Né au Togo, Marcel Ahondo a trouvé au Burkina Faso un espace d’expression où sa passion pour l’image s’épanouit. Photographe entre réalisme poétique et surréalisme visuel, il multiplie les expositions, concours et distinctions, tout en partageant sa vision d’une photographie africaine créative et porteuse de mémoire. Lauréat de plusieurs prix nationaux et internationaux, il s’impose comme l’une des voix émergentes de la photographie contemporaine au Burkina Faso. À travers son parcours, il invite les jeunes à dépasser le matériel pour cultiver le regard, la curiosité et la patience, véritables clés de l’art photographique.
Lefaso.net : Comment avez-vous découvert le Burkina Faso ?
M. A. : J’ai découvert le Burkina Faso par le biais d’une famille burkinabè que j’ai rencontrée à Lomé, au Togo. À travers eux, j’ai commencé à m’intéresser à ce pays, à sa culture et à ses valeurs, avant même d’y mettre les pieds.
Pouvez-vous nous raconter comment votre passion pour l’image a commencé ?
Ma passion pour l’image est née très tôt. Enfant, j’étais fasciné par tout ce qui était visuel et esthétique. Je collectionnais les posters des stars que je voyais dans les magazines comme Planète Jeunes ou Planète Enfants. Plus tard, mes études en communication d’entreprise m’ont permis de mieux comprendre l’univers de l’image : son langage, sa technique, son pouvoir dans la publicité et la société. C’est là que j’ai réalisé que l’image pouvait être bien plus qu’un simple décor, mais un véritable outil d’expression et de réflexion.
Comment a réagi votre entourage quand vous vous êtes lancé dans cette aventure ?
Mon entourage proche n’a pas été surpris. Mes amis savaient déjà que j’étais passionné par l’image. Beaucoup d’entre eux avaient aussi des aspirations artistiques, donc tout était naturel. J’étais souvent celui qui avait le téléphone ou l’appareil pour faire des photos, capturer les moments. Petit à petit, cela s’est transformé en une véritable vocation.
Comment décririez-vous votre style photographique ?
Mon style photographique oscille entre réalisme poétique et surréalisme visuel. Je pars souvent du réel c’est-à-dire la nature, les espaces urbains, les traces de l’histoire ou les visages pour en saisir la beauté brute et spontanée. Mais je cherche aussi à dépasser ce réel en introduisant des éléments symboliques, des décalages visuels ou une atmosphère onirique.
Ce contraste me permet de transformer une scène ordinaire en une image qui intrigue, qui questionne, et qui ouvre une porte vers l’imaginaire.
Quels thèmes ou sujets vous inspirent le plus dans vos créations ?
Mes œuvres sont nourries par la mémoire, l’histoire et les émotions humaines. Mais dans mes créations surréalistes, je vais plus loin. Elles portent souvent une dimension spirituelle, comme un espace de questionnement, de réponse ou parfois simplement un avis sur une vérité. J’aime que mes images ouvrent un dialogue intérieur avec le spectateur, qu’elles évoquent des réalités visibles mais aussi invisibles, comme si elles se situaient entre le monde concret et celui des symboles.
Y a-t-il des photographes burkinabè, togolais ou africains que vous admirez et qui influencent votre travail ?
Pas vraiment, puisqu’honnêtement je n’ai pas assez consommé l’univers photographique, du coup je n’ai pas un photographe repère qui inspire mon travail. Par contre au Burkina Faso, je respecte beaucoup des photographes comme Warren Sarré et Vivien Sawadogo, qui principalement ont un œil sur mon travail. J’ai particulièrement découvert Nyaba Léon Ouédraogo dans mes recherches, un photographe burkinabè qui n’est pas aussi loin de mon univers surréaliste. Je n’ai pas encore la chance de le voir en tout cas.
Quel conseil donneriez-vous à des jeunes qui rêvent de se lancer dans la photographie ?
Je leur dirai que la photographie n’est pas qu’une question de matériel, mais avant tout de regard. Puisque dans mon cas, je me concentrais plus sur le regard que ce avec quoi je fais la photo. Tout ce qui comporte une caméra pourrais faire pour moi une belle photo. Tout dépend de mon regard et de mon traitement. L’appareil ne reflète que la projection de l’esprit de celui qui le tient. Il faut observer le monde, cultiver sa curiosité, expérimenter. Ensuite, il faut être patient, car c’est un chemin qui demande du temps, de la discipline et une véritable passion.
La photographie nourrit-elle son homme ?
Humm ! Oui et non. Oui, parce que c’est un métier qui peut générer des revenus si on sait diversifier ses activités : portraits, mariages, projets artistiques, commandes publicitaires… Mais Non, si on le prend comme une passion pure sans organisation. La photographie nourrit, mais il faut la professionnaliser.
Quels sont les prix et distinctions que vous avez déjà remportés ?
Au fil des années, j’ai eu la chance de voir mon travail reconnu à travers plusieurs distinctions. En juillet 2022, j’ai participé au concours thématique « Portrait émotionnel » du 35AWARDS en Russie, où je me suis classé dans le top 25 des photographes de portraits émotionnels et le top 19 dans la même catégorie.
En août 2023, j’ai été lauréat du concours Wiki Loves Earth Burkina Faso, organisé par Wikimédia Commons, avec quatre de mes œuvres primées et classées 4ᵉ, 5ᵉ, 11ᵉ et 15ᵉ.
En décembre 2023, j’ai de nouveau été distingué au 35AWARDS, cette fois dans la catégorie « Portrait émotionnel d’enfants », où je me suis classé dans le top 21 et vu quatre de mes œuvres retenues parmi les meilleures.
En février 2024, j’ai participé à l’exposition collective de la 5ᵉ édition de la Rencontre internationale d’art plastique de Ouagadougou (RIPO OFF). Quelques mois plus tard, en septembre, j’ai été classé dans le top 29 du concours « Surréalisme » du 35AWARDS.
Puis, en octobre, j’ai de nouveau été lauréat du concours Wiki Loves Earth Burkina Faso, avec deux de mes photos classées 5ᵉ et 12ᵉ.
En novembre 2024, j’ai eu l’honneur d’exposer au WEKRE 5, Marché international d’art contemporain de Ouagadougou.
L’année 2025 a marqué une ouverture encore plus internationale pour moi. En février, j’ai participé au Festival SEGOU’ART, sur le Niger, au Mali, dans une exposition collective avec la délégation burkinabè et le collectif WEKRE. En mai, j’ai pris part à la 10ᵉ édition du Festival international Art’Dougou à Bobo-Dioulasso.
Enfin, en juillet 2025, j’ai remporté la 3ᵉ place au concours national photographique des sites et attraits touristiques du Burkina Faso, organisé par Faso Tourisme.
Avez-vous des projets, expositions, formations en vue ?
Oui, je travaille actuellement sur plusieurs séries, notamment Old Way ; Connexion et Méditation. Je prépare également deux expositions Old Way et Méditation courant octobre à décembre de cette année avec l’appui du Bureau burkinabè du droit d’auteur (BBDA) par le Fonds de promotion culturelle (FPC) pour partager ces projets au public.
Les réseaux sociaux et les smartphones compromettent la valeur de la photographie, puisque la photographie c’est une écriture physique avec la lumière. Du coup, c’est important d’avoir des mémoires physiques. Je réfléchis à mettre en place une galerie personnelle dédiée à mes œuvres et à mon univers.
J’ai déjà animé une ou deux formations en photographie, la transmission est importante et très intéressante. Donc, j’en ferai davantage pour initier des jeunes à la photographie comme moyen d’expression.
Quelle est votre vision de l’évolution de la photographie au Togo et au Burkina ?
Je crois que la photographie a un bel avenir dans nos pays. Les jeunes sont très créatifs et ont soif de montrer ce qu’ils savent faire. Notre génération pense juste que la photographie est juste une question d’avoir un bon iPhone pouvant assurer la visibilité sur les réseaux sociaux, … mais il est important d’aller au-delà, de penser à la photographie comme un patrimoine et un outil de mémoire.
Au Burkina comme au Togo, il y a un potentiel immense pour développer des festivals, des formations, et valoriser les photographes à l’international.
Entretien réalisé par Fredo Bassolé
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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