A l’orée de la rentrée scolaire et après la première expérience de l’immersion patriotique organisée par l’Etat, il importe de réfléchir sur l’individu, la nation et le patriotisme.

En rappel, l’Académie Royale Kéoogo de Busma (ARK-B) a participé à cette immersion, grâce à l’invitation des autorités régionales des Koulsé et à la bénédiction de Sa Majesté Rima Sigri, Roi de Boussouma, à travers une triple conférence au profit des immergés de Kaya, le dimanche 31 août 2025, sur le thème : « L’éducation traditionnelle à travers l’Académie Royale Kéoogo de Busma (ARK-B) ».

L’appel au patriotisme exige de réfléchir sur le lien qui existe entre l’individu et la patrie, entre l’individu et la nation. Une nation est la somme des individus qui habitent un espace et qui acceptent des règles partagées. Cela nécessite que ces individus cultivent en permanence des vertus, des valeurs, des principes d’une vie en famille, d’une vie en communauté, d’une vie en nation.

De manière linéaire, la nation vient d’individus regroupés au sein des familles, des familles qui forment des communautés, des communautés qui donnent une réalité aux collectivités. La somme des collectivités forme la nation. Au commencement était l’individu. Un individu équilibré se construit dans une famille où l’homme et sa partenaire ou ses partenaires se donnent pour mission de nourrir et d’éduquer leurs enfants selon des normes familiales, des principes communautaires et des règles nationales. Pour une nation de paix et de prospérité, il faut des environnements familiaux et communautaires responsables où grandissent les enfants. Il est du devoir de la nation de se préoccuper de donner une meilleure place aux enfants dans les familles.

Au Burkina Faso, la Loi n° 013-2007/AN du 30 juillet 2007 portant loi d’orientation de l’éducation a instauré la gratuité de l’enseignement de base, qui comprend l’école obligatoire de 6 à 16 ans, dans le but d’accroître l’accès à l’éducation pour tous.

L’école, même obligatoire, ne pourra pas enseigner et instruire les enfants sans une contribution et une collaboration des familles. Plus que des espaces d’hébergement, les familles doivent être des cadres d’éducation aux valeurs et au savoir-vivre.

Pour réussir l’enseignement dans les structures éducatives de l’Etat, l’éducation familiale et communautaire est un préalable. Priver l’enfant de l’éducation parentale et l’école ne sera qu’un espace de séjour sans importance.

Si l’école moderne fait du savoir un préalable pour acquérir le savoir-faire et le savoir-être, l’éducation traditionnelle inscrit le savoir dans le domaine du sacré et œuvre à ce que l’enfant acquiert le bon comportement et la bonne aptitude au préalable. « N’accède au savoir que celui qui le mérite », dira l’école traditionnelle (kéoogo) dont le cœur constitue l’initiation. A cette démarche, l’école moderne répond : « chaque enfant a droit au savoir ». On est là en présence de deux visions différentes de l’éducation qui doivent savoir se compléter, se réconcilier pour construire des patriotes.

Un patriote n’est autre qu’un individu qui vient au monde par le biais du contact de deux familles, de deux communautés (tonkré) grâce souvent à une protection offerte (nokré) qui débouche sur l’amour (nonglom) converti en amitié (zoodo) et qui avec le temps permet l’union, le mariage (kaandom) donnant naissance à une famille d’alliance plus large (buudu) débouchant sur la construction d’une patrie, d’une nation (bayiri).

La patrie est l’aboutissement d’une longue marche dont chaque étape exige davantage d’amour, de fraternité, de solidarité, de tolérance, de pardon et d’acceptation mutuelle.

Dans la tradition, l’enfant a toujours un père, une mère même lorsqu’il perd ses géniteurs. La société dispose de mécanismes pour prendre en charge les orphelins et on sait très bien que « le père de l’orphelin est Dieu ». Cela est une invite à prendre en charge ceux dont la vie a été une épreuve à cause du départ précoce de leurs parents.

Aujourd’hui, avec la modernité et la montée de l’individualisme, les mécanismes de sauvetage des enfants en difficulté s’effritent. Rares sont ceux qui se préoccupent du sort des enfants des autres. Il est temps de rappeler les parents à leurs propres responsabilités car certains oublient même de prendre en charge leurs propres progénitures.

Les parties prenantes de la vie nationale pourraient contribuer à la mise en place de mécanismes de prise en charge de tous les enfants.

Les communautés traditionnelles disposaient d’espaces inclusifs d’éducation comme le Kéoogo qu’il faut savoir ressusciter là où ils n’existent plus et revaloriser là où ils survivent en tenant compte des changements du contexte. Il s’agit d’accompagner les parents à faire des enfants, les patriotes qui défendront la nation demain, la plus grande priorité.

Pour ce faire, les familles doivent être renforcées pour sortir de leur fragilité afin d’être capables d’éduquer les enfants pour la nation, pour la patrie. Il faut savoir faire la synthèse des valeurs endogènes avec les principes qui contribuent à faire nation.

Busm Kéoog-naaba Koobo

Ministre de l’éducation et de la culture du Rima de Busma

Source: LeFaso.net