La question du rationnement des institutions nationales et de la ressource humaine n’a de cesse d’animer la vie publique sous tous les pouvoirs. Pour un besoin d’efficacité et une gestion optimale des ressources financières, la nécessité d’un bon dosage. En tous les cas, la rationalisation est l’une des aspirations populaires restées jusque-là dans le jeu des hésitations des pouvoirs. C’est désormais chose faite avec l’adoption, le 4 septembre 2025 par le gouvernement, du décret portant conditions générales d’affectation et de séjour, ainsi que les modalités de rémunération et les avantages applicables au personnel des missions diplomatiques et postes consulaires du Burkina Faso. Cet acte vient consacrer l’une des promesses du président du Faso de travailler à réduire le poids budgétaire des ambassades, à travers notamment une rationalisation du personnel.

En affichant devant les forces vives de la nation, le 11 juillet 2024 à Ouagadougou, sa volonté de rationalisation des représentations diplomatiques du Burkina, le président du Faso, Ibrahim Traoré, venait de répondre à l’attente de nombreux citoyens burkinabè, précisément en ce qui concerne la gouvernance institutionnelle.

« J’ai déjà donné instruction de diminuer le budget du ministère des Affaires étrangères. On va diminuer le personnel dans les ambassades, parce que c’est trop. Nous avons des ambassades qui ont 40, 50 personnes, qui sont payées avec des taux qui tiennent compte du fait qu’elles sont à l’extérieur, et ça consomme beaucoup. (…). Le budget a augmenté ces dix dernières années ; à partir de 2015, le nombre a augmenté d’un coup. Je leur disais que nous allons revenir au budget de 2014, au besoin, avec une légère hausse pour pouvoir assurer un minimum », a justifié le président du Faso, signifiant que de nombreuses personnes dans ces chancelleries sont en train d’être rappelées pour une réorganisation et « pour voir qui a droit à partir et qui n’a pas droit à partir ».

Cette analyse du président Ibrahim Traoré rappelait celle du diplomate et ancien ambassadeur du Burkina en Russie, Mélégué Traoré, tirée d’une interview qu’il a accordée en janvier 2020 sur la vie diplomatique du Burkina, de 1960 à ce jour. Dans cette sortie, le spécialiste en questions de diplomatie n’a esquissé aucune question sur le sujet, y compris celles relatives aux implications financières des missions diplomatiques et postes consulaires du Burkina.

« La gestion des ambassades coûte toujours cher. C’est comme les postes consulaires. Les missions diplomatiques ou postes consulaires coûtent toujours cher, ce sont les services extérieurs du ministère des Affaires étrangères. De là découle qu’il faut rationaliser leur ouverture et leur gestion. N’importe quel diplomate qu’on affecte à l’extérieur coûte cher à l’État. Même quand on affecte un chauffeur ou un agent de catégorie D, son affectation coûte plus chère que ce que les gens pensent. D’abord, il a une indemnité d’équipement avant de partir, afin qu’il se prépare. Arrivé en poste, il reçoit une autre indemnité pour s’installer. L’État loue un appartement pour lui, sans compter son salaire qui est corrigé par un mécanisme qu’on appelle le coefficient de correction, qui varie en fonction des zones. En plus, la scolarité des enfants de l’agent affecté, et les frais de santé de sa famille sont pris en charge. C’est lourd comme dépenses. Mais c’est le prix à payer également pour avoir des ambassades et des consulats qui fonctionnent bien, afin de remplir les fonctions qui leur sont assignées. D’ailleurs, généralement les salaires des attachés militaires ou de douanes sont de loin plus élevés que ceux des diplomates de carrière ; parfois même, ils dépassent le traitement de l’ambassadeur, ce qui crée des frustrations et d’autres problèmes dans les missions diplomatiques », a relevé le diplomate dans cette interview, relevant cependant que « ce qu’elles rapportent dépasse de très loin leur coût » (il se référait, à l’époque, aux différentes aides extérieures).

Une année après avoir donc décliné cette vision de rationalisation, c’est chose faite avec l’adoption de ce décret portant conditions générales d’affectation et de séjour, ainsi que les modalités de rémunération et les avantages applicables au personnel des missions diplomatiques et postes consulaires du Burkina Faso. « Ce décret fixe une nouvelle grille indiciaire pour tous les agents qui sont affectés en ambassade, limite les prises en charge des titres de voyage et de l’assurance aux seuls agents affectés en ambassade, supprime la prise en charge des frais de scolarité », a rapporté le patron de la diplomatie burkinabè, Karamoko Jean Marie Traoré, ajoutant que cette mesure vise la rationalisation des dépenses de l’État, en vue d’accélérer le processus de relance économique du pays.

Au lendemain de l’adoption du décret, un Burkinabè résidant dans une juridiction diplomatique, qui avait à l’annonce en juillet 2024 émis le souhait de voir certaines ambassades du Burkina changer de visage, s’est livré à un commentaire sur le sujet. « Le président du Faso a vu juste. Ça ne va pas plaire à certains du milieu, mais il le faut. Il faut que les gens comprennent que les choses ont changé. Quand vous arrivez à l’ambassade en jours ordinaires, vous avez l’impression qu’il n’y a personne, parce que les gens ne sont jamais là. Mais quand on dit qu’il y a une autorité (le président du Faso, le Premier ministre…) qui vient du pays et qu’elle doit rencontrer le personnel de l’ambassade, vous vous demandez où étaient tous ces gens-là. (…). Et quand on annonce une autorité, ils s’accaparent les quotas, octroient quelques places à nous autres et prennent le devant pour nous empêcher d’exprimer directement nos difficultés aux plus hautes autorités. (…). Avec cette décision du chef de l’État, on a espoir que les choses bougent dans le bon sens. Sinon, actuellement, beaucoup viennent en ambassade en réalité pour des raisons personnelles plus que pour représenter réellement les intérêts du pays. Il ne suffit pas d’arborer le Faso Danfani pour donner l’impression qu’on défend la cause du pays, non ! Et ce n’est pas ici seulement, vous pouvez vous renseigner auprès des compatriotes dans plusieurs autres pays, ils vous diront que nombreuses de nos ambassades ne s’appliquent pas, à l’exception de quelques-unes. Le président a vu juste, qu’il secoue pour que chacun comprenne que le contribuable burkinabè ne le paie pas chèrement pour qu’il soit à l’ambassade pour autre chose », a en substance exprimé l’interlocuteur, laissant voir désormais une trajectoire optimale dans la gestion des missions diplomatiques et postes consulaires du Burkina.

O.L

Lefaso.net

Source: LeFaso.net