Lauréate du Brave Award 2025, Charik Nadiyah Bancé incarne une nouvelle génération de militantes féministes au Burkina Faso. Ingénieure de formation et actuellement en master de gestion de projets de développement, elle est présidente de l’association « Pour Nous », créée en 2022. À travers des initiatives comme le forum Take the Lead ou le laboratoire de résistance aux discours anti-droits, elle milite pour que chaque jeune fille gagne confiance en elle, découvre son potentiel et affirme sa place dans la société, grâce à des actions de sensibilisation, de formation et de plaidoyer.
À première vue, Charik Nadiyah Bancé dégage une apparence discrète, presque timide. Mais derrière ce tempérament réservé se cache une militante déterminée, convaincue que l’avenir de sa génération et surtout celui des jeunes filles se joue dans la capacité à briser le silence, à nommer les violences et à créer des espaces de résistance. « Quand tu es toi-même à un moment donné confronté à des situations qui entravent tes droits, forcément, ça te permet de te questionner sur ces problématiques et aussi de t’engager », fait savoir la jeune fille. Présidente de l’association « Pour Nous » et féministe assumée, elle fait partie de celles qui travaillent à inscrire l’égalité au cœur de la société burkinabè. Pourtant, Charik Nadiyah Bancé a un profil de génie électrique et énergétique et elle a un master en énergies renouvelables et recherche. Actuellement, elle prépare un master en gestion de projets de développement, une manière pour elle d’articuler ses compétences techniques avec sa passion pour le travail social.
Un engagement féministe
L’engagement de Charik Nadiyah Bancé débute véritablement au lycée, mais il prend toute son ampleur à l’université, dans un contexte où les violences sexuelles et sexistes s’exposent au grand jour. Elle rejoint alors des mouvements féministes existants, avant de ressentir le besoin de créer un cadre propre, façonné selon sa vision et celle de ses pairs. L’association « Pour Nous » rêve d’un monde où chaque fille peut s’affirmer, se construire et agir. « Notre mission principale est de promouvoir et de défendre les droits des femmes et des filles », explique-t-elle.
Mais au-delà des slogans, la vision est d’offrir un espace où chaque jeune fille peut apprendre à se connaître, à se reconnaître et à comprendre qu’elle a un rôle central à jouer dans la société. Depuis sa création, l’association sous le leadership de Charik Nadiyah Bancé multiplie les initiatives. Parmi elles, le Forum Take the Lead, qui réunit chaque année une centaine de jeunes filles. La première édition a eu lieu à Ouagadougou, et la deuxième se tiendra dans la ville de Bobo-Dioulasso. L’objectif est de former, inspirer et fédérer une génération consciente de ses droits.
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Son association pilote également le Laboratoire de résistance aux discours anti-droits, un projet novateur qui s’attaque frontalement aux courants hostiles au féminisme et aux idéologies progressistes. « Nous sommes dans une période où il y a beaucoup de résistances face aux droits des femmes. Nous voulons outiller les jeunes filles pour qu’elles puissent déconstruire ces discours et y opposer des arguments solides », explique la présidente. Au-delà des activités, l’impact se mesure à travers les vies transformées. « Quand nous croisons d’anciennes participantes qui nous disent que nos activités ont changé leur regard, ou quand elles lancent leurs propres initiatives, c’est là que nous mesurons l’impact réel », souligne-t-elle avec fierté.
Le défi de la confiance en soi
Si les violences faites aux femmes constituent un combat visible, Charik insiste sur un défi souvent invisible qui est le manque de confiance en soi. « Même quand les jeunes filles sont confrontées aux violences, beaucoup hésitent à agir parce qu’elles doutent de leur valeur », pense-t-elle. C’est pourquoi elle croit en l’autonomisation personnelle, à la revalorisation de l’estime de soi et au développement individuel pour y remédier. Elle refuse d’ailleurs de réduire l’autonomisation à la seule dimension financière. « On parle souvent d’autonomisation économique ou intellectuelle, mais la première, c’est l’autonomisation humaine. Beaucoup de femmes sont indépendantes financièrement, mais restent prisonnières de violences parce qu’elles ne sont pas indépendantes émotionnellement. »
Concilier ses études, ses engagements professionnels et son rôle de présidente d’association n’est pas toujours simple. Mais elle a appris à s’organiser, à définir ses priorités et surtout à s’appuyer sur son équipe. « Même si je suis la présidente, l’organisation repose sur chacune de nous. Nous avons des responsabilités partagées, et c’est ce qui nous permet d’avancer », explique la jeune fille. Son quotidien oscille ainsi entre salles de classe, réunions de projet et rencontres militantes. Mais elle garde toujours un espace pour elle à travers la lecture, la nature et le théâtre. « Ces moments me permettent de recharger mes batteries », dit-elle.

Si Charik Nadiyah Bancé refuse de citer toutes les femmes qui l’inspirent dans son engagement, elle ne cache pas qu’elle se nourrit de nombreux modèles du Burkina Faso et d’ailleurs. Ses mentors, écrivaines et militantes, lui rappellent chaque jour que la lutte pour l’égalité est collective et mondiale. Et son principal message aux jeunes filles est de garder confiance en soi. « Ne vous attendez pas à recevoir des fleurs avant de vous lancer, car ce soutien ne viendra jamais de la manière dont vous l’espérez. Sachez ce que vous voulez, donnez-vous les moyens d’y parvenir, et surtout, ne vous laissez pas décourager », insiste-t-elle.
Dans un pays confronté à des défis sécuritaires, elle croit fermement que les femmes doivent jouer un rôle central dans la reconstruction de la société. « Nous vivons une période difficile. Mais en tant que femmes, nous devons avoir la capacité de lutter pour ce qui compte pour nous et pour notre cité. »
Le 2 septembre 2025, l’engagement de Charik Nadiyah Bancé lui vaut le 1ᵉʳ prix de l’Autonomisation des jeunes lors de la deuxième édition des Brave Awards. Une distinction organisée par SOS Jeunesse et défis qui honore les initiatives de jeunes leaders au Burkina Faso. Pour elle, ce prix va au-delà de sa personne. « C’est avant tout le prix de l’association, celui de toutes les jeunes filles qui travaillent avec moi. Il nous rappelle que notre travail est vu, entendu et reconnu », a-t-elle signifié. Loin de se reposer sur cette reconnaissance, elle y voit un encouragement à poursuivre la lutte, avec encore plus d’énergie et de créativité.
Farida Thiombiano
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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