Dans la ville de Bobo-Dioulasso, au quartier Kôkô, Laurent Sokondo est bien connu pour sa grillade. Depuis plus de 30 ans, le sexagénaire régale les habitants avec ses morceaux d’abats grillés au feu de bois, vendus à 200 francs CFA la pièce. Chez lui, il faut commander à l’avance pour espérer être servi.

Dans une ruelle animée du vieux quartier Kôkô, chaque soir, le fourneau de Laurent Sokondo déborde de braises ardentes. Au-dessus, un grillage fait grésiller des morceaux de foie, de cœur et de tripes. Le maître des lieux est Laurent Sokondo, un homme d’une soixantaine d’années, débordant d’énergie. Entouré de fumée, de chaleur et de ses clients dont la patience est mise à l’épreuve, il n’a pas une minute à perdre. C’est depuis 1992 que l’homme s’est installé ici. Son commerce n’a ni enseigne ni terrasse aménagée. Juste quelques bancs, des tables et un petit comptoir en bois lui suffisent à créer un « fast-food ».

Laurent Sokondo ne parle pas beaucoup. Il écoute, décroche ses appels et s’active à satisfaire les commandes. Il tourne ses morceaux de boyaux à la main avec une dextérité acquise, certainement, à force d’années passées au feu. Chaque pièce est vendue à 200 francs CFA, un prix à la portée des amateurs de sa viande. « Il faut commander à l’avance », glisse le grilleur en découpant des morceaux.

« C’est depuis 1988 que j’ai appris la grillade avec mes patrons », indique Laurent Sokondo

C’est dans les années 1990, après plusieurs petits boulots, que Laurent Sokondo décide de se lancer à son propre compte. À l’époque, la grillade de « Pouré », comme on le dit en langue mooré, n’était pas encore très développée. Mais lui a toujours cru à la valeur de ce qu’il propose. « Si tu fais bien la cuisson, les gens reviendront », répond-il à la question de savoir quel est son secret. C’est cette philosophie qu’il applique depuis plus de trente ans, avec une constance qui force le respect. Au-delà de la cuisson qu’il évoque, c’est un travail de longue haleine qui commence bien avant l’ouverture des lieux. Avant même que le feu ne s’allume, il faut nettoyer, faire bouillir, découper et préparer les accompagnements.

Autour de Laurent, trois jeunes hommes s’activent. Ce sont ses aides et ses apprentis. Ensemble, ils forment une équipe bien rodée. Chacun connaît son rôle. Lui réceptionne les commandes et supervise la cuisson, les autres gèrent la découpe, assurent le service, s’occupent de l’approvisionnement en charbon, servent les clients et vendent le pain. Il les encadre avec patience, mais selon lui, le métier n’intéresse pas vraiment les jeunes.

Le « Pouré » est disponible chez Laurent à partir de 17h chaque soir jusqu’à 23h environ

Une clientèle fidèle, conquise par le goût et la propreté

Il suffit de rester quelques minutes sur place pour constater à quel point l’échoppe de Laurent ne désemplit pas. Les clients viennent à pied, à moto, parfois même en voiture. Certains appellent pour réserver. D’autres passent, attendent ou mangent sur place. Ce succès tient autant à la qualité de sa viande qu’au bouche-à-oreille.

Chez Laurent Sokondo, les clients sont en général des habitués. En témoigne Idrissa Mathias Ouédraogo, fidèle parmi les fidèles, qui ne se souvient plus depuis quand il fréquente ce lieu. « Sa grillade est très propre et, à Bobo, il est une référence », lance-t-il en attendant sa commande de 15 000 FCFA, toujours au feu. Pour lui, Laurent mérite d’avoir un endroit plus grand. Il l’encourage à étendre son activité. « Je lui ai dit d’ouvrir plusieurs coins, mais il dit que c’est difficile de trouver du personnel. Les jeunes n’aiment pas faire ce travail, mais je pense qu’il peut essayer. » Cette fidélité ne tient pas qu’au goût, mais aussi à la régularité et à la qualité du service.

La cliente Marie Sanon, en attente de récupérer sa commande

Marie Sanon, une cliente de longue date également, est attirée par une seule chose : « Moi, j’aime le foie. C’est ça qui m’intéresse ici. Le reste, ne m’intéresse pas. Ça fait des années que je viens chez lui. C’est bien fait, c’est pourquoi l’on vient », précise-t-elle.

Mahamadi Porogo, lui, aime s’installer sur place pour déguster la grillade de Laurent. Il est du genre à penser à Laurent même lorsqu’il n’est pas sur place. « Ce qui m’a poussé à venir ici chaque fois… Même si je ne suis pas là, mes pensées sont ici », confie-t-il. Ce qu’il apprécie : les morceaux bien préparés, à des prix accessibles. « Ici, ils coupent en petits morceaux à 200 francs, alors qu’ailleurs, ça commence à partir de 1 000 ou 2 000 FCFA. Même depuis mon lieu de travail, je commande par téléphone avant de passer récupérer, pour manger sur place ou emporter pour la famille », indique ce client assis. Mais au-delà de la considération qu’il porte à son travail, il souhaite que son activité perdure. « Je lui souhaite un très bon courage, et je demande à Dieu de lui donner la santé et la longévité pour qu’il continue son travail. »

Mahamadi Porogo après avoir fini son plat.

Laurent Sokondo, quant à lui, pense parfois à la retraite, mais il n’est pas pressé. Malgré sa volonté de rester discret, il confie que cette activité lui a permis de construire sa vie et aussi de s’occuper de sa famille. Il aimerait que ses aides puissent reprendre un jour le flambeau, mais pour l’heure, il continue de travailler pour satisfaire ses clients.

Farida Thiombiano

Lefaso.net

Source: LeFaso.net