L’inclusion des personnes handicapées moteur reste un défi majeur au Burkina Faso, malgré les efforts institutionnels. Du cadre légal aux infrastructures publiques, en passant par l’éducation, la santé ou encore le monde professionnel, chaque domaine reflète les avancées mais aussi les obstacles auxquels ces personnes sont confrontées. Décryptage avec l’administrateur des affaires sociales, spécialiste handicap, genre et inclusion, Abdoulaye Soro.
La définition du handicap moteur
Le handicap moteur se manifeste par une limitation partielle ou totale de la capacité à se mouvoir. Il peut résulter de maladies (comme la poliomyélite), d’accidents ou de troubles congénitaux. Les membres inférieurs sont souvent les plus touchés, réduisant la capacité de la personne à marcher, se déplacer ou effectuer certaines tâches physiques.
À noter qu’il n’existe pas une seule définition du handicap : tout dépend de l’approche adoptée. L’approche médicale s’intéresse à la déficience physique, celle de la charité évoque l’assistance et la compassion, tandis que l’approche fondée sur les droits humains met l’accent sur l’exclusion sociale, l’inégalité d’accès et la nécessité d’éliminer les barrières. Pour harmoniser ces visions, la convention des nations unies relative aux droits des personnes handicapées, adoptée en 2006, définit une personne handicapée comme toute personne présentant une déficience durable, dont l’interaction avec divers obstacles peut empêcher sa pleine participation à la société sur un pied d’égalité. Au Burkina Faso, selon les données du Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) de 2019, le handicap moteur touche 80 926 personnes, soit 0,4 % de la population âgée de deux ans ou plus. Il s’agit du type de handicap le plus courant dans le pays.
Intégration professionnelle : un droit, pas une faveur
La loi burkinabè reconnaît aux personnes handicapées le droit au travail, au même titre que tout citoyen. L’article 30 de la loi N°012-2010/AN précise qu’une personne handicapée peut exercer un emploi, public ou privé, si elle dispose des compétences requises. Dans ce cas, le handicap ne saurait constituer un motif de discrimination ou de rejet de candidature. Au-delà du droit, des mesures concrètes sont prévues : accessibilité aux formations professionnelles, adaptation des lieux de travail (bureaux, toilettes, accès physiques), soutien à la mobilité, etc. Les employeurs sont appelés à prendre des aménagements raisonnables, en particulier pour les personnes à mobilité réduite.
Éducation inclusive : l’école pour tous
L’accès à l’éducation pour les personnes handicapées motrices a longtemps été restreint aux écoles spécialisées. Aujourd’hui, le concept d’éducation inclusive progresse. Il s’agit de permettre à tous les élèves, avec ou sans handicap, de fréquenter la même école, dans un environnement adapté.
Cela passe par :
• des infrastructures accessibles (rampes d’accès , salles de classe adaptées) ;
• des équipements spécifiques (table-bancs adaptés, accès au tableau) ;
• un contenu pédagogique qui tient compte des besoins particuliers.
Ce changement de paradigme contribue à réduire les inégalités et à garantir une éducation de qualité pour tous.
Infrastructures publiques : encore du chemin
L’accessibilité physique reste un maillon essentiel de l’inclusion. Les dispositifs d’accès (rampes d’accès, ascenseurs, sanitaires adaptés, signalisation) permettent aux personnes en fauteuil roulant ou ayant des difficultés de mobilité de se déplacer de façon autonome. Il existe également des places de stationnement réservées, des portes automatiques, des chemins de roulement pour les fauteuils roulants et bien d’autres aménagements spécifiques. Dans la réalité, cependant, peu de bâtiments publics ou privés répondent encore à ces normes. Les autorités sont appelées à intégrer l’accessibilité dès la conception des infrastructures ou à réaliser des aménagements adaptés sur les bâtiments existants.
- Lire aussi : Burkina / Situation humanitaire : Les personnes handicapées physiques, ces invisibles des camps de déplacés internes

Santé : entre obstacles physiques et barrières économiques
L’accès aux soins reste une priorité. Si des dispositions légales existent (comme la carte d’invalidité prévue à l’article 3 de la loi 012), de nombreuses personnes handicapées motrices peinent à se soigner, en raison :
• d’un manque d’accessibilité dans les centres de santé ;
• de coûts élevés de soins et de médicaments ;
• d’une précarité économique liée à l’exclusion du marché du travail.
Le décret N°2012-828 prévoit cependant des mesures sociales spécifiques en matière de santé, notamment des prises en charge et exonérations de frais.
Femmes handicapées : une double vulnérabilité
Les femmes handicapées motrices, en particulier les femmes enceintes, sont encore plus exposées aux difficultés. Si les textes ne prévoient pas toujours de dispositions spécifiques, des initiatives citoyennes émergent. À titre d’exemple, Rasmata Konfé, présidente d’une association de femmes handicapées, a conçu une table d’accouchement adaptée, destinée aux maternités. Une innovation locale qui témoigne des capacités d’agir des personnes concernées elles-mêmes.
En conclusion
L’inclusion des personnes handicapées motrices au Burkina Faso progresse, mais reste conditionnée à des efforts structurels : accessibilité physique, changement des mentalités, renforcement du cadre juridique, formation, accompagnement social… Comme le rappelle la convention des nations unies : il ne suffit pas d’exister dans la société, il faut pouvoir y participer pleinement et sur un pied d’égalité.
Samirah Bationo
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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