
Pour beaucoup, écrire relève d’un simple plaisir, d’une pure passion, une manière de tuer le temps. Pour Yamba Malick Sawadogo, l’écriture d’une œuvre n’est pas tellement loin des raisons évoquées. Mais au-delà de cela, revenir sur ce qu’il considère comme l’essentiel de sa vie à travers une œuvre relève de plus qu’une nécessité. Plus de 30 ans après l’assassinat du père de la Révolution Thomas Sankara, Yamba Malick Sawadogo, qui faisait partie des personnes qui l’ont enterré en cette nuit du 15 octobre 1987, a dédicacé son ouvrage « Pawan-Yimdi, le serment du cimetière de Dagnöen », ce dimanche 21 décembre 2025. Il s’agit d’un entretien littéraire mené par le journaliste Erwan Compaoré du média en ligne Lafaso.net.
« L’image qui me hante, c’est celle de Thomas qui semblait dormir. Comme il portait un survêtement rouge de la même couleur que son sang, on ne pouvait pas savoir qu’il avait saigné tant qu’on ne le touchait pas. Il était couché, comme s’il dormait, la bouche ouverte, les poings fermés, un peu comme s’il envoyait un message, comme s’il parlait encore. Cette image ne me sortira jamais de la tête. Jamais ! » Cet extrait tiré du livre de Yamba Malick Sawadogo intitulé « Pawan-Yimdi, le serment du cimetière de Dagnoën », à la page 40, résume ce que ressent l’homme après avoir traversé la dure épreuve d’enterrer un homme, et pas des moindres, le père de la Révolution Thomas Sankara.
Face aux treize corps ce soir du 15 octobre 1987, l’homme s’était juré de rendre justice à celui qui aura marqué son passage à la tête du pays des hommes intègres. Cette nuit marquera le début de son engagement politique, fait de hauts et de bas. « Le jeudi 30 octobre 2014, Dieu exauça mes prières. En effet, très tôt le matin, le peuple s’est mis debout comme un seul Homme pour dire « trop c’est trop », et chasser Blaise Compaoré. Aussi, je remercie Dieu de m’avoir donné tous les moyens pour l’accomplissement de mon engagement d’une part, et d’autre part d’assister physiquement à la fuite de Blaise Compaoré », lit-on dans sa lettre adressée au Burkinabè, intitulée 9877 jours de combat pour un serment.
Composée de deux parties et de huit chapitres répartis en 143 pages, l’œuvre revient essentiellement sur son parcours politique : ses débuts, ses déboires avec la justice dus à son engagement politique, son blanchiment, sa lutte pour « chasser » Blaise Compaoré, son retrait de la politique en tant que militant. En décrivant les conditions de travail avec l’auteur, le journaliste Erwan Compaoré dit avoir réfléchi par deux fois avant d’accepter de faire partie du projet. Son hésitation, dit-il, se justifiait d’une part, par son jeune âge. D’autre part, par le fait qu’il soit peu instruit sur le sujet de la Révolution et ses contours.
« Je me suis donc inspiré des productions déjà existantes. Il m’a fallu beaucoup de lecture et de recherches pour savoir orienter les questions. J’ai pu consulter les écrits de Bruno Jaffré qui parlaient de Thomas Sankara et de la Révolution en général. Je me suis aussi inspiré de ce qui a déjà été fait au Burkina, notamment un documentaire de Liradan Philippe Ada sur les circonstances de l’enterrement de Thomas Sankara, documentaire dans lequel intervient Yamba Malick Sawadogo », a-t-il laissé entendre, avant de souligner de bonnes conditions de travail avec l’auteur. « Tout s’est bien passé dans l’ensemble », a-t-il ajouté.
La dédicace de l’œuvre s’est tenue en présence des camarades politiques de l’auteur, parmi lesquels le préfacier, Me Bénéwendé Sankara. Pour l’avoir côtoyé des années durant, il dit retenir de lui sa ténacité, sa loyauté à toute épreuve, son esprit rassembleur, son sens du devoir et sa bravoure. « En 2007, lorsque nous organisions le 20ᵉ anniversaire de Thomas Sankara, le directeur général de la police à l’époque m’a dit qu’on ne pourrait contenir le monde. Pendant la cérémonie, il y avait des infiltrés qui ont lapidé Mariam Sankara. Yamba Malick lui a donné son dos pour la couvrir, comme pour dire qu’il la porte », se souvient-il.

L’ex-ministre et député Dieudonné Bonané, lui aussi, n’a pas manqué de dire ce qu’il pense de l’auteur, lui qui le connait depuis sa tendre enfance. « Nous avons grandi ensemble dans le même quartier. Plus tard, lui s’est retrouvé dans l’opposition et moi, dans la majorité. C’est un homme qui, lorsqu’il est convaincu d’une chose, est prêt à mettre sa tête au feu s’il le faut ; toujours déterminé à atteindre son objectif. Me Sankara et lui font partie des rares qu’on n’a pas pu faire venir au CDP à l’époque. C’est un rassembleur, très fort dans le renseignement, et un homme d’une loyauté incroyable », a-t-il lâché.
Pour rappel, la dédicace du livre se tient ce jour, 21 décembre 2025, jour d’anniversaire de Thomas Sankara. Écrit dans un langage fin et accessible, il représente un feuilleton de la longue série de l’assassinat de Thomas Sankara, selon Dr Dramane Konaté, critique de l’œuvre. Il coûte 6000 francs CFA et est disponible à la librairie Mercury.
E.C
Lefaso.net
Source: LeFaso.net



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