Lors d’une conférence virtuelle organisée par Le Faso Digital ce mercredi 22 octobre 2025, le Dr Yaya Traoré, maître de conférences à l’université Joseph Ki Zerbo et secrétaire permanent de l’innovation et de la veille sur les technologies émergentes du numérique au ministère de la Transition digitale, des postes et des communications électroniques, a exploré le thème « IA et architecture des données : la révolution dans la gestion des données ». Une rencontre enrichissante qui a mis en lumière les liens étroits entre intelligence artificielle, Big Data et gouvernance de l’information à l’ère de la transformation numérique.
Dès l’entame de son exposé, le Dr Yaya Traoré a rappelé que la donnée est devenue la matière première du XXIᵉ siècle. Dans un monde où chaque clic, chaque transaction et chaque interaction laisse une trace numérique, la donnée se trouve désormais au cœur de la prise de décision et constitue, selon lui, le socle sur lequel repose toute l’économie numérique. Il a précisé que les données ne sont pas de simples chiffres ni des informations isolées, mais des représentations brutes d’observations, de mesures ou de faits. Une fois traitées et analysées, elles se transforment en information, puis en connaissances exploitables. Il a détaillé le cycle de vie de la donnée, qui comprend la collecte, le stockage, le traitement, l’analyse et enfin la valorisation, un processus qui permet d’extraire la valeur et d’en faire un véritable levier de compétitivité.
L’intelligence artificielle vient renforcer ce processus en permettant aux machines d’imiter certaines capacités cognitives humaines comme l’apprentissage, le raisonnement et la prise de décision. Le Dr Yaya Traoré a expliqué que l’IA repose sur trois piliers essentiels : des systèmes de calcul puissants, des algorithmes performants et des données de qualité. Sans ces trois éléments réunis, aucune application d’intelligence artificielle ne peut produire des résultats fiables. « Les données sont le carburant de l’intelligence artificielle. Sans données de qualité, il n’y a pas d’IA performante », a-t-il insisté.

Abordant les nouvelles avancées du domaine, il a présenté l’intelligence artificielle générative, une branche émergente capable de créer du contenu original, qu’il s’agisse de texte, d’image, de son ou de code informatique, à partir d’instructions simples appelées « prompts ». Cette technologie s’appuie sur les modèles de langage de grande taille, ou Large Language Models (LLM), capables de comprendre et de reproduire la logique du langage humain. Ces modèles, explique-t-il, fonctionnent grâce à des milliards de paramètres entraînés sur d’immenses bases de données, leur permettant d’analyser le contexte et de produire des réponses cohérentes. Des outils tels que ChatGPT, Bard ou Copilot en sont des exemples concrets. Selon le Dr Yaya Traoré, ces systèmes ne se limitent pas à la génération de texte, mais s’étendent à la production d’images, de sons et de codes informatiques, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives dans le domaine de la création numérique et de la productivité.
Le conférencier a ensuite élargi sa réflexion en présentant les disciplines connexes à l’intelligence artificielle, telles que le Machine Learning, le Deep Learning, le traitement automatique du langage naturel et le Big Data. Ces domaines, interconnectés, forment un écosystème cohérent où la donnée alimente les algorithmes et les algorithmes à leur tour, valorisent la donnée. Il a souligné que le langage Python est aujourd’hui la référence pour le développement de ces modèles grâce à des bibliothèques open source comme Scikit-learn, TensorFlow, PyTorch ou Keras, ainsi qu’à des plateformes telles qu’Anaconda, Jupyter, Streamlit ou Google Colaboratory, qui facilitent l’expérimentation et la collaboration scientifique.
Dans la seconde partie de son intervention, le Dr Yaya Traoré a défini l’architecture des données comme la véritable colonne vertébrale du système numérique. Elle regroupe les structures, processus et normes qui régissent la collecte, le stockage, la transformation et la diffusion de l’information au sein d’une organisation. Son objectif est d’assurer la qualité, la sécurité et la disponibilité des données tout en garantissant leur interopérabilité entre différents systèmes. Historiquement, les entreprises utilisaient des bases de données transactionnelles pour la gestion de leurs opérations quotidiennes. Ces systèmes, appelés OnLine Transaction Processing (OLTP), se sont révélés insuffisants face aux besoins croissants d’analyse et d’agrégation. C’est ainsi qu’est né le concept d’entrepôt de données, ou Data Warehouse, qui centralise les informations provenant de plusieurs sources pour faciliter l’analyse stratégique.

Cependant, l’explosion du volume, de la variété et de la vitesse de production des données a conduit à l’émergence du Data Lake, un espace de stockage capable d’accueillir d’immenses volumes de données brutes, qu’elles soient structurées, semi-structurées ou non structurées. Le Dr Yaya Traoré a rappelé que le Big Data repose sur cinq grands principes, appelés les « 5V », à savoir le Volume, la Vélocité, la Variété, la Véracité et la Valeur. Si le Data Lake offre une grande flexibilité, il présente néanmoins des défis de gouvernance, de qualité et de performance. Pour combiner la rigueur du Data Warehouse et la souplesse du Data Lake, une nouvelle approche est apparue : le Data Lakehouse. Cette architecture hybride permet de stocker des données dans leur format natif tout en offrant des capacités analytiques avancées et des fonctionnalités transactionnelles robustes. Le conférencier a cité plusieurs technologies open source qui soutiennent cette évolution, notamment Delta Lake, Apache Iceberg et Apache Hudi pour le stockage, Apache Spark et Flink pour le traitement, ainsi que Trino et Hive pour les requêtes. Il a également mentionné Apache Airflow pour l’orchestration des tâches, Apache Atlas pour la gestion des métadonnées et Apache Superset ou Metabase pour la visualisation.
Abordant les approches les plus récentes, le Dr Yaya Traoré a présenté le concept de Data Mesh, un modèle décentralisé qui confie à chaque domaine, métier la responsabilité de ses propres données. Cette philosophie favorise la démocratisation et l’agilité dans la gestion de l’information, tout en rapprochant les producteurs et les utilisateurs de données. Pour Yaya Traoré, cette approche marque une étape importante vers une gouvernance plus souple et plus efficace.
Le Dr Yaya Traoré a ensuite expliqué comment l’intelligence artificielle s’intègre à chaque étape du cycle de vie des données. Lors de la phase d’exploration, elle permet de comprendre la structure et le contenu des données, d’identifier les valeurs manquantes, les doublons et les anomalies. Durant le prétraitement, elle facilite le nettoyage et la transformation des données pour les rendre exploitables. Dans la phase de modélisation, elle aide à choisir les algorithmes les plus adaptés, qu’il s’agisse d’arbres de décision, de forêts aléatoires, de réseaux de neurones ou de machines à vecteurs de support. Enfin, lors de l’évaluation, elle mesure la précision et la fiabilité des modèles afin d’en améliorer continuellement la performance.

Les avantages de cette intégration sont considérables. L’intelligence artificielle permet d’automatiser de nombreuses tâches répétitives et de réduire jusqu’à 80 % le temps consacré à la préparation manuelle des données. Elle offre une cohérence dans le traitement, une rapidité d’exécution et une capacité d’adaptation à des volumes massifs d’informations. Pour les entreprises, ces progrès se traduisent par une réduction significative des coûts opérationnels, une amélioration de la qualité et une meilleure prise de décision en temps réel. Le Dr Yaya Traoré a souligné que l’IA libère les ingénieurs des tâches fastidieuses, leur permettant de se concentrer sur des activités à plus forte valeur ajoutée, notamment l’innovation et la recherche.
Toutefois, cette révolution n’est pas exempte de défis. Le conférencier a évoqué les obstacles liés à l’intégration de technologies hétérogènes, à la qualité et à la sécurité des données, à la conformité aux réglementations telles que le Règlement général sur la protection des données (RGPD), ainsi qu’à la rareté des compétences spécialisées. Selon Yaya Traoré, la réussite des projets liés à l’IA et à la donnée dépendra avant tout d’une gouvernance solide, d’un cadre réglementaire clair et d’une montée en compétence continue des acteurs du secteur.
Le Dr Yaya Traoré a rappelé que l’intelligence artificielle et l’architecture des données sont désormais indissociables. L’une alimente l’autre dans une boucle vertueuse : les données nourrissent les modèles d’IA, qui génèrent à leur tour des décisions et des analyses produisant de nouvelles données. Pour lui, cette synergie marque l’entrée dans une ère où la donnée n’est plus un simple outil technique, mais un véritable capital stratégique. « L’IA révolutionne la gestion de l’information en la rendant plus rapide, plus intelligente et plus fiable. Elle ouvre la voie à une nouvelle économie de la connaissance où la donnée devient une ressource vivante et créatrice de valeur », a-t-il conclu.
Anita Mireille Zongo (stagiaire)
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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