De Samorogoan à Markoye, que de larmes. Que de vies, souvent si jeunes fauchées. Au lendemain de chaque attaque terroriste les condamnations fusent, les appels à la vigilance sont renouvelés, mais le comportement de chaque jour donne l’impression que l’on oublie le sang coulé la veille, on baisse la garde en attendant la prochaine. Pourtant, les tentacules du terrorisme semblent s’étendre progressivement.
Au moins sept attaques terroristes ont frappé le Burkina Faso, depuis que le pays ne semble plus jouir de ‘’l’immunité terroriste » entretenue jadis par certains dirigeants qui ne sont plus aux affaires. Les connections et complicités malsaines, mais qui étaient les boucliers se sont fissurées.
La série noire a commencé par une attaque, suivie d’un enlèvement. Le 4 avril 2015, une équipe de patrouille de la mine de Tambao est victime d’accrochage. Des blessés et un travailleur expatrié de la mine est pris en otage. Porté disparu jusque-là. Fin juin 2015, c’est le poste de douanes de Déou (frontalier avec le Niger et le Mali) qui était la cible d’assaillants toujours pas identifiés.
Le 24 août 2015 aux environs de 22 heures, la brigade de gendarmerie de Oursi est attaquée. Le gendarme grièvement blessé succombera à ses blessures plus tard.
A Samorogoan, à 45 kms de Orodara, la brigade de gendarmerie est prise pour cible au petit matin du 9 octobre 2015. Trois pandores tués.
Le 15 janvier 2016 est particulièrement inoubliable, c’est l’acharnement contre le pays des hommes intègres. D’abord le Dr Kent Elliott et sa femme sont enlevés à Djibo, à l’extrême nord. Jusqu’à présent, le vieux bienfaiteur Elliot est toujours dans les mains de ses ravisseurs.
Ensuite un gendarme et un civil sont tués à Tin Akoff (40 kms de Gorom Gorom). Alors que le pays retenait son souffle, le pire était à venir. Ouagadougou dans la soirée, fait malheureusement l’actualité. L’attaque la plus barbare est orchestrée par des terroristes sur l’avenue Kwamé Nkrumah. 30 vies arrachées, de façon brutale, révoltante.
Après cet épisode, le 17 mai le poste de police de Koutougou (135 Km de Djibo) était dans la tourmente. Des policiers blessés, des engins incendiés.
Dans la nuit du 31 mai au 1er juin, trois policiers tués à Intangom, dans le Sahel (près de la frontière malienne), suite également à l’attaque d’un commissariat.
La dernière attaque subie par le Burkina, c’est celle du poste douanier de Markoye dans la province de l’Oudalan, dans la nuit du 1er au 2 septembre 2016. Deux morts (un douanier et un civil).
Une cible facile ?
Il n’y a pas de pays qui soit à l’abri de l’hydre terroriste. Les plus nantis, Etats Unis, France, Belgique sont là pour le témoigner. Malgré la puissance de leur renseignement, les moyens dont disposent leurs forces de défense et de sécurité, ils sont régulièrement en proie aux attaques terroristes. C’est connu, il est difficile de combattre un ennemi qui n’a rien à perdre, qui n’a que faire de sa vie, l’objectif étant de faire le maximum de victimes avant de crever.
Mais, la nature des attaques perpétrées au Burkina laisse croire qu’il y a un ‘’vide quelque part » et l’ennemi en profite comme et quand il veut pour frapper et se replier sans être inquiété. La machine du renseignement burkinabè est-elle bien rodée ?
L’Agence nationale de renseignement (ANR) a été créée sous la transition. Cette organisation a pour mission de recueillir, exploiter des informations d’intérêts vitaux pour la sécurité du président du Burkina Faso, du gouvernement et des populations.
Son rôle est également de coordonner les activités des structures chargées des renseignements intérieurs et extérieurs et de la lutte contre le terrorisme. Elle est aussi chargée de développer la coopération en matière de renseignements contre le terrorisme avec les pays partenaires.
Est-elle vraiment opérationnelle, cette agence ? Loin de nous l’idée de demander qu’elle sorte régulièrement faire du bruit autour de ses activités. Mais s’enfermer dans sa tour d’ivoire, n’est pas non plus une stratégie payante à tous les coups. Ailleurs, les autorités font régulièrement le point et évaluent la menace. Aussi régulièrement, les populations sont informées sur le nombre d’attaques que les services compétentes ont réussi à déjouer. Ce sont des comportements qui rassurent, qu’il y a bel et bien un capitaine dans le bateau. Cela a également l’avantage d’encourager les ‘’civils » à collaborer avec les forces de l’ordre et de défense.
Mais au Burkina, c’est le silence radio complet. Au lendemain de chaque attaque, ce sont des déclarations d’intention. Une fois les larmes séchées, on oublie et on passe à autre chose en attendant la prochaine gifle.
On a baissé la garde
Ceux qui comme les hommes de medias qui voyagent fréquemment à l’intérieur du pays, ont certainement pu constater le relâchement au niveau des contrôles ces derniers temps. Des centaines de kilomètre parcourus sur certains axes, sans aucun contrôle, ou quand ils ont lieu, c’est à la légère.
Fatigue, négligence ? se demande-t-on en voyant nos policiers et gendarmes à la tâche. Des passagers continuent de voyager sans pièces d’identité, dans un contexte sécuritaire ou rien ne doit être négligé. Quand on fait descendre les ‘’sans papiers », ils disparaissent dans la broussaille ou la pénombre avec les agents avant de revenir continuer le trajet, laissant court à toutes les supputations.
Aux lendemains des attaques de Ouagadougou, le ministre de l’administration territoriale, de la décentralisation et de la sécurité intérieure avait rencontré les hôteliers, promoteurs, propriétaires et gérants de restaurants. Invite leur avait été faite d’observer la règlementation en matière de sécurité. Quand un client entre dans un hôtel, il doit remplir une fiche, on doit photocopier la première page de son passeport et sa photo et les éléments qui permettent de l’identifier correctement. Des renseignements qui seront transmis le même jour à la police pour exploitation. Simon Compaoré avait promis un contrôle rigoureux et ceux qui ne respecteraient les instructions seront interpellés et soumis à des sanctions.
Peine perdue. A l’intérieur du pays, ce qui intéresse certains tenanciers d’hôtels, c’est d’encaisser la paie.
Donner l’impression que les choses bougent
Ce sont des Burkinabè qu’on tue, souvent dans l’exercice de leurs fonctions. Et chaque vie tombée doit être perçue comme un échec des autorités dont la mission est de protéger l’ensemble de Burkinabè et de ceux qui vivent sur le sol national. On ne leur en tiendra pas souvent pas rigueur, vue la délicatesse de la mission. Mais, elles doivent donner l’impression qu’elles font le maximum pour préserver des vies.
Ceci doit commencer par l’équipement des forces de défense et de sécurité. Comment ne pas avoir le cœur meurtri quand on voit nos policiers et gendarmes avec des Kalachnikovs attachés par endroit avec du caoutchouc ou maintenus par du scotch.
C’est bien de demander que les populations collaborent, mais il faut aussi communiquer pour rassurer que quelque chose est fait et que grâce aux bribes de renseignements glanés, des situations fâcheuses ont pu être évitées.
Il faut agir et éviter les atermoiements parce que la menace est se fait plus grande. Le 2 septembre dernier au Mali, la ville de Boni, au centre même du pays dans la région de Mopti, a été prise momentanément par les terroristes. Ce n’est pas loin de chez nous. Suite à cela, le président Malien a demi le ministre de la défense de ses fonctions.
Il faut donc se réveiller à tous les niveaux et arrêter ces missions interminables à l’intérieur du pays pour rencontrer et encourager les forces de défenses et de sécurité. Ce dont il leur faut, c’est de quoi se protéger et protéger les citoyens, au-delà des bamboulas.
Les bonnes intentions, à force d’être affichées après chaque attaque terroriste, finissent pas irriter et n’ont plus aucun brin de sincérité.
Tiga Cheick Sawadogo (tigacheick@hotmail.fr)
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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