Abdoul Rahim Simporé représente l’ingéniosité de la jeunesse burkinabè. Entre le grand marché de Rood Woko où il aide son père commerçant et ses activités de vendeur ambulant le soir, il a découvert par curiosité l’intelligence artificielle. Sans professeur ni moyens, il s’est formé seul, développant pas à pas, KUNAFONI, un savoir qu’il veut aujourd’hui mettre au service du Burkina Faso. Lisez plutôt !
Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Je m’appelle Abdoul Rahim Simporé, j’ai 18 ans. Mon histoire est celle de milliers de jeunes burkinabè. Elle commence au marché de Rood Woko, là où on se bat chaque jour pour s’en sortir. Après mon BEPC, j’ai mis mes études en pause pour aider mon père dans son commerce. Le soir, je devenais vendeur ambulant pour joindre les deux bouts. C’est dans cette vie entre le marché et la rue que ma curiosité m’a fait découvrir l’intelligence artificielle. Sans professeur et sans moyens, j’ai appris seul en créant mes propres guides d’apprentissage avec l’IA.
Concrètement, comment l’IA vous a-t-elle aidé ?
L’IA a été mon formateur et m’a permis d’apprendre le langage des prompts, c’est-à-dire donner des instructions précises. Grâce à cela, j’ai pu développer l’idée qui me tenait à cœur qui est le projet KUNAFONI. Dans le projet, l’IA jouera aussi le rôle d’arbitre intelligent, en observant les habitudes des acteurs. Est-ce que l’agriculteur livre bien ? Est-ce que l’acheteur paie à temps ? Elle calculera un score de confiance juste et aidera à optimiser la logistique pour éviter les pertes.
C’est quoi exactement KUNAFONI ?
KUNAFONI est une solution digitale qui sécurise, trace et rend profitables les transactions entre agriculteurs et acheteurs. L’agriculteur certifie sa récolte via un agent, un code est généré et mis sur les sacs. Le transporteur scanne, puis l’acheteur aussi à l’arrivée et toute la chaîne est transparente. Cela donne de la confiance et de la valeur aux produits agricoles.
Quel problème majeur ce projet cherche-t-il à résoudre ?
La méfiance. Elle paralyse nos filières agricoles et appauvrit nos producteurs. KUNAFONI vient casser cette méfiance et créer un marché national où nos paysans peuvent vendre sans crainte, en augmentant leurs revenus de 20 à 30%.
Pourquoi avoir choisi la filière tomate et la région du Centre-nord ?
Le projet est national dans sa vision, mais il doit commencer par une phase pilote. Et c’est dans la phase pilote que j’ai choisi cette filière parce qu’elle est critique et périssable. Chaque année, des tonnes de tomates se perdent après la récolte. Nous avons choisi ce produit pour montrer que KUNAFONI peut réduire ces pertes et maximiser les revenus.
Vous dites que ce projet est prêt à fonctionner. Où en êtes-vous concrètement ?
Imaginez la construction d’une maison ; nous avons déjà les plans détaillés et une maquette qui fonctionne. Ce n’est plus un rêve sur papier. Maintenant, nous demandons à l’État son appui pour construire la vraie maison solide et utile pour tout le pays.
Pourquoi offrir un tel projet à la nation au lieu d’en faire un business personnel ?
Mon raisonnement est simple et vient du cœur. Si un outil aussi important appartient à une entreprise privée, elle cherchera le profit. Mais s’il appartient à l’État, il cherchera l’impact. En offrant KUNAFONI à la nation, il peut devenir un service public comme une route ou un pont. Ma plus grande fierté ne serait pas de posséder KUNAFONI, mais d’imaginer des milliers de Burkinabè l’utiliser pour améliorer leur vie et nourrir le pays.
Avez-vous tenté de contacter les autorités ?
Oui, j’ai envoyé des messages aux ministères en charge de l’agriculture, de l’industrie et d’autres. Mais je comprends qu’ils reçoivent des centaines de demandes chaque jour. Mon appel à Lefaso.net est une autre porte que je frappe, une porte citoyenne, pour que ma voix ne se perde pas.
Quels seront les indicateurs de succès du projet ?
Les indicateurs de succès seront le nombre d’agriculteurs partenaires, le nombre de contrats avec des entreprises, des restaurants et même avec les commerçantes des marchés locaux. L’idée, c’est de faciliter la vie de tous ceux qui dépendent de l’agriculture.
Un dernier mot ?
Je souhaite que l’État s’approprie ce projet et le développe pour le grand public. KUNAFONI est une arme de souveraineté économique. Mon geste est celui d’un citoyen pour sa nation.
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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