Le Département socio-économie et anthropologie du développement (DSEAD) de l’Institut des sciences des sociétés (INSS), un des départements du Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST), a organisé ce jeudi 22 mai 2025 à Ouagadougou un séminaire scientifique sur le thème : « L’accès à l’eau potable et à l’assainissement en contexte de crises climatique et sécuritaire au Burkina Faso : regards pluridisciplinaires ». Objectif : présenter des résultats scientifiques des chercheurs et des partenaires du département Socio-économie et anthropologie du développement et de l’INSS.
Il ressort du constat qu’au Burkina Faso, l’accès à l’assainissement est aussi gravement compromis par deux crises majeures, à savoir le changement climatique et l’insécurité liée aux conflits armés. Face donc à ces défis majeurs rencontrés par les populations burkinabè en la matière, l’approche par l’observation participante de la socio-anthropologie constitue une source pour comprendre et agir en vue de réduire les problèmes inhérents de l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, expliquent les organisateurs.
C’est donc convaincu qu’un regard anthropologique et sociologique sur ces questions permettra une meilleure compréhension des réalités vécues sur cette préoccupation d’accès à l’eau et à l’assainissement au Burkina que le département Socio-économie et anthropologie du développement (DSEAD) a initié ce séminaire scientifique.

Après le cérémonial d’ouverture, constitué du mot de bienvenue du chef du DSEAD, Dr Hamidou Tamboura, d’une brève présentation de son département et d’une appréciation du sujet, et du discours d’ouverture de la directrice de l’INSS, prononcé par son représentant, place a été faite aux travaux. Ils ont consisté essentiellement en deux communications.
La première communication, intitulée « Quand l’eau devient un bien disputé : vers une agroécologie réparatrice face au double péril climatique et sécuritaire au Burkina Faso », a été développée par le doctorant Kayabila Tougri, ingénieur de recherche en socio-anthropologie de l’innovation (un travail co-produit avec Dr Hamidou Tamboura, anthropologue du développement, chef du DSEAD).
Ainsi, dans un premier grand axe, qu’il a formulé « crise hydrique au Burkina Faso », le communicant a relevé un déficit pluviométrique croissant, un épuisement des nappes et des conflits d’usage, une augmentation de la demande en eau.
Dans une deuxième grande partie, qu’il a appelée « conflits, déplacement et rupture d’accès », Kayabila Tougri a confié que, selon les acteurs de la commune de Kaya, la population de la ville a presque doublé. « Sur une population initiale de 100 000 habitants, la ville s’est retrouvée, en 2023, avec 49 000 déplacés internes logés dans deux sites (enquêtes, terrain, 2024). Le sabotage par les terroristes des points et infrastructures hydrauliques dans les zones touchées demeure un problème pour la préservation et l’accès des populations à la ressource. De janvier à mars 2022, le Burkina Faso a enregistré plus de dix attaques ciblées contre les points d’eau des zones impactées (WASH Cluster) dans les régions du Sahel, de la Boucle du Mouhoun et du Centre-nord du pays. Le nombre de personnes impactées dans ces régions est estimé à 70 000 environ. Auparavant, en 2021, on enregistrait cinq attaques ciblant les points d’eau (entre 2021 et 2022). La ville de Djibo au Sahel a été la cible privilégiée des attaques terroristes contre les points d’eau, privant ainsi environ 223 000 personnes d’eau potable (WASH Cluster, 2022) », cartographie le communicant, notant une remise en cause des acquis en matière d’accès à l’eau potable dans les zones touchées (dégradation des infrastructures hydrauliques par le ciblage des points d’eau dans des attaques de sabotage dans plusieurs régions).
« 830 230 personnes privées d’eau en 2022. C’est le double du nombre des bénéficiaires atteints par la réponse humanitaire dans la même période », illustre-t-il.
Dans un troisième grand axe, l’ingénieur de recherche en socio-anthropologie de l’innovation Kayabila Tougri a présenté l’agroécologie comme une pratique qui utilise moins d’eau et est plus résiliente. « L’agroécologie, en tant qu’approche intégrée alliant durabilité environnementale, justice sociale et sécurité alimentaire, offre une solution concrète pour renforcer la résilience des systèmes agricoles tout en s’adaptant aux changements climatiques », résume-t-il, ajoutant que l’agroécologie est un gisement potentiel d’emplois pour les jeunes et les femmes (entreprises de bio-intrants, prestations de service dans les CUMA, unités de transformation,).
Dans une dernière grande partie, le communicant a rappelé que le Burkina a adopté sa feuille de route en 2021, à l’horizon 2030 pour contribuer à l’agenda 2030 des ODD (Objectifs de développement durable).
Kayabila Tougri propose donc la protection des ressources et des milieux (gestion quantitative et qualitative de l’eau, préservation des sols agricoles et de la qualité de l’air,…) ; la préservation de la biodiversité sauvage et domestique ; la limitation des impacts du changement climatique et l’adaptation à ces effets ; la limitation du recours aux engrais et pesticides de synthèse et en employant des méthodes naturelles pour respecter l’équilibre des écosystèmes vivants et limiter la pollution de l’air, de l’eau et du sol ; la promotion d’une production plus économe en énergie et en ressources hydriques et viser à soutenir la biodiversité en favorisant une diversité génétique à travers la multiplicité des variétés cultivées.
La deuxième communication avait pour titre « Situation et cadre de gestion de l’assainissement des eaux usées et des excrétas, dans un contexte de changement climatique au Burkina Faso ». Elle a été déroulée par Soumaïla Cissé, spécialiste en eau et assainissement. Celui-ci a abordé sa communication en notant d’abord les caractéristiques du changement climatique avant de tabler la quintessence de son travail autour du Programme national d’Assainissement des eaux usées et excréta (PN-AEUE).
Ce référentiel vise à assurer un assainissement durable des eaux usées et des excréta ; à éradiquer la défécation à l’air libre dans un contexte de changement de comportement ; à assurer un accès universel et continu des populations aux services d’assainissement conformément à l’approche fondée sur les droits humains ; à optimiser la gestion et la valorisation des eaux usées et des boues de vidange dans une perspective de protection environnementale et sociale ; à développer la recherche dans le domaine de l’assainissement des eaux usées et des excréta en soutien à l’amélioration de l’offre technologique.
M. Cissé a ensuite fait un zoom sur les différents textes législatifs et réglementaires sur l’assainissement (code de l’environnement, code de la santé publique, code de l’hygiène publique, loi d’orientation relative à la gestion de l’eau, décret portant définition des normes, critères et indicateurs d’accès à l’assainissement, décret portant réglementation de l’Assainissement autonome des eaux usées et des excréta, décret sur la police de l’eau).
Selon Soumaïla Cissé, en termes de progrès, on enregistre une baisse de 10 % du taux de défécation depuis 2016 au plan national ; une évolution du taux d’accès à l’assainissement au niveau national de 18,0 % en 2015 à 28,0 % en 2023 ; une prise en compte de toute la chaîne de l’assainissement ; une opérationnalisation de l’approche commune ; une orientation de la vision vers l’assainissement géré en toute sécurité, etc.
Des défis demeurent, au titre desquels la réalisation de l’accès universel à l’assainissement et l’amélioration du cadre de vie des populations ; la prise en compte de la chaîne de valeur de l’assainissement autonome ; la mobilisation des ressources financières et la bonne gouvernance ; le changement social et comportemental ; la situation sécuritaire difficile dans certaines localités.
Ces communications ont été suivies d’échanges, l’autre temps fort de l’atelier.
O.L
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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