Au cours d’une conférence de presse tenue dans l’après-midi de ce mardi 7 octobre 2025 à Ouagadougou, le ministère de la Sécurité a annoncé le démantèlement d’un réseau d’espionnage piloté par une Organisation non gouvernementale (ONG) de la place, avec l’implication de nationaux grâce notamment à des rémunérations alléchantes. Le point de presse a été animé par le ministre de la sécurité, Mahamadou Sana, accompagné de son collègue de la communication, porte-parole du gouvernement, Pingdwendé Gilbert Ouédraogo.
L’ONG mise en cause est « International Ngo Safety Organisation » (INSO), une ONG dont le siège se trouve à La Haye, aux Pays-Bas. Selon le ministre de la sécurité, Mahamadou Sana, cette ONG intervient depuis 2019 au Burkina Faso sous la convention d’établissement Nᵒ 057-2019/MINEFID/INSO.
Les informations sécuritaires, politiques et administratives, cibles de l’ONG INSO
Le ministre de la sécurité a d’entrée de jeu indiqué que l’un des contrats d’objectif-phare 2025 de son département est de tarir les sources de financement et d’approvisionnement des terroristes par tous les moyens. « Ainsi, outre les activités de combat sur le théâtre des opérations, les actions du département de la sécurité visent aussi et surtout à l’assèchement des sources de financement du terrorisme ; en témoignent les multiples actions de lutte contre le ravitaillement des terroristes en carburant ; les actions de lutte contre les fraudes et trafics divers ou encore le démantèlement des réseaux d’équipement et d’approvisionnement des terroristes, notamment en matériel roulant de type « Aloba » », soutient-il.
C’est à ce titre que les services du ministère de la Sécurité ont suivi et démantelé les activités de l’ONG INSO grâce essentiellement à une franche contribution citoyenne, selon Mahamadou Sana.
Les investigations débutées en janvier 2025 ont révélé que l’ONG INSO, spécialisée officiellement dans la formation des ONG humanitaires en matière de sécurité, se livrait malheureusement à la collecte d’informations sécuritaires sensibles, des informations en lien avec l’administration et la politique dans plusieurs régions du pays au profit de puissances étrangères. Il s’agit notamment de la position des convois de ravitaillement, du nombre d’éléments des Forces de défense et de sécurité (FDS), du nombre de véhicules, d’armes lourdes, de motos, etc.
Elle collectait également des informations sur les positions des FDS et VDP, les coordonnées GPS des lieux d’accrochage entre FDS et terroristes, le bilan des attaques, etc. Des pays voisins comme le Mali ont été touchés par ce phénomène d’espionnage.
« En violation de la législation en vigueur dans notre pays, cette ONG se livrait à une collecte systématique de tout type d’informations en lien avec les activités sécuritaires, politiques et administratives du pays. Ainsi, les investigations ont révélé que INSO, avec l’aide de certains de nos compatriotes, parvenait à recenser soigneusement les itinéraires, les mouvements et la composition des convois militaires et/ou de ravitaillement des villes censés être tenus secrets dans l’intérêt de la défense nationale. Elle répertoriait systématiquement les moyens militaires déployés pour sécuriser un convoi donné en collectant les informations sur le nombre d’éléments, de véhicules, d’armes lourdes, de motos, etc. », a détaillé Mahamadou Sana.
« INSO passait son temps aussi à collecter des informations sur les zones d’opération, les positions des unités ainsi que les interventions des Forces de défense et de sécurité et des Volontaires pour la défense de la patrie sur le terrain. Elle parvenait même à prendre avec précision les coordonnées GPS des lieux d’accrochage des FDS avec les terroristes et les positions des incidents aux engins explosifs improvisés (EEI). Par la suite, l’ONG dénombrait le nombre de victimes après une attaque ou une opération de sécurisation. Dans ses actions illicites, INSO parvenait à s’informer sur les mouvements des terroristes dans certaines localités et sur les actes ignobles contre les populations, puis dénombrait et photographiait également les victimes après le passage des terroristes dans ces localités. Dans son élan d’espionnage, INSO récoltait dans les villes des informations comme les accidents de la circulation routière, les décisions ou les problèmes de fonctionnement des délégations spéciales et les activités de services de sécurité. Ne se limitant pas au Burkina Faso, INSO utilisait ses réseaux pour collecter, à partir de notre pays, les mêmes types d’information sur le Mali », a ajouté le ministre de la sécurité du Burkina Faso.
Flou total autour de la destination finale de ces données récoltées
Selon le ministre de la sécurité qui cite les confessions du directeur pays de INSO et de son adjointe, respectivement un Français et une Française d’origine sénégalaise, lors de l’interrogatoire, ces informations collectées serviraient à renseigner d’une part des ONG humanitaires sur le territoire burkinabè, mais également à rédiger des rapports au profit de leurs partenaires financiers.
« Le directeur pays de INSO Burkina, le sieur Jean Christophe Emile Pegon, a d’ailleurs bien reconnu lors de son interrogatoire avoir orienté son personnel à collecter des informations à caractère sensible, notamment sur les incidents sécuritaires suivis des coordonnées GPS des lieux touchés, les positions et les déplacements des convois de ravitaillement en violation de leur convention d’établissement avec l’État burkinabè. Au sujet de l’usage final d’une telle collecte systématique d’informations sensibles, aucune réponse claire n’a été donnée par les responsables, car, disent-ils, c’est la feuille de route que l’ONG leur a donnée et qu’ils essaient d’accomplir au mieux. Ils prétendent ne pas savoir ce qu’il advient de ces données qui sont centralisées dans une base de données à l’étranger », précise Mahamadou Sana.
Toujours selon le ministre de la sécurité, pour accomplir sa tâche, INSO a recruté des nationaux de différents profils comme des conseillers. Parmi ces agents figurent des anciens FDS dont le rôle est de « centraliser les données par zone et de les analyser en donnant à la fois une interprétation sécuritaire mais également une interprétation politique. Un deuxième rideau d’agents terrains qualifiés est chargé d’organiser la collecte des informations sur le terrain. Enfin, ils ont mis en place un troisième rideau constitué de personnes qu’ils choisissent soigneusement en fonction de leurs positions stratégiques ou de leurs activités leur facilitant l’accès à l’information. Ces personnes vivent souvent dans les zones à forts défis sécuritaires, notamment des régions du Goulmou (ex-région de l’Est), de la Sirba (ex-région de l’Est), de la Tapoa (ex-région de l’Est), du Soum (dans l’ex-région du Sahel), du Liptako (ex-région du Sahel), des Kuilsé (ex-région du Centre-Nord), du Yaadga (ex-région du Nord), du Nakambé (ex-région du Centre-Est), des Bankuy (ex-région de la Boucle du Mouhoun) et du Sourou (toujours dans l’ex-région de la Boucle du Mouhoun). Ce groupe, qu’ils appellent « des relais communautaires », à qui ils versent régulièrement de l’argent, est pour l’essentiel soit des commerçants soit des orpailleurs, mais aussi des enseignants et des infirmiers. »
Sept personnes arrêtées, la justice saisie
À travers l’arrêté nᵒ 2025-EE0241/MATM/SG/DGAT/DSOAP du 31 juillet 2025, le gouvernement burkinabè avait annoncé la suspension immédiate de l’ONG INSO pour une durée de trois mois. Malgré cette suspension, certains responsables de INSO ont continué à mener clandestinement ou de façon détournée des activités telles que des collectes d’informations et des réunions en présentiel ou en ligne, à en croire le ministre de la sécurité.
Ainsi, à l’issue des investigations, sept autres employés de ladite ONG ont été interpellés, dont la directrice adjointe, Aminata Marianne Guissé, Franco-Sénégalaise, Thomas Muzik, directeur des programmes de INSO, de nationalité tchèque, un Malien et quatre Burkinabè.

Des salaires mirobolants accordés aux salariés pour « trahir leur pays »
Toutes ces activités d’espionnage ont été rendues possibles grâce aux salaires mirobolants accordés aux employés de l’ONG, selon les explications du ministre en charge de la sécurité. En effet, selon les chiffres dévoilés par Mahamadou Sana, le directeur pays et son adjoint percevaient 3,5 millions de FCFA par mois. Le directeur administratif et financier, le directeur des ressources humaines, le manager des opérations recevaient chacun mensuellement 2,4 millions de FCFA.
D’autres exemples montrent également des salaires élevés, dont le but est de convaincre les employés de trahir leur pays, selon Mahamadou Sana. Ainsi, le chauffeur senior avait un salaire mensuel de 520 000 FCFA, le chauffeur simple, 390 000 FCFA tout comme la cuisinière ménagère qui percevait la même somme. Les vigiles et le personnel d’entretien avaient chacun un salaire mensuel de 210 000 FCFA.
« À ce stade des investigations, on peut affirmer clairement que INSO est une ONG étrangère, dirigée par des étrangers, qui collectait et fournissait des informations sécuritaires sensibles pouvant être préjudiciables à la sécurité nationale et aux intérêts du Burkina Faso, à des puissances étrangères, et ce en toute complicité avec certains Burkinabè », regrette Mahamadou Sana.
Tout en invitant les populations à la vigilance, à la collaboration et à se départir de toute pratique similaire, le ministre de la sécurité, Mahamadou Sana, a précisé que les mis en cause arrêtés seront traduits devant le procureur du Faso pour espionnage et trahison, conformément aux dispositions de l’article 311-4 de la loi 025-2018/AN du 31 mai 2018 portant code pénal au Burkina Faso.
Mamadou Zongo
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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