, au bénéfice d’un avenir partagé et durable pour toutes les communautés », a soutenu Micheline Ouaméga, au nom du consortium.

Valoriser les mécanismes traditionnels de régulation des tensions

En plus du « match de la paix » ou de la parenté à plaisanterie (« rakir ballé » en mooré) et des émissions radiophoniques interactives pour la vulgarisation des stratégies endogènes de résolution des conflits liés à la terre, la journée du 31 mai a été consacrée au forum de partage d’expériences dans la gestion des conflits liés aux ressources naturelles, une représentation théâtrale participative sur la sensibilité au conflit lié à la gestion des terres.

Micheline Ouaméga, chargée de programmes économie et travail à Solidar Suisse, représentant le directeur pays de l’ONG, empêché

À terme, le consortium de mise en œuvre du projet RESICOM entend, à travers ces différentes activités, mettre en lumière les mécanismes traditionnels de régulation des tensions et de gestion des conflits, notamment autour de l’accès aux ressources naturelles, tels qu’ils sont pratiqués par les différents groupes socio-professionnels. « Ces savoirs, longtemps éprouvés, constituent des repères essentiels pour la cohésion sociale. Toutefois, ils tendent à s’effacer progressivement, en particulier auprès des jeunes générations qui les connaissent peu et y retournent de moins en moins. Cette méconnaissance affaiblit leur légitimité ; et les figures coutumières ou communautaires qui les incarnent voient leur autorité remise en question ou concurrencée. Il est donc fondamental de documenter, valoriser et transmettre ces pratiques afin qu’elles puissent continuer à jouer leur rôle de médiation et d’équilibre social dans un contexte où les défis liés aux ressources naturelles se multiplient. Notre consortium entend, de cette manière, apporter sa modeste contribution à la recherche de solutions efficaces à la crise que traverse notre pays, le Burkina Faso, depuis 2016 », a précisé Micheline Ouaméga.

Des communautés positivement impactées

Les actions du projet ont véritablement changé la vie des populations tant sur le plan social qu’économique, selon leurs propres témoignages, à la grande satisfaction de Micheline Ouaméga. « Vous avez suivi avec nous les témoignages que les communautés bénéficiaires du projet ont donnés, que ce soit sur le plan des activités de développement, des activités de relèvement précoce ou des activités en lien avec la promotion de la cohésion sociale. Ce n’est qu’un motif de satisfaction pour nous. Quand les communautés elles-mêmes viennent dire ce qu’elles ont bénéficié du projet, quand les communautés elles-mêmes identifient ce qu’il y a eu comme changements dans leur vie, nous ne pouvons qu’être contents, parce que c’est ce que nous recherchions en mettant en œuvre ce projet », a-t-elle apprécié.

Avec ce projet qui tire à sa fin, et au vu du départ du bailleur de fonds, Micheline Ouaméga espère que d’autres financements seront obtenus afin de poursuivre les actions entamées et de consolider les acquis du projet RESICOM.

Prestation musicale d’une troupe traditionnelle locale

De son côté, Aboubacar Sidiki Nabé, haut-commissaire du Zondoma, représentant le gouverneur de la région du Nord, a rappelé que plusieurs groupes socio-ethniques d’origines diverses vivent dans cette région et ont construit entre eux, dès le départ, des liens qui fondent leur vivre-ensemble dans la paix. Cependant, selon le haut-commissaire, depuis 2016, avec la recrudescence des conflits, l’insécurité et son corollaire de déplacements forcés de populations, les fondements sociaux et culturels servant jadis de socle et de repère pour le comportement quotidien et pour la vie en harmonie entre ces groupes socio-ethniques sont progressivement menacés.

Et pour Aboubacar Sidiki Nabé, dans un tel contexte, magnifier la volonté des communautés de coexister pacifiquement, à travers l’organisation de la journée des communautés, permet à la fois de renforcer les liens socio-ethniques par le cordon culturel et de contribuer à l’édification d’un bouclier culturel contre le délitement de la cohésion sociale. « La présente journée offre un cadre de dialogue inter et intracommunautaire et constitue de ce fait un facteur de rapprochement entre les communautés à travers les actions d’interculturalité, de parenté à plaisanterie qu’elle promeut. Elle est l’occasion de faire passer des messages pour préserver et renforcer cette coexistence pacifique et la cohésion sociale, et de créer des interactions positives, facteurs d’épanouissement individuel et collectif entre les groupes sociaux de la région du Nord », a indiqué l’autorité provinciale.

Aboubacar Sidiki Nabé, haut-commissaire du Zondoma, représentant le gouverneur de la région du Nord

« Nous apprécions positivement la tenue de ces activités. Grâce aux activités du projet RESICOM dans la région du Nord, il y a eu vraiment toute une série d’activités qui ont permis de consolider la résilience des ménages agrosylvopastoraux et des ménages vulnérables dans un contexte très difficile marqué par l’insécurité et son corollaire humanitaire. Mais grâce à toutes ces actions, on a pu, un tant soit peu, consolider cette résilience et emboîter le pas du relèvement pour ces populations qui ont vraiment subi de plein fouet la crise. Nous avons pu voir qu’à travers les activités menées, des communautés qui, jadis, se regardaient en chiens de faïence, aujourd’hui conjuguent le même verbe. Nous avons pris le cas de Minima et de Mako. Vous avez vu les témoignages ; les deux communautés témoignent qu’à travers les actions menées, elles se donnent la main, regardent dans le même sens et c’est ça que nous recherchons », a ajouté Aboubacar Sidiki Nabé.

Tout en se réjouissant des impacts positifs de cette journée des communautés de la région du Nord, le haut-commissaire, au nom du gouverneur, a exprimé son souhait de voir ce genre d’initiatives se pérenniser, car, selon lui, elles constituent un véritable ciment des relations intercommunautaires. « Elles méritent d’être soutenues et reconduites afin de consolider les liens séculaires de coexistence harmonieuse qui ont toujours prévalu au sein de nos communautés. J’en appelle donc à l’engagement fort et durable de l’ensemble des partenaires de la région pour accompagner cette dynamique, porteuse d’espoir, de paix et de développement partagé », a-t-il déclaré.

Mamadou Zongo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net