Au cœur des défis environnementaux et économiques actuels, une équipe de chercheurs de l’université Nazi Boni, dirigée par le Pr Younoussa Millogo, professeur titulaire en chimie des matériaux et directeur du laboratoire de chimie et énergies renouvelables, développe des solutions innovantes pour bâtir autrement. Leur projet phare est la mise au point de briques écoresponsables, conçues à partir de matières locales, plus résistantes et moins polluantes que le ciment traditionnel.

C’est face aux défis environnementaux et économiques liés à la construction d’habitats que le laboratoire de chimie et énergies renouvelables de l’université Nazi Boni vient de franchir une étape majeure. En effet, sous la direction du Pr Younoussa Millogo, l’équipe a mis au point des éco matériaux innovants à faible empreinte carbone, destinés ainsi à révolutionner le secteur du bâtiment au Burkina Faso.

« Notre objectif était d’élaborer des éco matériaux à faible émission de carbone, durables et adaptés aux réalités de notre pays », a expliqué le Pr Younoussa Millogo. Soutenu par le Fonds national de la recherche et de l’innovation pour le développement (FONRID), ce projet lancé en 2020 a déjà permis la construction d’un bâtiment pilote entièrement réalisé en briques de terre stabilisée.

Pour le Pr Younoussa Millogo, cette innovation démontre que la recherche burkinabè peut proposer des solutions concrètes aux défis du développement

Des briques locales, économiques et écologiques

Le laboratoire a travaillé en partenariat avec la société « ZI matériaux » pour exploiter des gisements d’argile à Matourkou, avant de tester différentes formulations. La combinaison la plus prometteuse s’appuie sur de l’argile locale, 4 % de chaux dolomitique et 0,6 % de fibres végétales de kénaf. Résultat : des briques offrant une meilleure résistance à l’eau et un confort thermique optimal, avec une variation de température intérieure de 3 à 5 °C par rapport à l’extérieur. « Contrairement aux parpaings de ciment, ces briques permettent de réduire la consommation énergétique liée à la climatisation et offrent une meilleure acoustique. C’est-à-dire quand il fait 33° à l’extérieur, à l’intérieur, il peut faire 30° En plus, leur empreinte carbone est quasi nulle », souligne le chercheur.

Au-delà de la dimension technique, le projet met en lumière l’importance de faire confiance aux solutions locales. « Nous devons sortir du complexe de l’importé et croire en nos propres capacités scientifiques. L’intelligence existe partout, y compris en Afrique », insiste le Pr Younoussa Millogo. A l’en croire, le laboratoire a également expérimenté d’autres stabilisants naturels, comme la balle de riz, la bagasse de canne à sucre ou encore la gomme naturelle, avec déjà un brevet déposé.

Une vue du bâtiment pilote construit

Vers une nouvelle ère de construction

Si le coût de production de ces briques peut sembler légèrement supérieur à celui du ciment, les économies réalisées sur le long terme, absence d’enduits coûteux, réduction des dépenses en climatisation, en font une alternative compétitive. Pour le chercheur, la clé du succès réside dans un soutien accru à la recherche. « Les financements doivent être orientés vers des contrats d’objectifs clairs, afin de transformer les résultats scientifiques en solutions concrètes pour nos communautés. Il faut que les autorités, les entreprises et les mécènes acceptent de financer la recherche, car c’est elle qui ouvre la voie à l’autonomie et au progrès », plaide-t-il.

Pour le Pr Younoussa Millogo, cette innovation démontre que la recherche burkinabè peut proposer des solutions concrètes aux défis du développement. Ces briques ne sont pas seulement écologiques, elles offrent aussi des avantages structurels. Elle absorbe mieux les chocs et limite les risques d’effondrement brutal en cas de sinistre. De plus, leur durabilité face aux pluies a été validée par des essais de laboratoire et le bâtiment pilote construit a déjà prouvé sa résistance aux intempéries.

À travers cette innovation, l’UNB contribue non seulement à l’avancée scientifique, mais aussi à la construction d’un avenir durable, adapté aux réalités climatiques et économiques du Burkina Faso.

Romuald Dofini

Lefaso.net

Source: LeFaso.net