Le gouvernement burkinabè a, mercredi 2 juillet 2025, adopté deux décrets portant, d’une part, changement de dénominations de provinces et des régions et, d’autre part, réorganisation du territoire national. Par une conférence de presse animée dès la matinée de ce jeudi 3 juillet 2025, le ministre d’État, ministre de l’Administration territoriale et de la Mobilité, Émile Zerbo, et celui de la Communication, de la Culture, des Arts et du Tourisme, porte-parole du gouvernement, Gilbert Ouédraogo, ont donné de plus amples explications sur les enjeux liés à cette décision.

Selon le ministre d’État, ministre de l’Administration territoriale et de la Mobilité, Émile Zerbo, le contexte actuel, profondément marqué par la crise sécuritaire que traverse le pays, a mis en lumière les limites de l’organisation territoriale jusque-là en vigueur, caractérisée par des considérations politiques et économiques. Cette réorganisation répond à deux objectifs majeurs, à savoir renforcer la présence de l’État et la défense du territoire national, notamment dans les zones frontalières. En améliorant le maillage administratif, poursuit-il, elle permettra une meilleure couverture des services publics, réduira les inégalités régionales et facilitera la réponse de l’État aux besoins des populations. Il s’agit également, par cette réorganisation, de renforcer l’identité nationale à travers des noms de régions et provinces enracinés dans le patrimoine culturel et historique national. Cela favorisera, soutient l’autorité de tutelle, une meilleure appropriation du territoire par les populations et renforcera la cohésion sociale.

« Les dénominations des entités régionales n’avaient pas suffisamment pris en compte les réalités socioculturelles et linguistiques de notre pays. Fort de ce constat, il était impératif de repenser notre maillage administratif, afin de mieux faire face aux enjeux et défis du moment. Cette nécessité a d’ailleurs été largement partagée par les populations. Ainsi, selon le rapport général de l’Assemblée législative de transition sur les journées d’échanges avec les forces vives des régions sur les réformes politiques, institutionnelles et administratives organisées du 10 au 12 juillet 2023, plus de 69 % des participants ont exprimé leur adhésion à l’idée d’un nouveau découpage administratif. Cela traduit une forte attente citoyenne et une volonté collective de rapprocher davantage l’administration des administrés », situe le ministre d’État Emile Zerbo, renforçant par-là également cette démarche du président du Faso, capitaine Ibrahim Traoré, d’instruire cette réorganisation sur le critère fondamental de la défense stratégique du territoire.

Le ministre de tutelle, Émile Zerbo (milieu), avec sa droite, le ministre porte-parole du gouvernement, Gilbert Ouédraogo, et à sa gauche, le coordonnateur du service d’information du gouvernement, Jérémi Sié Koulibaly (modérateur de la conférence).

Ainsi, deux décrets portant, d’une part, changement de dénominations de provinces et des régions et, d’autre part, réorganisation du territoire national, ont été adoptés, avec pour principales innovations la création de quatre nouvelles régions issues de la scission des trois ex-grandes régions, à savoir l’Est, la Boucle du Mouhoun et le Sahel. De ce fait, la région de l’Est est scindée en trois : le Goulmou, la Sirba et la Tapoa. La Boucle du Mouhoun est scindée en deux : la région du Bankui et la région du Sourou. Le Sahel est, lui également, subdivisé en deux : la région du Liptako et la région du Soum.

De treize donc, le nombre de régions passe à 17, tandis que les provinces passent, elles aussi, de 45 à 47, avec la création de deux nouvelles provinces : la province de Karo-Peli dans la nouvelle région du Soum et la province du Dyamongou dans la nouvelle région de la Tapoa.

Pour le gouvernement, il n’était pas question, par cette réorganisation, de répondre aux nombreuses requêtes au relent individualiste formulées par des populations qui souhaitent voir leur localité changer de statut. « Pour cette fois-ci, il était question de prendre comme principal critère la défense stratégique de notre pays. Et vous allez vous rendre compte aisément que toutes les régions qui ont été créées sont quasiment frontalières et ont été faites dans les régions qui étaient immenses, sans que l’État n’ait un vrai contrôle sur ces territoires. Je peux vous rassurer, nous avons fait un travail prenant en compte le critère que je viens d’indiquer, et à chaque fois qu’il était de besoin, des personnes ressources ont été contactées. (…). Chacun voudra que tel nom soit de son ethnie, c’est quelque chose qu’on comprend, mais il devrait être plus facile d’accepter un nom local, dans une ethnie juste à côté de nous, qu’un nom en français, qui est un point cardinal, sans aucune importance. Tout compte fait, il n’est pas possible de satisfaire tout le monde, et je ne vois pas en quoi des concertations larges auraient pu nous donner la certitude que tout le monde accepterait. Nous sommes en train d’organiser notre territoire national, parce que nous avons un impératif qui est la sécurité et pour cela, on ne peut pas attendre », convainc le ministre en charge de l’administration du territoire, en réaction à des préoccupations soulevées par les journalistes sur l’aspect inclusif de la démarche.

Aussi, en réponse à des spéculations au sein de l’opinion sur la nature de l’acte qui régit cette réorganisation, et toujours en réponse à une question à cet effet, le juriste Émile Zerbo a signifié que les collectivités sont régies par des lois et les circonscriptions administratives par des décrets. Sans équivoque donc, cette réorganisation relève du pouvoir discrétionnaire du gouvernement.

Le ministre en charge de la communication, porte-parole du gouvernement, Gilbert Ouédraogo, a également saisi l’instant pour rendre hommage aux FDS, aux VDP et à l’ensemble de tous ceux qui œuvrent dans la défense du territoire national.

“Il est difficile de faire un consensus sur ces questions…”

Le ministre de la Communication, de la Culture, des Arts et du Tourisme, porte-parole du gouvernement, Gilbert Ouédraogo, qui a fait la synthèse en langue nationale mooré, abonde donc dans le même actif que son prédécesseur au micro, en soulignant que le déficit sécuritaire est plus accru dans les localités où la présence de l’État est faible. D’où la pertinence de réorganisation pour davantage booster la bonne dynamique de lutte enclenchée à partir de fin septembre 2022 avec l’arrivée au pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré et ses compagnons.

Selon le porte-parole du gouvernement, cette réorganisation est l’aboutissement d’un processus de fond qui ne date pas d’aujourd’hui. « Mais il est difficile de faire un consensus sur ces questions, chacun voulant tirer la couverture à soi. Telle n’est pas la motivation du gouvernement, qui se place au-dessus des considérations politiques, individualistes. Nous sommes conscients que ça ne fera pas l’unanimité, mais qu’on s’en tienne à cela ; nous allons y aller et si demain, il y a nécessité qu’on corrige certains aspects, on peut le faire et continuer à avancer. Ce qu’on doit retenir, c’est que le gouvernement ne travaille que dans l’intérêt général des populations burkinabè ; tout ce qu’il pose comme acte entre dans cette vision, faire en sorte que tous ceux qui vivent sur le territoire national, où qu’ils se trouvent, soient dans la quiétude et vaquent librement à leurs occupations », présente en substance le ministre Gilbert Ouédraogo, ajoutant également que cette réorganisation s’opère après un processus qui a inclut des concertations avec des personnes ressources (responsables coutumiers et traditionnels, personnes âgées, enseignants d’université, etc.)

A ceux qui estiment que les noms auraient pu s’écrire en langue nationale plutôt qu’en français, le porte-parole du gouvernement fait observer que le Burkina étant dans un concert de nations, il faut permettre à ceux qui sont à l’autre bout du monde de pouvoir lire correctement des noms et également faciliter l’écriture aux populations (certains caractères/signes n’étant pas évidents avec les outils actuels, à savoir les ordinateurs et assimilés). Du reste, renseigne le porte-parole du gouvernement Gilbert Ouédraogo, tous ces noms sont également transcrits phonétiquement dans les langues nationales.

Oumar L. Ouédraogo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net