Tout comme la quasi-totalité des circonscriptions du pays, Zabré a désigné ses élus locaux (90), à la faveur du scrutin du 22 mai dernier qui a donné 46 conseillers pour l’UPC (Union pour le progrès et le changement, opposition) et 44 pour le MPP (Mouvement du peuple pour le progrès, parti au pouvoir). Mais, comme nombre de Conseils municipaux également, des mésententes entre conseillers municipaux ont empiété sur la mise en place effective de l’organe dirigeant. Après des tentatives manquées, apprend-on, les choses vont prendre une autre allure le vendredi, 26 août 2016 dans cette commune. Alassane Ouaré, conseiller municipal élu sous la bannière de l’UPC, se présente comme « maire nouvellement élu » de la commune rurale de Zabré, située dans la province du Boulgou, région du Centre-Est. Un titre qui ne semble pas partagé … et pour cause ? A la découverte de la situation à Zabré, selon la version d’Alassane Ouaré que nous avons rencontré en début d’après-midi, ce mercredi, 31 août 2016 à Ouagadougou. Entretien !

Lefaso.net : Quelle est la situation qui prévaut aujourd’hui au sein de votre commune, plus précisément en ce qui concerne le conseil municipal ?

Alassane Ouaré : Bonsoir et merci pour l’occasion que vous m’offrez pour éclairer l’opinion publique sur ce qui se passe à Zabré. Après les élections de mai 2016, deux partis politiques se sont partagé les 90 sièges. Il s’agit de l’UPC avec 46 sièges et le MPP avec 44 sièges. Le Préfet de Zabré a convoqué les 90 conseillers le 20 juin 2016 aux fins d’asseoir le bureau du Conseil municipal. Malheureusement, le premier vote a donné une parité de 45 voix pour chaque parti. Les conseillers MPP ont estimé que le vote n’était pas secret et ont souhaité que les conseillers cotisent 1500 F par conseiller pour imprimer un bulletin unique portant les deux photos des candidats. Ainsi le vote serait plus facile, selon eux. Les conseillers ont rejeté cette proposition en bloc. L’ancien maire qui lors des concertations avec les conseillers MPP aurait manqué du respect au chef de Zabré a eu maille à partir avec certains jeunes et a dû quitter la mairie, et finalement le préfet a levé la séance. Monsieur le gouverneur de la région du Centre-Est a convoqué une rencontre regroupant cinq représentants de chaque parti et les personnes ressources de la commune pour apaiser la situation le 19 juillet 2016 à Zabré. De ces concertations, il est ressorti que nos frères conseillers MPP estiment qu’ils sont menacés par certains militants de l’UPC. Mais ils n’ont pas pu nommer ceux-là qui les menaçaient. Ils diront que la paix prime sur le développement. Après la rencontre, les responsables de l’UPC ont initié des rencontres avec les jeunes, les anciens, les chefs coutumiers et les leaders religieux. Des communiqués radios ont été diffusés à la radio locale, appelant à l’apaisement et certains jeunes ont même rencontré le Préfet pour lui signifier que le jour de l’élection, ils seront dans leurs champs. Finalement, le 19 août 2016, le gouverneur a convié trois représentants de chaque parti à une réunion dans son bureau à Tenkodogo. Lors de cette rencontre, nos amis du MPP ont estimé qu’il y a des militants UPC qui les menaçaient toujours et qu’ils ne peuvent pas faire une élection dans un climat qui n’est pas apaisé. Le gouverneur nous a demandé qu’est-ce que nous avons fait depuis la dernière rencontre (19 juillet) pour qu’il y ait la quiétude dans la commune afin qu’on puisse organiser les élections ? C’est-là que nous avons remercié Monsieur le gouverneur pour les efforts qu’il a fournis dans la dynamique de la mise en place du Conseil municipal. Nous lui avons expliqué les actions entreprises plus haut. Le gouverneur a ensuite demandé à nos amis du MPP, ce qu’ils ont fait pour apaiser la situation. Là, ils ont dit qu’ils n’ont rien fait parce qu’ils sont menacés, donc ils ne peuvent pas parler d’élection. Monsieur le gouverneur a ensuite posé une deuxième question à travers laquelle il demandait, qu’est-ce que nous allons faire pour que le conseil municipal puisse être installé ? Nos frères du MPP ont dit qu’ils n‘ont rien à proposer parce qu’ils ne sont pas en sécurité. Pour l’UPC, elle est prête à proposer un bureau consensuel afin que Zabré puisse éviter la délégation spéciale. En clair, que nous sommes prêts à partager les postes pour sauver la situation. Le gouverneur nous a donc dit qu’il mettra tout en œuvre afin qu’il y ait la sécurité à même de permettre la mise en place du bureau du Conseil municipal. Dès le mardi 23 août, le préfet a remis les convocations des conseillers aux responsables locaux des partis. Nous avons rencontré nos frères du MPP le mardi 23 mai mais les propositions que nous leur avons faites ne sont pas suffisantes à leurs yeux. Rendez-vous a été pris pour le jeudi 25 août à Zabré. Le jeudi à Zabré, nos différents appels sont restés sans suite car toujours la même chanson : nous n’avons pas fini la concertation, on t’appelle en temps opportun. Le jeudi, après plusieurs appels, ils nous ont donné un rendez vous pour le vendredi 26 août à 7h. Les conseillers UPC étaient à la mairie depuis 7h et on les a attendus jusqu’à 9h, heure prévue par l’autorité pour le vote, mais ils n’étaient pas là. Nous étions 42 conseillers avec deux procurations et deux de nos conseillers étaient absents. Autour de 12 h, le préfet fait le point et trouve que le quorum de 46 conseillers n’est pas atteint. Il va nous faire deux propositions, soit on lève la séance ou on suspend la séance pour qu’on parte se concerter avec les gens du MPP et quand le quorum sera atteint, on revient le voir. Seul le quorum de 46 conseillers physiquement présents pouvait permettre le vote. Nous avons dit qu’il n’y a pas de problème, on suspend et on va entamer des concertations avec les gens du MPP. Ce, d’autant que ceux du MPP auraient appelé le préfet pour dire qu’ils viennent dans la salle mais sans s’inscrire sur la liste de présence, alors que la loi dit que tout conseiller qui entre dans la salle le jour de l’élection doit s’inscrire. Les conseillers ont quitté la salle et notre premier réflexe fut d’appeler les frères pour la concertation. Notre appel est resté vain jusqu’à nos jours. Mais nous avons pris soin de faire venir un conseiller UPC malade afin de tendre vers le quorum de 46 conseillers. Ainsi avec sa présence nous avions 43 conseillers physiquement présents, plus une procuration.

Lefaso.net : Mais, en ce moment tous vos amis du MPP étaient tous arrivés à Zabré ?

Alassane Ouaré : Oui, ils étaient-là mais eux aussi, ils avaient un problème de quorum, ils avaient 33 conseillers présents (11 de leurs conseillers n’étaient pas venus). Donc, quand on est sorti, je les ai encore appelés et ils disent qu’ils n’avaient pas encore fini leurs concertations, mais qu’ils allaient me rappeler. Vers 15h 30, il y a trois conseillers MPP qui sont venus nous voir pour nous dire qu’ils sont vraiment découragés, qu’on les a enfermés dans un bar et on leur a interdit de sortir. Ils viennent nous aider à sauver Zabré de la délégation spéciale. Ils ne comprennent pas pourquoi le MPP ne veut pas participer au vote. Alors que les conseillers veulent aller au champ. Nous sommes repartis voir le préfet parce qu’il y avait maintenant 46 conseillers présents physiquement, plus une procuration. Nous sommes allés chez le préfet pour lui dire que nous avons pu réunir 46 conseillers physiquement présents, plus une procuration. Donc, on souhaiterait qu’il vienne lui-même asseoir le bureau de séance et nous allons procéder au vote (puisque le préfet n’assiste pas aux élections). Il a refusé, prétextant que si les responsables du MPP ne sont pas avec nous, il n’y aurait pas de vote à Zabré. Nous avons déploré cela et lui avons dit qu’il parlait de conseiller et non de responsable de parti. Nous avons rendu compte aux conseillers qui ont estimé que cela n’allait pas entacher le vote car le bureau de séance installé le 20 juin par le Préfet est dans la salle. Aussi le même bureau allait organiser le vote. C’est ainsi que le bureau a organisé le vote.

Lefaso.net : C’est dire clairement que vous êtes passés au vote sans la présence et la mise en place effective par le préfet du bureau de séance !

Alassane Ouaré : Il a dit non, qu’à partir du moment où il ne voit pas les responsables du MPP, il ne peut pas venir. Alors que les responsables du MPP refusent de venir. Et il y a même trois de leurs conseillers qui sont venus s’ajouter à nous, qu’est-ce qu’il faut faire ? On a donc procédé aux élections, comme il se doit avec le bureau de séance du 20 juin.

Lefaso.net : Donc, vous êtes passés au vote, en considérant la décision antérieure de mise en place du bureau de séance (celle du 20 juin) ?

Alassane Ouaré : Oui, c’est ainsi qu’on a procédé à la mise en place du bureau du Conseil municipal. A la fin, nous sommes repartis le voir encore, pour lui dire de venir constater le bureau avant qu’on ne se disperse. Il a dit qu’il ne reconnaît pas ce bureau, donc il ne peut pas venir. Nous lui avons dit qu’à cela ne tienne, nous avons fait les procès-verbaux que nous allons afficher au niveau de la mairie.Toute la ville était vraiment en joie et des bruits de klaxons ont accompagné le nouveau bureau du conseil municipal jusqu’à leur domicile. Comme le préfet a refusé de prendre les procès-verbaux, on s’est dit qu’il fallait aller voir l’autorité supérieure qui est le haut-commissaire. Nous sommes allés lundi (29 août) à Tenkodogo, le haut-commissaire étant en congé, c’est le secrétaire général de la province qui nous a reçus. Il a donc dit qu’il allait se référer d’abord à sa hiérarchie pour voir s’il faut prendre ou pas. C’est ainsi qu’il a dit, après l’appel de son supérieur, qu’à partir du moment où le préfet n’était pas là le jour du vote dans la salle, il ne pouvait pas prendre les procès-verbaux.

Lefaso.net : Vous dites que ce sont vos jeunes qui menaçaient des conseillers MPP, que reprochaient au juste ces jeunes aux conseillers MPP ?

Alassane Ouaré : Je n’ai pas dit que nos jeunes menacent les gens du MPP. Non, j’ai dit que certains conseillers du MPP ont dit qu’ils sont victimes de menaces mais ils n’ont pas pu nous dire qui sont ces gens. Si quelqu’un est menacé dans son village, cela est inexplicable. D’habitude l’enfant du village est la bienvenue au village en Afrique, surtout au Burkina Faso.

Lefaso.net : Selon vous, quel est le nœud du problème ?

Alassane Ouaré : Je me dis que c’est simplement politique. Lors de la campagne, ils (responsables du MPP) avaient clairement dit que leur parti a le pouvoir d’Etat et que par conséquent, si par hasard ils n’avaient pas la majorité des conseillers, la commune de Zabré serait placée sous délégation spéciale. Est-ce cela qui est en train de venir ?

Lefaso.net : Est-ce que vous aviez eu des échanges, avant-même les élections, autour de la gestion de la commune ?


Alassane Ouaré :
Avant les élections, j’ai eu des échanges avec mon challenger du MPP qui est un ami de longue date. On s’est donc rencontré, on a discuté en présence d’un de ses amis nigérien. Mon challenger m’a même dit : Monsieur Ouaré, nous sommes des amis et des frères et je te jure, s’il se trouve que c’est l’UPC qui a la majorité, je vous soutiens pour la gestion de la commune. En retour, je lui ai aussi dit qu’il n’y a pas de problème, s’il se trouve que c’est le MPP qui a la majorité, je suis prêt à l’accompagner ; parce que nous sommes tous des fils de Zabré. Le nigérien nous a donné des accolades et il nous a félicités en disant que l’Afrique avait besoin des gens comme nous. Malheureusement, ce n’est pas ce qu’il est en train de faire. Je l’ai approché et je lui ai rappelé nos propos avant de lui dire que c’était important qu’on respecte la parole donnée. Il m’a dit que non, c’est la politique, qu’il a la pression de sa hiérarchie.

Lefaso.net : …c’est-à-dire ?

Alassane Ouaré : Qu’il a la pression de ses responsables politiques, qui lui disent qu’ils veulent la commune de Zabré qui est importante. Malheureusement, nous les avons battus avec plus de 3 500 voix de différence au scrutin. Si c’était au suffrage direct, il n’y aurait même plus de problème d’élection au conseil municipal.

Lefaso.net : Quelle est aujourd’hui la situation réelle au sein de la commune ?

Alassane Ouaré : La population ne sait plus à quel saint se vouer ; parce qu’elle ne comprend plus rien. Que le quorum soit atteint et que le préfet refuse de venir. C’est pour cela qu’elle s’est engagée à organiser une marche pacifique vendredi 2 septembre. La population a fait la demande qui a été acceptée par le préfet. Elle va donc manifester son mécontentement pacifiquement

Lefaso.net : Mais, est-ce que vous avez contacté le gouverneur, qui a été la référence jusque-là ?

Alassane Ouaré : On ne peut pas sauter le haut-commissaire pour voir le gouverneur ; administrativement, je réponds du haut-commissaire (en tant que maire élu).

Lefaso.net : Ayant joué à la médiation à un certain moment… !

Alassane Ouaré : Non, le seul appel, c’était le vendredi 19 août pour me faire part de ce que le gouvernement a accepté sa requête pour renforcer la sécurité aux fins de la mise en place du Conseil municipal.

Lefaso.net : Vous n’avez pas jugé utile de lui faire le point également, même si vous estimez qu’il y a une hiérarchie…à respecter ?

Alassane Ouaré : Administrativement, je ne peux pas aller directement vers le gouverneur. Ma hiérarchie, c’est le haut-commissaire (à travers le secrétaire général) que j’ai rencontré et qui a promis faire son rapport au gouverneur. Et il a appelé le gouverneur devant moi (j’étais dans le bureau du secrétaire général quand il appelait le gouverneur). Je ne peux pas le sauter, administrativement, ce n’est pas bien.

Lefaso.net : Avez-vous eu, depuis lors, des contacts avec vos amis du MPP ?

Alassane Ouaré : Non, il n’y a pas eu de contact. J’ai rencontré l’ancien maire (c’est lui le responsable du MPP), mais c’était de passage, on s’est juste salué. De toute façon il est mon grand-frère.

Lefaso.net : Quelle est la réaction de la hiérarchie de votre parti ?

Alassane Ouaré : Elle est déçue parce qu’elle ne comprend pas ; c’est de la mauvaise volonté. Puisque le préfet a dit qu’il faut atteindre le quorum. Si vous atteignez le quorum, venez me voir, a-t-il dit. On a eu le quorum, on est allé le voir, il refuse de venir. Pourquoi ? C’est la question qu’il faut se poser et je me dis que c’est l’administration qui est bien placée pour répondre à cette question. A qui la faute ? L UPC a répondu à l’appel et a respecté les autorités administratives de la région, de la province et du département. Le MPP a refusé de répondre à la convocation de l’administration. Pendant que le contribuable burkinabè a déboursé une enveloppe pour leur sécurité. Où allons-nous ? N’est-ce pas là de l’incivisme, politique soit-il ?

Lefaso.net : Que comptez-vous faire maintenant… ?

Alassane Ouaré : Comme je vous l’ai dit, on s’en remet à l’administration. Elle est la seule à pouvoir résoudre le problème que le préfet a créé.

Lefaso.net : En dehors des approches que vous avez initiées auprès de la hiérarchie, avez-vous approché d’autres structures compétentes comme la justice ?

Alassane Ouaré : Comme c‘est juste avant hier (lundi) qu’on a su que l’administration n’allait pas accepter le résultat issu des urnes, nous allons entreprendre d’autres démarches.

Lefaso.net : Au regard de ce départ difficile, pensez-vous que la gestion de la commune promet un bel avenir ; une localité qui certainement entend que beaucoup de défis soient relevés !

Alassane Ouaré : ça, c’est vrai. Mais, en Afrique, on dit que c’est après la bagarre que vient la joie. Donc, je me dis que chacun de nous a compris que la commune doit être mise au-devant de toutes considérations personnelles et partisanes. Nous sommes tous des frères. Par conséquent, il n’y a pas de raison qu’on ne s’entende pas pour développer notre commune, surtout qu’on a des potentialités, des terres fertiles. Tout cela devrait, à mon sens, nous aider à développer la commune.

Lefaso.net : Quel est donc votre message à ce jour ?

Alassane Ouaré : A l’endroit des populations, je les remercie pour le courage qu’elles ont eu pour supporter tout ce temps passé avant qu’on arrive aux élections le 26 août. Elles ont manifesté leur joie dans la nuit du 26 août 2016. Les populations m’ont félicité, encouragé et m’ont dit qu’elles seront à mes cotés pour le développement de la commune. A mes frères du MPP, je leur dis que la politique de la chaise vide n’a jamais résolu un problème. On est des frères alors, qu’ils viennent pour qu’on pense au développement de la commune ; c’est cela l’essentiel. Chacun, à son niveau de positionnement, apporte sa pierre pour qu’on construise ensemble Zabré ; qu’on soit maire ou citoyen lambda de Zabré. Ce n’est pas la personne de monsieur Ouaré qui va construire la commune et apporter le développement, c’est nous tous. Chaque conseiller en soi, est un maire et dans le conseil, il n’y a pas de coloration politique. Et ce, d’autant que nous sommes tous des frères. A l’endroit de l’administration, je demande vraiment qu’elle respecte ses propres textes ; c’est elle qui nous a dit qu’il faut un quorum. Ce quorum a été atteint, même si les conseillers ne sont pas du même parti. J’appelle donc l’administration à venir installer le bureau du Conseil municipal de Zabré pour démentir certaines allégations.

Entretien réalisé par Oumar L. OUEDRAOGO

(oumarpro226@gmail.com)

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Source: LeFaso.net