À Ouagadougou, les entreprises de livraison sont en pleine expansion. Que ce soit pour livrer des repas, des colis ou faire des courses, les livreurs ne passent plus inaperçus. À l’instar des autres usagers de la route, beaucoup d’entre eux circulent sans casque, roulent à vive allure et ignorent trop souvent l’autorité du feu tricolore.
Henri avait 22 ans. Étudiant en troisième année de lettres modernes, il rêvait de devenir enseignant. Mais il devait faire face aux loyers impayés, aux fournitures à acheter et autres dépenses quotidiennes. Pour joindre les deux bouts, il avait trouvé un petit boulot de livreur dans une société de restauration rapide.
Au début, il était fier de porter son sac de livraison. Fier de pouvoir dire à ses camarades qu’il gagnait sa vie honnêtement. Mais le temps pressait toujours. Plus il livrait vite, plus il avait de chances de recevoir un pourboire. Alors, très vite, il a commencé à se dire que le casque n’était qu’un poids inutile, qu’il pouvait gagner quelques minutes précieuses en roulant plus vite que les autres.
La ville était son terrain de course. Aucun virage ne lui résistait. Le vent sur son visage lui donnait une impression de liberté. Ses amis lui avaient pourtant répété : « Mets ton casque, Henri. On n’a qu’une seule vie. » Mais, il souriait, haussait les épaules et repartait à toute allure.
Un soir, il pleuvait des cordes, alors qu’il livrait une commande de dernière minute, la route lui a échappé. Une voiture surgit d’un carrefour. Le choc est brutal. Henri s’est retrouvé projeté sur l’asphalte, le visage contre le sol. Le casque, qu’il avait laissé accroché au guidon, ne l’avait pas protégé.
À l’hôpital, le jeune étudiant a repris conscience dans une chambre blanche, le corps bandé, incapable de bouger correctement. Le médecin lui annonça d’une voix grave :
« Tu as de multiples fractures. Le traitement sera long et coûteux. »
Son salaire de livreur ne couvrait même pas les médicaments prescrits. Sa famille, déjà pauvre, dans la commune de Kokologho, devait vendre les derniers ruminants et s’endetter pour l’aider. Ses études furent interrompues. Ses camarades passaient leurs examens tandis que lui comptait les jours, couché, rongé par le regret.
Chaque fois qu’il pensait à son casque posé, il sentait les larmes monter. L’enfiler avant de prendre la route aurait pu lui éviter la souffrance.
Henri comprit trop tard que la vitesse et l’imprudence avaient un prix. Et que ce prix, c’était sa vie d’avant.
Cette histoire n’est pas réelle mais elle aurait pu l’être. Sur les grandes artères de la capitale burkinabè, il n’est pas rare de voir ces livreurs slalomer entre les véhicules, téléphones tenus en main ou collés à l’oreille à l’intérieur du casque, pour ceux qui en possèdent. Pressés, ils brûlent parfois les feux rouges et exposent leur vie, mais aussi celle des autres usagers.
La responsabilité des entreprises
Si la rapidité est un impératif dans ce secteur, elle ne devrait pas se faire au détriment de la sécurité. Les sociétés qui emploient ces livreurs portent une part de responsabilité. Elles devraient fournir systématiquement des casques de protection de bonne qualité, mais aussi former leurs agents au respect du code de la route et aux règles élémentaires de civisme. Un livreur en sécurité est un employé protégé et un client satisfait.
Des clients également interpellés
La pression ne vient pas uniquement des entreprises de livraison. Les clients jouent aussi un rôle dans cette course contre la montre. Certains n’hésitent pas à appeler les livreurs à plusieurs reprises, y compris lorsqu’ils sont en circulation. Ce comportement pousse ces derniers à décrocher ou consulter leur téléphone au guidon, avec les risques que cela comporte.
Il est donc important que les usagers soient plus patients et surtout indulgents. Attendre quelques minutes de plus peut sauver des vies. Ils (clients) gagneraient à comprendre que la sécurité doit primer sur la rapidité. Mieux vaut arriver en retard que de ne pas arriver du tout.
Fredo Bassolé
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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