La coalition de veille sur les activités biotechnologiques au Burkina Faso (CVAB) a tenu une conférence de presse pour dénoncer la lâcher de moustiques mâles biaisés génétiquement modifiés dans le village de Souroukoudingan dans la province du Houet, région du Guiriko (ex région des Hauts Bassins). C’était ce jeudi 21 août 2025, à Ouagadougou.
Cette conférence de presse fait suite à l’annonce de lâcher de soixante-quinze mille moustiques le 11 août dernier par l’Institut de recherche en science de la santé (IRSS). Ce lâcher, selon l’Agence nationale de biosécurité (ANB) a été autorisé par décision en date du 24 juillet 2025 sur la base d’un rapport d’évaluation du Comité scientifique national de biosécurité (CSNB) et d’une consultation large et inclusive des villages de Souroukoudingan et des villages environnants.
La CVAB souhaite la suspension de l’autorisation du lâcher et l’élargissement du dialogue social. En effet, elle invite à un débat public autour de cette question. La coalition de veille sur les activités biotechnologiques au Burkina Faso reconnaît que le paludisme continue de tuer chaque année au Burkina Faso et qu’il faut trouver des solutions. Cependant, elle s’oppose au projet Target malaria.
« Le problème, c’est la solution que propose le projet Target malaria qui consiste en l’élimination du vecteur par des moustiques à impulsion génétique mis au point par la technologie du forçage génétique. Nous précisons que les œufs des moustiques génétiquement modifiés, qui seront génétiquement forcés par la suite, sont importés de l’Imperial college of London et d’Italie. Cette technologie est très controversée et pose des problèmes éthiques. Au lieu d’envisager des solutions aux risques imprévisibles, nous disons qu’il faut plutôt privilégier les alternatives sûres », a souligné Ali Tapsoba, membre de la coalition
Et d’ajouter « le forçage génétique est capable d’exterminer toute une espèce. Les scientifiques du monde entier appellent à la plus grande prudence et soulignent que cette technologie n’est pas encore prête à être utilisée sur le terrain, en raison de son haut degré d’incertitude et d’imprévisibilité. Plus précisément, les impacts des organismes résultant du forçage génétique sur la santé et les écosystèmes sont inconnus et potentiellement irréversibles ».
La coalition appelle les intellectuels et les experts du domaine à sortir de leur silence pour se prononcer sur la question. Car, selon elle, c’est la vie des Burkinabè qui est en jeu. « Le protocole expérimental du projet est très complexe et cette complexité n’est pas justifiée. Le projet comprend trois phases qui portent sur 3 souches de moustiques génétiquement modifiés. Les objectifs des deux premières phases ne sont pas clairs. Seule la 3ème phase concerne la lutte contre le paludisme et elle concerne le forçage génétique. À quoi servent réellement les deux premières phrases ? » s’interroge la coalition.
Pour les conférenciers, le projet pose un problème d’éthique. Car, nul n’a le droit de supprimer une espèce. « Le projet pose un problème éthique. En effet, l’homme n’est qu’une espèce parmi tant d’autres. Même s’il est l’espèce la plus évoluée, de quel droit peut-il décider de supprimer une autre espèce ? Les moustiques, malgré leur dangerosité, rendent des services écologiques et ça, il ne faut pas l’oublier. Il y a un risque d’auto destruction de la race humaine avec de telles prétentions », pense la CVAB.
Pour elle, d’autres alternatives existent pour lutter efficacement contre le paludisme. Elle a cité l’exemple de plusieurs pays qui ont pu éradiquer le paludisme de leur territoire sans chercher à faire disparaître une espèce de moustiques notamment l’Égypte, la Chine, l’Argentine et le Brésil.
Les conférenciers estiment que le paludisme est un problème d’insalubrité. Pour ce faire, ils préconisent l’assainissement du cadre de vie pour refouler les moustiques dans leur habitat naturel, l’utilisation de l’artemisia sans oublier l’introduction et la poursuite des recherches sur le vaccin R21/Matrix-M développé par les chercheurs à Nanoro.
Rama Diallo
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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