Face aux défis d’accès rapide aux soins d’urgence, le Burkina Faso a lancé le Service d’aide médicale urgente (SAMU), un dispositif qui se déploie directement auprès des patients en détresse. Dans cet entretien, le directeur général du SAMU, professeur R. Armel Flavien Kaboré, revient sur les missions et ambitions de la structure officiellement lancée à Ouagadougou en avril 2024.
Lefaso.net : Pour commencer, qu’est-ce que le SAMU ?
Pr R. Armel Flavien Kaboré : Le SAMU, c’est le Service d’aide médicale urgente. C’est un dispositif du ministère de la Santé qui a plusieurs missions, parmi lesquelles la prise en charge de toutes les urgences médicales qui surviennent en dehors des centres de santé.
Qu’est-ce qui a nécessité la création du SAMU ?
Il faut dire que le ministère de la Santé a jugé nécessaire de créer le SAMU parce que c’est un dispositif qui était absent dans notre système de santé, ce qui faisait que la prise en charge des problèmes de santé de nos populations ne pouvait se faire que lorsque le patient se trouve dans un service de santé. Vous savez que, quand vous présentez un problème de santé urgent, le délai de prise en charge est un élément extrêmement important dans le pronostic. Or, avant la création du SAMU, il fallait que vous puissiez arriver dans un centre de santé avant de pouvoir bénéficier des soins, ce qui créait déjà un retard dans la prise en charge. Deuxièmement, vous pouvez vous tromper dans l’orientation vers le service de santé, ou bien vous pouvez arriver dans un service de santé où il n’y a pas de place, où le service n’est pas préparé à vous recevoir. Tout cela va concourir à un retard dans la prise en charge.
Avec le SAMU, nous nous déplaçons vers la victime, nous commençons les soins sur les lieux pendant le transfert vers l’hôpital et nous nous assurons de trouver de la place dans un centre de santé qui pourra poursuivre la prise en charge du patient sans interruption. Cela permet de raccourcir le délai de prise en charge et d’améliorer le pronostic des malades, ce qui va beaucoup soulager nos populations.
Quelles sont ses missions principales ?
Le SAMU a, à sa création, neuf missions, mais la mission principale, c’est d’abord la prise en charge de toutes les urgences de santé qui surviennent en dehors d’un centre de santé. La deuxième mission est l’écoute médicale permanente et la régulation médicale. Notre centre de réception des appels est joignable à partir d’un numéro gratuit, qui est le 15. Au bout du fil, quand vous appelez le 15, vous allez tomber sur un agent de santé qui va recevoir votre appel et qui va le traiter. Et en fonction de la nature de la sollicitation, il y a la réponse adaptée qui va être déclenchée. Donc ça, c’est la deuxième mission.
La troisième mission, ce sont les transports sanitaires. Cela veut dire qu’en plus de soigner les patients hors des structures de santé, nous assurons tous les transports de santé des patients, soit du domicile ou du lieu public, en tout cas du lieu de la sollicitation vers un centre de santé, ou aussi d’un centre de santé vers un autre, au sein de la même ville ou d’une ville à une autre. Et puis la quatrième mission principale, c’est la couverture sanitaire des grands rassemblements de foules. Cela veut dire que lorsqu’il y a une manifestation qui doit nécessiter un rassemblement de plusieurs personnes, le SAMU a la possibilité de mettre en place un dispositif qui va s’occuper des problèmes de santé qui adviendraient au cours de cette manifestation. Nous avons d’autres missions que nous partageons avec les autres structures de santé du Burkina, notamment la gestion des situations de catastrophes, la rédaction des plans de secours, l’éducation, la communication de la population dans le domaine de la santé, la formation en médecine d’urgence et aussi la recherche en santé.
Vous êtes présent au Burkina Faso dans combien de localités et opérationnel dans quelles zones ?
Pour le moment, nous sommes présents à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso. Nous sommes pleinement opérationnels à Ouagadougou, officiellement depuis le 10 avril passé. Mais nous avons commencé nos activités bien avant, et c’est officiellement le 10 avril que nous avons lancé nos activités. Et à Bobo-Dioulasso, depuis trois semaines, nous avons commencé les activités de transport sanitaire des patients d’une structure de santé vers une autre structure de santé. Et dans les semaines à venir, l’antenne de Bobo sera pleinement opérationnelle et pourra aussi assurer les soins d’urgence à travers la ville de Bobo-Dioulasso. Donc, pour le moment, nous sommes présents à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso. Mais il est prévu qu’à terme, nous soyons présents dans les 13 régions du Burkina Faso pour couvrir l’ensemble du territoire national.
Quels sont les défis auxquels vous êtes confrontés dans l’exercice de votre travail ?
Le défi, c’est l’opérationnalisation des antennes dans toutes les régions du Burkina. Donc cela va nécessiter beaucoup de moyens, aussi bien financiers qu’humains. C’est un grand défi. Et pour cela, nous avons eu la certitude des autorités sanitaires que l’accompagnement sera fait. Au niveau de la ville de Ouagadougou où nous avons déjà commencé nos activités, le principal défi, c’est vraiment l’accessibilité géographique au niveau de certains quartiers de la ville. Du fait de l’urbanisation, j’allais dire anarchique dans certaines zones, nous avons du mal à accéder à certaines localités.
Le deuxième défi, c’est la fluidité au niveau de la circulation de la ville. À certaines heures, on a une densification au niveau du trafic qui fait que nos ambulances ont du mal à circuler et donc cela retarde nos interventions. Pour cela, nous avons quand même mis en place des dispositifs pour raccourcir nos délais d’intervention. Nous avons prépositionné des ambulances dans certaines zones de la ville de Ouagadougou pour essayer de couvrir toute la ville de Ouaga. Notamment, nous avons prépositionné des ambulances à l’hôpital Paul VI, à l’hôpital de Bogodogo, à l’hôpital de Tengandogo, à l’hôpital de Boulmiougou et aussi au niveau des sièges. Ce qui nous permet donc d’avoir un maillage de la ville de Ouagadougou pour raccourcir les délais d’intervention.
Dans quelles situations joindre le SAMU ?
Vous pouvez joindre le SAMU à travers le 15 chaque fois que vous êtes en face d’une situation qui nécessite des soins urgents. Que ce soit un accident grave de la circulation, que ce soit un malaise sur le lieu public, à domicile, sur le lieu de travail, n’hésitez pas à appeler le 15. Cela permettra de commencer très vite les soins et de sauver cette personne qui est en détresse.
Vous avez officiellement lancé vos activités le 10 avril. Sentez-vous une adhésion de ce concept au sein de la population ?
Il faut dire qu’effectivement, depuis le 10 avril, on a connu un regain au niveau des sollicitations. Mais cela reste en deçà au regard de ce que nous constatons, parce qu’on se rend compte qu’il y a toujours des patients qui sont transportés vers les services d’urgence dans des véhicules particuliers, sans soins. Alors qu’il aurait fallu juste appeler le SAMU et on allait se déporter pour commencer à soigner la personne et la transporter de manière beaucoup plus sécurisée vers la structure de santé. Vu que ces soins d’urgence sont gratuits, nous incitons donc la population à recourir au SAMU chaque fois qu’elle est confrontée à une situation de détresse. Nous sommes toujours dans la phase de communication, de sensibilisation pour mieux faire connaître notre structure afin que les populations puissent en bénéficier.
Un appel à la population ?
J’exhorte la population à ne pas hésiter à nous appeler. Chaque fois qu’il y a une situation d’urgence qui se pose, on souhaite que la population n’hésite pas à appeler. Le numéro est gratuit, les soins sont gratuits, donc il ne faut vraiment pas que les gens hésitent à nous appeler. Deuxièmement, on souhaite que les appels sur le 15 soient réservés uniquement à des appels d’urgence. Parce que nous constatons beaucoup d’appels inappropriés, que nous qualifions de malveillants, ce qui fait qu’ils encombrent la ligne et empêchent d’autres personnes d’avoir accès à nos ressources, à nos services, alors que ces personnes sont vraiment dans une situation de détresse vitale. Donc, lorsque les gens doivent appeler le 15, il faut vraiment que ce soit fait dans le cadre de la sollicitation pour des soins d’urgence.
Hanifa Koussoubé
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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