
Décembre est là avec ses lumières, ses programmes, ses célébrations… mais aussi avec ses attentes qui s’installent dans beaucoup de couples et de foyers. Les hommes, très souvent chargés des responsabilités financières du quotidien, voient davantage les regards braqués vers eux en cette période. « J’attends mon argent des fêtes », « Et pour les fêtes, tu prévois quoi ? », etc. Si cela ne pose pas de problèmes à certains, d’autres par contre se retrouvent dos au mur, entrant dans la nouvelle année avec des dettes et des angoisses.
Hier, en attendant mon tour dans un salon de manucure du marché, une phrase m’a accrochée. « Ah, je n’ai pas encore eu mon argent de fête… Cette année, ça va être bizarre. Mon mari n’a encore rien dit, je le regarde seulement. » Une dame assise l’a lancé en riant. Mais derrière le rire et l’humour, il semblait y avoir une attente lourde. Une attente devenue courante dans le langage des femmes burkinabè. Pourtant, loin de victimiser la gent masculine, cette phrase résonne comme une douce pression psychologique mais surtout financière. Et chaque fin d’année, ces phrases se répètent dans les marchés, les groupes de femmes et plus encore sur les réseaux sociaux tel un refrain mécanique : « l’argent de fête ».
Il faut être l’homme qui « donne », l’homme qui ne déçoit pas, l’homme qui confirme sa valeur par un billet glissé dans la main, une enveloppe sur la table, ou un transfert accompagné des frais de retrait. Et ceux qui n’arrivent pas à répondre à cette attente deviennent subitement des hommes de « décembre vert », comme on le voit sur les réseaux sociaux. Derrière la blague, il y a pourtant quelque chose qui ronge les nuits de beaucoup d’hommes. La peur de décevoir, la fatigue mentale de devoir « être à la hauteur », même quand les moyens manquent.
Pourtant, recevoir un cadeau, qu’il s’agisse d’argent, d’un geste ou d’une attention, devrait avant tout être un acte libre, un acte qui naît de l’envie, pas de la pression. Un cadeau forcé perd sa beauté. Quand on attend trop, quand on exige, quand on met en scène cette exigence, on transforme l’acte en épreuve. Et cette pression, paradoxalement, assèche souvent ce que l’on espérait obtenir. On oublie que sous la pression, l’esprit se ferme, le cœur se contracte, et la générosité perd sa fluidité naturelle. Ce qui pourrait être douloureux encore, c’est cette impression, chez certains hommes, que la gentillesse qu’on leur manifeste à l’approche des fêtes n’est pas toujours sincère. D’ailleurs pour cette raison, certains s’interdisent de courtiser une femme en décembre, craignant d’être plumés. Que leur amour soit aligné sur un calendrier émotionnel : douce en décembre, moins douce en janvier.
Malgré tout, il faut reconnaître une part de responsabilité du côté des hommes. Dans beaucoup de cas, certains laissent planer un flou total sur leurs intentions, nourrissant ainsi l’anxiété de leurs partenaires. On ne devrait pas avoir à rappeler à un homme, comme à un enfant, qu’une fête se prépare, qu’un geste se pense, qu’une attention se manifeste ou qu’une femme s’entretient. Donner quand on peut devrait venir d’une maturité émotionnelle, d’une capacité à devancer les besoins de ceux que l’on aime même en dehors des fêtes. Quand un homme attend qu’on lui réclame ce qu’il aurait pu offrir spontanément, il alimente malgré lui ce cycle de reproches et de malentendus.
Tout cela nous ramène finalement à dire que les fêtes ne devraient jamais devenir un espace de revendications ni de pressions. Elles devraient être un moment de joie, de bonne humeur et de partages. Que les femmes puissent exprimer leurs envies sans imposer, et que les hommes puissent donner sans se sentir obligés ou infantilisés. À l’approche de cette fin d’année, on peut souhaiter une seule chose : que chaque foyer, chaque couple trouve une manière douce et apaisée de célébrer. Que chacun offre ce qu’il peut, comme il peut, avec sincérité. Et que la paix émotionnelle soit, elle aussi, un cadeau que l’on se partage.
Farida Thiombiano
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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