Portée sur les fonts baptismaux en 2011 par feue Justine Yara, l’association SOS hépatites Burkina a fait de la lutte contre les hépatites virales son cheval de bataille. Entre sensibilisation, dépistage, vaccination et prise en charge des personnes infectées et affectées, l’association met tout en œuvre pour être au rendez-vous de l’objectif zéro hépatite virale d’ici l’année 2030. Les défis sont nombreux entre rareté des ressources pour la conduite des activités de sensibilisation et de dépistage, réticence des populations à se faire dépister, stigmatisation des malades et coût élevé des examens pour la prise en charge des personnes infectées. Dans l’interview qu’elle nous a accordée, la présidente de l’association, Claire Hortense Sanon revient sur le combat mené par SOS hépatite depuis 14 ans maintenant.

Lefaso.net : Quels sont les objectifs poursuivis et les activités menées par l’association SOS hépatites Burkina ?

Claire Hortense Sanou : l’objectif global de l’association c’est l’élimination des hépatites au Burkina Faso. Et pour ce faire, nous œuvrons à la sensibilisation, au dépistage et à la vaccination des populations à des prix sociaux lorsque nous ne recevons pas les intrants des partenaires. Nous accompagnons également les personnes infectées à travers le suivi médical, car nous avons un médecin membre de l’association qui prend en charge les personnes positives après le test.

Cela leur permet, en interne, de se faire suivre et d’être informées sur l’évolution de leur état de santé. Nous faisons aussi le conseil psycho-social pour accompagner les patients en difficulté. Notre objectif est de couvrir l’ensemble du territoire national mais cela n’est pas aisé, du fait de la rareté des financements et des partenariats. De par le passé, nous avons eu des partenariats à Bobo-Dioulasso, Koudougou, Ziniaré où nous avons agi. Nous sommes basés à Ouagadougou et nous agissons en stratégie avancée en allant dans les églises, les mosquées, les marchés, les écoles, partout où il y a regroupement d’hommes pour sensibiliser et dépister. Et lorsqu’un service en fait la demande, nous dépistons et vaccinons les personnels.

Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez dans cette lutte pour l’élimination des hépatites ?

Les difficultés sont principalement d’ordre humain et financier. Sans financement, il est difficile de faire un travail continu à envergure national et même de la ville. Nous nous rabattons souvent sur les cotisations des membres pour pouvoir mener certaines activités. Sur le plan humain, nous faisons face au fait que les personnes dépistées positives ne veulent pas s’afficher et nous ne les retrouvons plus très souvent. Nous essayons de les contacter mais certaines choisissent de disparaître. Il y a aussi les personnes qui ne prennent pas toutes les doses du vaccin, elles commencent mais ne terminent pas. C’est une de nos difficultés majeures. Les personnes qui ne terminent pas les trois doses du vaccin, c’est comme si elles n’avaient rien fait pour se protéger.

La stigmatisation des personnes infectées est-elle une réalité à laquelle vous faites souvent face ?

La stigmatisation est une réalité. Par exemple, une infirmière avec laquelle nous collaborons, a confié avoir été mise à l’écart dans son lieu de service parce qu’elle a révélé son statut. Et à cause de cette stigmatisation, beaucoup de personnes infectées ont peur de révéler leur statut. Moi particulièrement, je porte l’hépatite B depuis 1998 et c’est là l’objet de mon combat. Mon objectif est que plus personne ne soit infectée par cette maladie. Et lorsqu’au cours de nos dépistages on détecte des cas positifs, cela m’attriste beaucoup, surtout quand il s’agit d’enfants.

Certaines personnes infectées déplorent le coût élevé des examens qui rend difficile le suivi médical, qu’en est-il réellement ?

Tous les examens demandés pour le suivi sont à la charge du patient. Et le coût n’est pas donné à tout le monde. A cause de cela, certains patients fuient et abandonnent leur suivi médical après le premier contact. Pour l’hépatite B par exemple, charge virale, échographie, fibroscan et autres sont des examens capitaux qui permettent de mieux savoir l’état du patient mais chers. Cela constitue un obstacle majeur pour la prise en charge de nombreuses personnes. Notre plaidoyer est que l’état prenne la décision de rendre les examens gratuits et accessibles pour les personnes infectées par les hépatites, surtout que le suivi est périodique. Ainsi d’ici 2030 nous pourrons éradiquer les hépatites. Cela est possible, il suffit d’une volonté politique forte.

Quelles sont les perspectives de l’association pour en venir à bout des hépatites ?

Nous avons en projet de nouer des partenariats afin d’étendre encore plus la sensibilisation et la prévention, parce que ce sont des millions de personnes qui sont dans les villes et campagnes, qui vivent avec les hépatites B et C et qui ne le savent pas. Et comme c’est contagieux, cela rend la situation plus délicate, il faut vite agir. Et en tant que membre de l’alliance mondiale contre l’hépatite basée en Suisse, nous avons l’ambition d’amener les firmes pharmaceutiques à agir pleinement pour l’élimination effective des hépatites virales d’ici 2030. Nous voulons également mettre sur pied un centre où les personnes infectées pourront faire tous les examens requis pour le bilan sans avoir à aller dans d’autres centres de santé.

Un message à l’endroit des populations et des autorités en charge de la santé ?

Aux populations je dirai qu’il est très urgent qu’elles sortent pour se faire dépister. Il faut se faire dépister pour savoir si vous avez ou pas la maladie qu’il s’agisse de l’hépatite B ou C et si vous l’avez-vous serez pris en charge. Il ne faut pas avoir peur car la mise sous traitement n’est pas automatique et ce n’est pas tout de suite que vous allez mourir. Moi j’ai l’hépatite B depuis 1998 et je vis, je ne prends pas encore de médicaments car mon état ne le nécessite pas selon les résultats des examens. J’invite les personnes sous traitement à suivre méticuleusement le traitement et les prescriptions du médecin. A l’Etat et au ministère de la Santé, je les invite à faire des hépatites virales une priorité, en rendant accessibles le diagnostic et le traitement et la prise en charge complète pour tous les malades.

Sur le terrain, ceux qui sont testés positifs sont en détresse totale. L’hépatite est en train de monter en flèche et les spécialistes ont montré les courbes. Il faut agir maintenant, sans tarder. Nous saluons déjà la gratuité du traitement de l’hépatite C et l’introduction du vaccin contre l’hépatite B à la naissance. Nous nous réjouissons de la célébration de la journée mondiale contre l’hépatite. Et le thème « faisons tomber les barrières » est toujours d’actualité. Les barrières, ce sont la discrimination, la stigmatisation, le coût du diagnostic et du traitement, les inégalités entre porteurs de différents virus, etc.

Propos recueillis par Armelle Ouédraogo

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Source: LeFaso.net