Invité du journal télévisé de la RTB le vendredi 5 septembre 2025, le ministre de l’Économie et des Finances, Aboubakar Nacanabo, a détaillé les contours de la taxe instaurée sur les parcelles non mises en valeur. Présentée comme un outil de responsabilisation des propriétaires et de lutte contre la flambée des prix du foncier, cette mesure, inscrite dans la loi de finances rectificative 2025, vise à encourager la mise en valeur effective des terrains, tout en prévoyant des cas d’exonération pour certaines catégories de citoyens.

Avant d’aborder le sujet foncier, le ministre a rappelé que la loi de finances rectificative comporte plusieurs dispositions fiscales dites « de faveur ». Parmi elles, figurent l’exonération de TVA sur les aliments poissons pour soutenir la pisciculture, la réduction de moitié de la retenue à la source pour les transporteurs internationaux.

« Parce qu’en principe, le taux de la retenue est de 20 %, mais nous avons procédé à une réduction du taux à 10 % pour faire en sorte que les coûts des transports n’impactent pas négativement, de façon générale, les coûts de production des différents biens. Et cela peut également avoir un impact positif sur la cherté de la vie », a argumenté le ministre Aboubakar Nacanabo.

À cela s’ajoute l’exonération des jus de fruits locaux de la taxe sur les boissons. Autant de mesures qui, selon lui, visent à alléger les charges des acteurs économiques et à contribuer à la lutte contre la vie chère.

Une taxe pour responsabiliser les propriétaires fonciers

Au cœur de l’entretien, la taxe de 750 à 1 000 francs CFA par mètre carré applicable aux parcelles non mises en valeur a été présentée comme une mesure d’assainissement du foncier. « Nous avons beaucoup de parcelles non mises en valeur. Alors que des personnes continuent toujours de demander, bien sûr, des lotissements pour avoir des parcelles d’habitation », a souligné le ministre, regrettant l’extension incontrôlée des villes au détriment des générations futures.

Le ministre de l’Économie et des Finances, Aboubakar Nacanabo, a révélé que le site de Ouaga 2000 a servi de point de départ pour évaluer la situation foncière. Les contrôles menés ont mis en évidence un nombre important de parcelles laissées à l’abandon, alors même que certaines étaient soumises à un cahier des charges strict, imposant des normes précises de construction. Or, de nombreux acquéreurs n’ont pas respecté ces obligations, laissant leurs terrains inexploités. Cette situation, selon le ministre, illustre parfaitement les dérives spéculatives et la nécessité d’introduire des mesures incitatives afin d’amener les propriétaires à valoriser leurs parcelles.

Jusqu’ici, la loi prévoyait, explique le ministre, le retrait pur et simple des parcelles non valorisées après cinq ans. Mais cette disposition, rarement appliquée, aurait entraîné un retrait massif si elle avait été mise en œuvre. La taxe apparaît donc comme, relève-t-il, « une seconde chance » offerte aux propriétaires, qui conservent leurs parcelles mais doivent désormais assumer une charge annuelle s’ils ne les mettent pas en valeur.

Une hausse progressive pour décourager la spéculation

La taxe sera revue à la hausse chaque année. Une décision clarifiée par le ministre. « Si on augmente la taxe de 20 %, c’est pour que les gens ne se disent pas : « Comme il y a une taxe, donc chaque année, je paye la taxe, et je garde la parcelle non mise en valeur. » Ce n’est pas ce qu’on recherche. Le but, c’est que la parcelle soit mise en valeur. Donc, l’augmentation de 20 %, c’est vraiment pour dissuader, de sorte que les gens comprennent que si on prend une parcelle, l’objectif, c’est de mettre en valeur suivant, bien sûr, les normes qui ont été définies au moment où la parcelle a été attribuée », a-t-il justifié. La mesure vise ainsi à lutter contre la spéculation foncière, qui entretient la flambée des prix au Burkina Faso.

Vers une baisse des prix et accès au logement

Soulignant que l’État n’a pas fait une évaluation en recherchant ce qu’il pourrait gagner à travers cette mesure, Dr Nacanabo a insisté sur la vision, qui n’est rien d’autre que la libération du marché foncier. « Nous estimons qu’en instituant cette taxe, les spéculateurs de parcelles vont être poussés à vendre. Et naturellement, quand il y a beaucoup de parcelles qui sont mises en vente sur le marché, cela ne peut qu’entraîner la baisse des prix. Ce qui va permettre justement à des personnes désireuses d’en acheter pour mettre en valeur de pouvoir le faire », a-t-il montré.

L’application de la taxe n’est pas systématique

Le ministre de l’Économie et des Finances a tenu à rassurer les Burkinabè inquiets des effets de la nouvelle taxe sur les parcelles non mises en valeur, en rappelant que son application n’est pas systématique. En effet, plusieurs cas d’exonération ont été prévus afin de protéger les propriétaires confrontés à des situations particulières. Ainsi, les terrains faisant l’objet de litiges officiellement reconnus par l’administration ou la justice ne seront pas concernés. De même, les propriétaires ayant déjà engagé une procédure pour obtenir une autorisation de construire, ou bénéficiant d’un financement bancaire notifié, disposeront d’un délai supplémentaire d’un an pour concrétiser leur projet avant toute imposition.

« Nous avons également prévu une exonération pour les personnes indigentes qui disposent d’un certificat d’indigence délivré par l’autorité compétente. On a aussi des cas où on peut avoir des héritiers qui sont mineurs et qui, naturellement, ne peuvent pas avoir les ressources pour mettre en valeur. Ces héritiers mineurs sont également exonérés de cette taxe dans la mesure où il faut les accompagner jusqu’à la majorité », a indiqué le ministre.

La parcelle mise en valeur

Deux cas de figure sont distingués parlant de parcelle mise en valeur. D’abord, lorsqu’un cahier des charges d’aménagement existe (cas des parcelles SONATUR), la mise en valeur doit respecter ses prescriptions. En l’absence de cahier des charges, le critère retenu est la construction d’une maison habitable, avec toilettes et clôture.

« Pas une sanction, mais une responsabilisation. »

À ceux qui redoutent une pénalisation, notamment parmi les fonctionnaires qui peinent déjà à financer leurs parcelles, le ministre a répondu que la taxe cible d’abord les spéculateurs. « Vous avez aujourd’hui des gens qui ont des dizaines de parcelles qui n’ont pas mis en valeur et qui ont acheté ces parcelles juste pour attendre des opportunités pour les vendre à des prix élevés. Alors que vous avez aussi des gens qui sont là, qui recherchent donc des ressources pour acheter des parcelles, qui ne peuvent pas. Vous pouvez constater aujourd’hui que dans la sous-région, le Burkina est l’un des pays où les parcelles coûtent excessivement cher. Cela est dû essentiellement à la spéculation. Si on arrive à maîtriser donc la spéculation, effectivement, nous pouvons aboutir à des parcelles à des coûts acceptables. Et je pense que cela va être bénéfique pour l’ensemble de la population », a davantage justifié Dr Nacanabo.

Pour conclure, le ministre de l’Économie a replacé la mesure dans une stratégie plus large, celle d’une densification urbaine, d’une politique de logements sociaux, d’une préservation des terres agricoles et de réserves pour les générations futures.

Hamed Nanéma

Lefaso.net

Source: LeFaso.net