
Dans un contexte national marqué par des défis sans précédent, mais également par une volonté affirmée de refondation et de reconquête de la souveraineté, la question de la mobilisation de la diaspora burkinabè s’impose comme un enjeu stratégique majeur. C’est dans cette perspective que s’inscrit la communication de Wendegoudi Jacqueline Ouédraogo, directrice de la promotion économique et des investissements de la diaspora. Elle a mis en lumière le rôle central que peuvent jouer les Burkinabè de l’extérieur dans la transformation économique et sociale du pays. C’était au cours de la Journée presse-diplomatie, organisée par le ministère en charge des Affaires étrangères, de la coopération régionale et des Burkinabè de l’extérieur, le vendredi 12 décembre 2025, à Ouagadougou. Notons que la contribution de la diaspora burkinabè se chiffre à environ 350 milliards de francs CFA concernant les transferts d’argent annuels, et plus d’un milliard de francs CFA de contribution au Fonds de soutien patriotique (FSP).
La diaspora burkinabè se distingue avant tout par sa grande diversité. Présente dans de nombreux pays et secteurs d’activité, elle regroupe des profils variés qui constituent une véritable richesse pour le Burkina Faso. On y retrouve des étudiants partis à l’étranger pour acquérir des connaissances et des qualifications de haut niveau, des cadres et experts évoluant au sein d’institutions internationales, mais aussi des entrepreneurs, investisseurs, chercheurs, médecins, ingénieurs, sportifs, artistes et acteurs culturels.
Selon la directrice de la promotion économique et des investissements de la diaspora, Wendegoudi Jacqueline Ouédraogo, cette pluralité de profils et de parcours confère à la diaspora burkinabè un potentiel multidimensionnel. La directrice souligne qu’à travers ses compétences, ses réseaux professionnels internationaux, et ses capacités financières, la diaspora représente un vivier stratégique dont le Burkina Faso peut tirer un dividende considérable pour son développement. Cette diversité, ajoute-t-elle, est un atout majeur qui permet d’intervenir dans des domaines aussi variés que l’économie, la santé, l’éducation, la culture ou encore l’innovation technologique.
D’une migration de survie à une migration de compétences
Jacqueline Ouédraogo rappelle également l’évolution historique de la migration burkinabè. Les premières générations d’émigrés quittaient principalement le pays à la recherche d’un travail rémunéré ou de terres fertiles. Ces migrants étaient, pour l’essentiel, peu qualifiés et orientés vers la satisfaction de besoins immédiats.
Aujourd’hui, affirme la directrice de la promotion économique et des investissements de la diaspora, la donne a profondément changé. La diaspora burkinabè contemporaine est largement composée de personnes hautement qualifiées, disposant de compétences techniques pointues dans de nombreux domaines, y compris des secteurs stratégiques comme le textile, les technologies de l’information, l’ingénierie ou la médecine. « Ces Burkinabè de l’extérieur possèdent également une capacité financière accrue, un levier susceptible d’être mis au service du développement national », a-t-elle déclaré.
Une opportunité stratégique pour transformer l’économie nationale
Au regard de ces évolutions, la diaspora apparaît désormais comme une opportunité stratégique pour impulser une transformation structurelle et culturelle de l’économie burkinabè. Madame Ouédraogo note que le gouvernement burkinabè a engagé plusieurs réformes structurantes. L’une d’entre elles, est la création du Haut Conseil des Burkinabè de l’extérieur (HCBE), intervenue récemment. Cette instance a pour mission de structurer la diaspora à travers les conseils de base implantés dans les différents pays d’accueil.
Le HCBE, un outil de structuration et de mobilisation
Le Haut conseil des Burkinabè de l’extérieur, explique la directrice des investissements de la diaspora, vise à mieux organiser les communautés burkinabè à l’étranger. Cela, afin de faciliter leur implication dans le développement national. Grâce aux Conseils de base, l’information circule plus rapidement, les décisions sont prises de manière concertée, et les interventions peuvent être déclenchées en un temps record, qu’il s’agisse d’apporter un soutien humanitaire, financier ou social.

Ainsi, le HCBE a pour vocation de renforcer la concertation entre les membres de la diaspora et de favoriser leur mobilisation autour d’intérêts communs. En structurant les communautés, il permet de créer un cadre propice à une action collective efficace et solidaire.
La Stratégie nationale de gestion de la diaspora
L’autre avancée majeure est l’adoption de la Stratégie nationale de gestion de la diaspora (SNGD). Il s’agit pour Jacqueline Ouédraogo de la toute première politique publique du Burkina Faso spécifiquement dédiée à la gouvernance de la diaspora. À l’horizon 2029, cette stratégie ambitionne de faire émerger une diaspora dynamique, solidaire, engagée et pleinement impliquée dans le développement et le rayonnement international du pays.
La vision portée par les plus hautes autorités est ainsi claire. Elle vise à faire de la diaspora, relève l’experte, une véritable vitrine du Burkina Faso à l’extérieur, capable de porter l’image du pays et de contribuer activement à sa reconstruction et à son développement.
Trois axes pour une mobilisation efficace
La SNGD repose sur trois axes stratégiques, fait savoir Mme Ouédraogo. Le premier concerne l’intégration de la diaspora dans les pays d’accueil. Il s’agit d’encourager une intégration respectueuse des lois et règlements locaux, condition indispensable pour permettre aux Burkinabè de l’extérieur de s’épanouir et de contribuer efficacement au développement de leur pays d’origine.
Le deuxième axe, lui, vise l’amélioration de la contribution de la diaspora au développement national. La structuration à travers le HCBE et les différents mécanismes de mobilisation devrait permettre d’accroître et de mieux orienter cette contribution.
Enfin, le troisième axe, quant à lui, porte sur le renforcement de la coordination stratégique et des capacités institutionnelles. Plusieurs départements ministériels et acteurs interviennent sur les questions liées à la diaspora. Et l’enjeu ici est donc de créer une synergie efficace entre eux, afin d’accompagner la diaspora de manière cohérente et efficiente.
Environ 350 milliards de francs CFA transférés par an
Selon les chiffres annoncés par la spécialiste des questions liées aux Burkinabè vivant à l’étranger, les contributions actuelles de la diaspora burkinabè sont déjà considérables. Les transferts financiers constituent l’un des principaux canaux de cette contribution. Ils sont, estime-t-elle, à environ 350 milliards de francs CFA par an, représentant près de 3 % du PIB national. Ce chiffre ne prend toutefois en compte, précise la spécialiste, que les transferts effectués par des canaux formels, tels que les banques et institutions financières reconnues.
En réalité, mentionne Jacqueline Ouédraogo, une part importante des fonds transite par des canaux informels, ce qui laisse supposer que la contribution réelle de la diaspora est bien supérieure aux estimations officielles. Elle ajoute que ces transferts dépassent souvent le montant de l’aide publique au développement accordée au Burkina Faso par certains pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), mettant ainsi en relief le poids économique majeur de la diaspora.

Plus d’un milliard de francs CFA comme contribution au fonds patriotique
Longtemps orientés vers la consommation familiale, les transferts financiers, indique Jacqueline Ouédraogo, sont de plus en plus investis dans des projets productifs. Cette réorientation témoigne d’une volonté accrue de contribuer durablement au développement économique du pays.
Aussi, l’experte mentionne que la diaspora fait preuve d’un engagement patriotique fort. À travers l’actionnariat populaire, dit-elle, la diaspora constitue la deuxième force de souscription à l’entrepreneuriat communautaire. Sa contribution au Fonds de soutien patriotique (FSP), depuis son lancement, dépasse déjà le milliard de francs CFA, sans compter les nombreux dons en nature.
Investissements, innovation et transferts de compétences
Au-delà des dons et transferts financiers, la diaspora s’illustre par ses investissements et son rôle dans l’entrepreneuriat. Elle crée et finance des entreprises, soutient les PME et investit dans des projets structurants capables de transformer l’économie nationale, soutient Madame Ouédraogo. Ces initiatives, pour elle, favorisent la création d’emplois, la modernisation des filières et l’introduction de nouvelles pratiques de gestion.
La diaspora joue également un rôle clé dans le transfert de compétences, poursuit la directrice de la promotion économique, notamment dans les domaines de la santé, des TIC, de l’ingénierie et de l’enseignement supérieur. À travers des formations, du mentorat et des partenariats académiques et professionnels, elle contribue au renforcement des capacités nationales. L’université Joseph Ki-Zerbo en est une illustration, avec des membres de la diaspora qui interviennent régulièrement dans les activités de formation.
Un levier de rayonnement culturel et territorial
La contribution de la diaspora ne se limite pas à l’économie. Elle participe activement au rayonnement culturel du Burkina Faso à l’international. L’organisation de journées culturelles, souvent appuyées par les missions diplomatiques et consulaires, permet de promouvoir l’identité et les valeurs burkinabè à l’extérieur.
La diaspora contribue également à la coopération décentralisée, à travers des jumelages entre collectivités burkinabè et localités étrangères, renforçant ainsi les liens territoriaux et humains.
Des perspectives basées sur la structuration et la facilitation
Pour maximiser l’impact de la diaspora, plusieurs actions sont en cours ou envisagées, confie Jacqueline Ouédraogo. Parmi elles, figurent la création d’un fonds d’investissement de la diaspora, destiné à soutenir le financement de projets au Burkina Faso, ainsi que la mise en place d’un guichet unique et d’une plateforme numérique pour faciliter les interactions entre l’administration et les Burkinabè de l’extérieur.
Madame Ouédraogo atteste que l’opérationnalisation effective du HCBE dès l’année prochaine et la finalisation du programme de mobilisation de la diaspora constituent également des priorités, afin d’accroître sa participation aux initiatives portées par le président du Faso.
Une diaspora au cœur de la construction nationale
En définitive, comme l’a souligné Wendegoudi Jacqueline Ouédraogo, la diaspora burkinabè n’est plus seulement une réalité migratoire. Elle est devenue un acteur stratégique de la construction nationale. Sa mobilisation structurée, coordonnée et valorisée pourrait permettre d’accroître sa contribution économique, de renforcer la cohésion nationale, et de consolider le rayonnement international du Burkina Faso.
Dans cette dynamique, le ministère en charge des Affaires étrangères, en synergie avec l’ensemble des acteurs concernés, demeure pleinement engagé à faire de la diaspora un pilier durable du développement et de la souveraineté nationale.
Hamed Nanéma
Lefaso.net
Source: LeFaso.net
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