Dans cet entretien, nous partons à la rencontre d’un jeune chercheur burkinabè passionné et déterminé. Son parcours académique l’a mené de la bio-ingénierie à la bio-informatique, avec un doctorat axé sur la drépanocytose. Actuellement, chercheur à Harvard, il nous livre sa vision de la recherche, son intégration réussie dans le prestigieux environnement académique américain, et ses ambitions de contribuer concrètement à l’amélioration de la santé des populations africaines. Découvrez comment une curiosité insatiable et une soif de comprendre le « pourquoi des choses » le guident dans sa quête d’excellence.
Quel a été votre parcours académique ?
Dr Yann Mitibketa Ilboudo : J’ai obtenu une licence en bio-ingénierie avant de poursuivre un master, puis un doctorat en bio-informatique. Au cours de mes études supérieures, j’ai conduit des recherches en génomique visant à mieux comprendre les variations cliniques observées chez les patients atteints de drépanocytose. Mon travail s’est particulièrement focalisé sur l’identification de facteurs génétiques susceptibles d’expliquer pourquoi certains individus développent de graves complications et décèdent prématurément, tandis que d’autres, bien qu’également drépanocytaires, présentent une forme beaucoup plus légère de la maladie.
Pourquoi avez-vous choisi le domaine de la recherche ?
En mooré, Mitibketa veut dire « ceux qui ont le savoir ». Depuis toujours, je suis animé par une grande curiosité intellectuelle. J’ai soif de savoir, et j’éprouve un besoin presque instinctif de comprendre le pourquoi des choses. C’est d’ailleurs une remarque que mes parents me font souvent : selon eux, je veux toujours tout comprendre, parfois même un peu trop. Mais c’est précisément cette curiosité insatiable qui m’a naturellement conduit vers la recherche. Pour moi, la recherche représente bien plus qu’un métier : c’est un espace où la quête de sens, la rigueur scientifique et la passion pour la connaissance se rejoignent. En choisissant cette voie, je sens que je m’aligne avec cette tradition.
Quel est votre domaine de recherche à Harvard ?
Je mène actuellement des recherches sur l’obésité chez les populations africaines. Pour ce faire, j’utilise l’indice de masse corporelle (IMC) de plusieurs centaines de milliers d’individus afin d’identifier les gènes qui influencent le développement de l’obésité.
Comment se passe votre intégration dans l’environnement académique américain ?
Mon intégration dans l’environnement académique américain se passe très positivement. Ce qui m’a particulièrement marqué, c’est la qualité et la diversité des personnes que je côtoie. Les étudiants viennent d’horizons très variés, avec des parcours impressionnants, que ce soit sur le plan académique, professionnel ou personnel. Chacun apporte une richesse unique aux discussions, ce qui rend les échanges extrêmement enrichissants. L’ambition et la motivation sont également très présentes. Je suis entouré de personnes passionnées, qui savent où elles veulent aller et qui travaillent dur pour atteindre leurs objectifs.
Cela crée une atmosphère stimulante, où chacun est naturellement poussé à se dépasser. En parallèle, l’université offre un large éventail de ressources pour accompagner tous les étudiants : centres d’aide, encadrement pédagogique, bibliothèques, plateformes en ligne, ateliers de développement personnel, etc. Peu importe le point de départ, tout est mis en place pour permettre à chacun de progresser à son rythme et selon ses objectifs. Dans un tel environnement exigeant mais bienveillant, compétitif mais collaboratif. Je me sens encouragé à donner le meilleur de moi-même, tout en apprenant énormément des autres.
Quels sont les aspects les plus marquants de la méthode d’enseignement et de recherche à Harvard ?
Les méthodes d’enseignement et de recherche à Harvard ne diffèrent pas fondamentalement de celles que l’on trouve dans d’autres institutions académiques de haut niveau. Ce qui distingue réellement cet environnement, c’est le calibre exceptionnel des personnes qui y évoluent. Les étudiants, chercheurs et professeurs sont extrêmement déterminés, ambitieux et brillants. Cette concentration de talents crée une dynamique stimulante, où chacun est poussé à se dépasser et à contribuer à l’excellence collective.
Avez-vous l’occasion de travailler sur des projets en lien avec l’Afrique ou le Burkina Faso ?
Oui, tous mes projets sur l’obésité sont directement liés à l’Afrique. J’aimerais bien sûr avoir plus d’opportunités de collaborer et de travailler avec le Burkina Faso.

Quelles sont vos aspirations professionnelles à Harvard ou après ?
À Harvard, je souhaite approfondir mes compétences en recherche, en particulier dans le domaine de la génomique appliquée aux maladies qui touchent les populations africaines. Mon objectif est de collaborer avec des experts de renommée mondiale, de bénéficier des ressources exceptionnelles de l’université, et de contribuer à des projets innovants qui auront un impact concret sur la santé publique. Après Harvard, mon ambition est d’obtenir un poste de professeur-chercheur dans une institution académique ou de recherche.
Ce rôle me permettra non seulement de poursuivre mes investigations scientifiques, mais aussi de former la prochaine génération de chercheurs, en particulier en Afrique. Je souhaite contribuer activement au développement de la recherche locale, en créant des ponts entre la recherche internationale et les enjeux spécifiques des populations africaines, afin d’avoir un impact concret sur la santé publique et la science dans la région.
Quel message avez-vous pour les jeunes ?
Comme le disait Aristote, « Nous sommes ce que nous répétons sans cesse. L’excellence n’est donc pas un acte, mais une habitude. » Cette réflexion souligne que l’excellence ne se manifeste pas par un exploit ponctuel, mais par la constance et la discipline dans nos actions quotidiennes. C’est un engagement permanent à donner le meilleur de soi-même, même dans les tâches les plus simples. Cultiver l’excellence, c’est intégrer la rigueur, l’effort et la persévérance comme des habitudes profondes, qui façonnent durablement notre caractère et nos résultats.
Interview réalisée en ligne par Rama Diallo
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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