La journée du 20 octobre, dans le cadre de la foire digitale « Le Faso Digital », s’est ouverte par une conférence autour d’un thème à la fois technique et porteur d’espoir : « Connectivité bas débit, fort impact : LoRaWAN et agriculture connectée ». Animée par Roland Tougma, doctorant en troisième année à l’université Joseph Ki-Zerbo et gérant de SILMA SAS, la rencontre a été modérée par Ibrahim Ouattara, webmaster et passionné de numérique.

L’objectif était de démontrer comment une technologie de connectivité à bas débit, peu énergivore et accessible, peut révolutionner la production agricole au Burkina Faso, tout en ouvrant la voie à une souveraineté alimentaire durable. Auteur de sept publications scientifiques, Roland Tougma est un spécialiste reconnu de l’Internet des objets (IoT) et de l’intelligence artificielle. Avec pédagogie et passion, il a introduit l’auditoire dans l’univers du LoRaWAN, une technologie conçue pour connecter des objets sur de longues distances avec une très faible consommation énergétique.

« La connectivité au Sahel, disait-il, n’est pas mise en valeur comme dans d’autres zones du monde. Face aux défis climatiques et sécuritaires, le paysan sahélien n’a pas d’autre choix que d’inventer des solutions résilientes. Les politiques actuelles de souveraineté alimentaire sont salutaires, mais elles gagneraient à intégrer ces technologies capables de moderniser notre agriculture », a-t-il expliqué. Selon lui, chaque défi peut se transformer en opportunité. « Notre lutte pour la dignité alimentaire peut s’accompagner d’outils numériques adaptés à nos réalités rurales. »

LoRaWAN, une technologie à longue portée et faible consommation

Le conférencier a pris soin d’expliquer le concept : LoRaWAN, contraction de Long Range Wide Area Network, signifie littéralement « réseau étendu à longue portée ». Il repose, selon le doctorant, sur un ensemble de capteurs capables de transmettre des données à plusieurs kilomètres sans nécessiter de réseau mobile traditionnel ni de grande quantité d’énergie. Ces capteurs, alimentés par des batteries ou des panneaux solaires, mesurent différents paramètres : humidité du sol, température, teneur en nutriments, niveau d’eau, voire activité animale. Les données sont ensuite transmises à une passerelle, qui les centralise avant de les envoyer vers une application locale ou une plateforme web. Roland Tougma a aussi illustré le fonctionnement. « Les capteurs peuvent envoyer une donnée toutes les quinze ou vingt minutes à une passerelle. Si l’on veut une utilisation privée, la ferme peut rester totalement autonome, sans connexion internet. Si l’on veut une supervision à distance, on relie la passerelle à la 4G ou à la fibre pour visualiser les informations sur une application. » Cette flexibilité fait du LoRaWAN une technologie adaptée aux zones rurales isolées, souvent délaissées par les grands réseaux de télécommunication.

« La technologie LoRaWAN est une technologie de connectivité qui peut être déployée sur une longue portée et qui consomme moins », a fait savoir le conférencier

Vers une agriculture de précision

L’un des atouts majeurs de la technologie LoRaWAN réside dans la capacité à produire des données locales et exploitables. En mesurant les caractéristiques du sol, de l’eau ou de l’air, les agriculteurs peuvent désormais savoir quelles cultures sont les plus adaptées à une zone donnée, combien d’engrais utiliser ou quand irriguer pour éviter le gaspillage. « Les capteurs permettent d’aller vers une agriculture de précision. Ils mesurent la capacité nutritionnelle du sol (PKA), son humidité, ou encore la température ambiante. À partir de ces données, on peut déterminer quelles cultures sont les plus rentables ou les plus économes en ressources », a détaillé le conférencier. Roland Tougma a également montré l’intérêt de la technologie pour l’élevage. Il indique que placer un capteur sur un animal permet de suivre son état de santé ou sa localisation, ce qui peut prévenir les maladies, les pertes et même les vols de bétail, fréquents dans les zones pastorales du Sahel. Pour le chercheur, la connectivité ne se limite pas à l’amélioration des rendements agricoles, donc un véritable projet de souveraineté alimentaire.

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En maîtrisant les données de leurs terres, les producteurs peuvent mieux planifier, anticiper et rentabiliser leurs efforts. Il a ainsi proposé un plan de déploiement au Sahel, articulé autour de zones pilotes où capteurs et passerelles seraient installés sur environ 20 % du territoire, notamment dans les zones cultivables et les points d’eau. Ces zones serviraient à mesurer les paramètres essentiels pour la production agricole et l’élevage. « Le réseau LoRaWAN, a-t-il soutenu, peut couvrir jusqu’à 100 kilomètres. Cela signifie qu’on peut surveiller de vastes superficies agricoles avec très peu d’équipements. C’est une technologie parfaitement adaptée à notre contexte : peu coûteuse, autonome en énergie et indépendante des opérateurs de téléphonie. »

Des défis à relever pour un déploiement national

Si le potentiel est immense, plusieurs défis restent à surmonter. Roland Tougma a évoqué d’abord la réglementation des bandes de fréquence. « LoRaWAN utilise des bandes non licenciées, mais il faut des textes pour encadrer son usage et éviter les interférences. » Ensuite, le développement des compétences locales est indispensable. Les techniciens, ingénieurs et agriculteurs doivent être formés à l’installation, la maintenance et l’interprétation des données issues des capteurs. Le chercheur a aussi plaidé pour l’intégration de l’intelligence artificielle afin d’analyser les masses de données collectées et proposer des modèles prédictifs : anticiper une sécheresse, identifier les meilleures zones de culture ou optimiser la distribution de l’eau.

Interrogé par le modérateur Ibrahim Ouattara sur les exemples concrets, Roland Tougma a reconnu que le Burkina Faso n’en compte pas encore beaucoup. Il a toutefois cité une expérience menée au ministère de l’Énergie, où un réseau LoRaWAN a été déployé pour l’électrification rurale. « Nous avions installé des lampes connectées, contrôlées à distance. Depuis Ouagadougou, on pouvait savoir quelle lampe était allumée ou éteinte, ou encore mesurer la température ambiante. » À l’échelle africaine, il a mentionné plusieurs initiatives inspirantes. Au Sénégal, un projet pilote a permis à des éleveurs du Sahel de suivre leurs troupeaux grâce à des sacs solaires équipés de capteurs. Au Maroc, le réseau LoRaWAN sert à gérer l’irrigation avec des capteurs d’humidité qui envoient un signal automatique pour couper ou ouvrir les électrovannes selon le besoin en eau. Au Kenya, au Rwanda et en Tanzanie, des projets soutenus par la Banque mondiale combinent LoRaWAN et drones multispectraux pour surveiller la santé des plantes et anticiper les stress hydriques. Ces réussites prouvent que la technologie peut s’intégrer dans des politiques agricoles ambitieuses et adaptées aux réalités locales.

La modération du webmaster, Ibrahim Ouattara, a permis d’ouvrir la réflexion sur l’implication des décideurs, des entreprises et des agriculteurs

Une opportunité de repenser la connectivité rurale

Au fil des échanges, la conférence a souligné que le bas débit n’est pas une faiblesse, mais une chance pour les territoires ruraux d’accéder à la révolution numérique sans infrastructures coûteuses. Dans un contexte sécuritaire et climatique complexe, le Burkina Faso a besoin d’outils souples, peu énergivores, et capables de fonctionner de manière autonome. Le LoRaWAN, selon le conférencier, répond parfaitement à ces exigences. « Cette technologie est plus adaptée à nos villages, à nos champs, à nos zones reculées. Elle peut améliorer le quotidien des agriculteurs et des éleveurs tout en soutenant la recherche scientifique », a-t-il affirmé. Roland Tougma a appelé à une vision stratégique de l’agriculture connectée car la tendance actuelle est à la souveraineté alimentaire. « La dynamique au Burkina est louable, mais nous pouvons aller plus loin en associant les politiques agricoles à des technologies avancées comme le LoRaWAN. » Son intervention a suscité des réactions et des questions, notamment sur les bonnes pratiques, l’open data, etc.

La modération du webmaster, Ibrahim Ouattara, a permis d’ouvrir la réflexion sur l’implication des décideurs, des entreprises et des agriculteurs. Cette conférence a rappelé combien l’innovation n’est pas qu’affaire de vitesse ou de haut débit. Elle peut aussi se nourrir d’intelligence locale, de pragmatisme et d’adaptation. Le Faso Digital donne une visibilité aux thématiques d’avenir comme celle d’une agriculture burkinabè connectée, durable et inclusive, où la donnée devient un levier de dignité et de développement.

Farida Thiombiano

Lefaso.net

Source: LeFaso.net