Le glaive de la justice a frappé, une fois n’est pas coutume, chez les puissants… Pendant qu’aux États-Unis, Donald Trump s’attaque aux journalistes et aux juges et met en cause l’indépendance de la justice et la liberté de la presse, la France se signale par ce jugement historique qui envoie en prison l’ancien président Nicolas Sarkozy qui a dirigé le pays de 2007 à 2012. C’est assurément une victoire de l’État de droit et une preuve de l’indépendance de la justice. C’est la fin d’une époque pour la délinquance en col blanc qui crie au loup contre les magistrats. Que dit ce procès et quel est le verdict du jugement ? Puisque Nicolas Sarkozy est condamné pour association de malfaiteurs, le mobile de la guerre de Libye n’est-il pas là ? Si l’on connaît les conséquences de cette guerre pour le pays du colonel Muammar Kadhafi et ceux du Sahel, Sarkozy ne devrait-il pas aller devant d’autres cours de justice ?
À la sortie de la lecture du verdict de son procès le 25 septembre 2025, l’ancien président s’est dirigé vers la presse pour dire tout le mal qu’il pense de ce jugement et de sa future incarcération qu’il considère comme injuste, une haine de sa personne et une humiliation. À ses yeux, c’est la France qui est humiliée. Son épouse Carla Bruni, à ses côtés durant cette diatribe contre les magistrats, a fait un sort à celui par qui le scandale est arrivé, en arrachant et jetant la bonnette du micro enregistreur du journal en ligne Médiapart, à l’origine des révélations sur le financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy. Futile vengeance de femme amoureuse qui est aussi mise en cause dans une affaire de subordination de témoin dans l’affaire concernant la rétraction d’un des accusateurs de son mari, Ziad Takieddine, décédé la veille du verdict au Liban où il s’était enfui.
L’indépendance de la justice en hausse, la confiance de la population aux politiciens en baisse
Nicolas Sarkozy est une légende vivante de la droite française, pris pour modèle par les jeunes loups de son ancien parti, Bruno Retailleau, Gerard Darmanin qui rêvent de prendre l’Élysée selon sa méthode en empruntant à l’extrême droite son discours et/ou en s’alliant à elle. Avec cette condamnation pour cinq ans comme son unique quinquennat, ils sont avertis s’ils essaient de prendre des libertés avec la loi.
La justice est décriée par les politiciens pour la condamnation de Nicolas Sarkozy avec exécution provisoire qui est appliquée pourtant à tous les délinquants. Les mêmes qui votent les lois ne veulent pas qu’elles s’appliquent à eux. Ainsi l’ancien président ira en prison quand on lui communiquera sa date d’incarcération, et même s’il fait appel, il restera en prison jusqu’au nouveau procès. Il ne sera libre que si la cour d’appel le déclare non coupable. Il a promis de faire appel et le pôle national financier français a aussi annoncé sa décision d’aller en appel pour recommencer tout le procès et les trois chefs d’inculpation pour lesquels il a été relaxé seront rejugés. Et qui sait, peut-être que la preuve du financement libyen sera vraiment établie cette fois.
La condamnation pour association de malfaiteurs est à la base, au tout début de l’établissement du pacte de corruption. Sans cela, Claude Guéant et Brice Hortefeux ne vont pas aller en Libye et rencontrer le terroriste qui a fait exploser le DC-10 d’UTA en 1989, Abdallah Senoussi, le beau-frère du guide libyen. Ces subordonnés de Nicolas Sarkozy ont eu des discussions pour faire tomber les charges ou les adoucir pour que ce monsieur puisse se rendre en France alors qu’il est condamné pour l’attentat qui a fait 170 morts, tous passagers et équipage du DC10 d’UTA, dont près de la moitié sont des Français. Le « deal » prévoit en retour que les autorités libyennes financent la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy.
Tout le monde a vu comment le colonel Muammar Kadhafi s’est déplacé à Paris, comme dans une ville conquise avec l’élection de Sarkozy, et a planté sa tente là où il voulait. La défense de Nicolas Sarkozy est qu’il ne savait rien de ce que son ami d’enfance et son directeur de cabinet faisaient pour lui emmener des fonds pour faire sa campagne. Le tribunal n’a pas adhéré à cette version des faits. Il pense qu’il était non seulement au courant, mais qu’il n’a rien fait pour les en empêcher. En droit, l’intention vaut l’acte. Dès lors que vous avez préparé le crime ou le délit, c’est comme si vous l’aviez fait. C’est une inspiration biblique. L’Évangile selon St Matthieu dit : « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu ne commettras point d’adultère. Mais moi, je vous dis que quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis un adultère avec elle dans son cœur. »
Nicolas Sarkozy est condamné parce qu’il voulait faire quelque chose qu’il savait illicite, le financement libyen de sa campagne électorale, même si la preuve de l’existence de ce financement n’a pas pu être faite, la préparation du pacte a été démontrée. La preuve est faite que l’ancien avocat devenu président aime repousser les limites de la loi. Il a été condamné définitivement pour corruption de magistrat et il y a un certain nombre d’affaires où il est appelé devant les tribunaux.
Ce qui lui arrive est bien mérité et le jugement en appel le rétablira dans son innocence si c’est le cas. Le jugement qui condamne l’ancien président est mûri : c’est au bout d’une longue procédure d’une dizaine d’années avec plusieurs juges et des spécialistes que le procès s’est tenu et les accusés ont pu se défendre et le verdict est un document de 400 pages et sa lecture a pris 3 heures. À écouter une certaine presse, il n’y avait que Sarkozy qui a été condamné, or il y a eu des personnes relaxées et d’autres ont été écrouées dès la fin du jugement.
La guerre en Libye mérite un procès
Sarkozy, qui était l’animateur principal de la campagne pour faire la guerre en Libye, avec ce jugement avait intérêt à éliminer le colonel Muammar Kadhafi pour effacer les traces de ce pacte corruptif. L’existence du pacte, prouvée par le procès, peut être le mobile de la guerre de Libye en 2011. Le procès ne s’est pas intéressé à ce volet du financement libyen de la campagne présidentielle de Sarkozy. Beaucoup d’associations de la société civile africaine ont déposé une plainte à la Cour pénale internationale contre Nicolas Sarkozy. Il serait bienvenu que des États africains et l’Union africaine aussi se saisissent de l’affaire pour que les crimes multiples de la guerre de Libye et ses conséquences désastreuses avec le développement du terrorisme au Sahel et sur le continent ne restent pas impunis.
L’Afrique devrait demander des comptes à Nicolas Sarkozy pour les maux qu’il a apportés sur le continent. Il a bel et bien été un malfaiteur en Afrique. Certains présidents et politiciens veulent servir la société et il est bon pour la société qu’ils soient exemplaires, des personnes intègres d’une probité parfaite. Ils n’ont pas été élus pour être des dieux vivants, des monstres sacrés pouvant se passer de la loi. La loi doit être la même pour tous. Cette égalité commune devant la loi, ils devraient la réclamer comme leur lot aussi, le socle de leur dignité.
Sana Guy
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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