Le week-end prochain s’ouvrent les compétitions de la Coupe d’Afrique des nations 2025 de football au Maroc. Quelques mois après, ce sera la Coupe du monde de football aux États-Unis, au Mexique, au Canada. Le football est le sport roi, et ses dirigeants aiment la compagnie des grands de ce monde. À force d’être sous la lumière et les ors des républiques, royaumes et émirats, les dirigeants du football mondial aiment bien les longs règnes et tombent souvent pour des affaires de corruption. Gianni Infantino est celui qui dirige actuellement le football mondial alors que celui-ci est de plus en plus au cœur des compétitions géopolitiques. Sans s’éloigner des nouveaux acteurs financiers du football que sont les monarchies du Golfe, il a une fréquentation assidue du nouveau maître des États-Unis avec un comportement assez éloigné de la morale du sport. Voyons comment le président de la FIFA est aux bons soins du président américain par des cadeaux de toutes sortes comme au tirage au sort des poules de la Coupe du monde le 5 décembre 2025.

Gianni Infantino est le président de la Fédération internationale de football association (FIFA) qui a succédé à son compatriote Sepp Blatter emporté par les scandales de corruption de l’attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar. Tout le monde sait que c’est parce que l’Amérique, en 2010, n’avait pas apprécié que sa candidature ait été dédaignée par les « parrains » de la FIFA qui avaient préféré une petite principauté du Golfe persique du nom de Qatar, qui, comme les États-Unis, n’a pas une tradition et une appétence du football. Aussi l’Amérique a fait sonner la cavalerie et envoyé le shérif du Federal Bureau of Investigation (FBI) fourrer son nez dans les affaires de la Fédération des footeux pour savoir comment, pourquoi et qui sont ceux qui n’ont pas jugé sa candidature digne. À la fin des investigations, la justice américaine, saisie du dossier, a frappé dans les rangs de la FIFA.

Celle-ci a perdu bon nombre de ses têtes couronnées (7 arrêtées) qui ont avoué avoir reçu des enveloppes lourdes. On ne sait pas si Donald Trump considère ces années comme celles épiques de la grandeur passée de son pays, mais cette période a visiblement marqué Gianni Infantino et surtout son prédécesseur qui a offert à l’Amérique sa coupe, beaucoup plus que celle des redoutables États-Unis qui abritent le gros des matchs que le Mexique et le Canada. Gianni Infantino est devenu, par la crainte et la soumission comme on dit en Afrique, « un bon petit » du président américain Donald Trump. « Bon petit » est un euphémisme d’origine ivoirienne pour dire servile et courtisan.

Prix international de la paix FIFA

L’auteur David Yallop raconte comment le Brésilien João Havelange, président de la FIFA de 1974 à 1998, soit durant 24 ans, se mesurait aux chefs d’État par ses mots : « Ils ont leur pouvoir et moi j’ai le mien : le pouvoir du football, le plus grand pouvoir qui soit. » Cette hauteur de vue et la conscience de la grandeur du football qui n’a pas à baiser les bottes ne sont pas celles de Gianni Infantino qui semble avoir une sainte crainte de Donald Trump. Infantino ne se voit pas comme président face à Trump, dont il a peur qu’il sabote la prochaine Coupe du monde de 2026 en refusant que la compétition se déroule, comme il a menacé de le faire, dans les villes gérées par les démocrates aux États-Unis. Il n’a de cesse de le courtiser et de le flatter. Il est un homme à son service. La FIFA voulait initialement faire la cérémonie de tirage au sort à Las Vegas, ville symbolique des casinos, salles de jeux, où les destins se jouent au poker, devant les machines à sous… Trump a voulu et obtenu qu’elle se déroule au Kennedy Center à New York.

Gianni Infantino redoute le locataire du bureau ovale, il pense que c’est un homme à qui il faut se soumettre pour le plus grand bien de la FIFA et de son propre intérêt bien compris. C’est pourquoi il le flatte et va au-devant de ses désirs. Sachant que Trump est un homme d’affaires qui ne déteste pas que son mandat présidentiel serve ses affaires et les fasse prospérer, la FIFA a installé ses bureaux à la Trump Tower à New York lors du Mondial des clubs champions en juillet 2025. Mais ce cadeau a l’air insuffisant, que faire pour contenter le vieil homme qui préside l’Amérique et qui est avide d’honneurs et de médailles ? Le président de la FIFA a sorti de son chapeau un prix international de la paix de la FIFA, car son ami désespère d’obtenir le prix Nobel de la paix comme Barack Obama.

Pour ce prix, « L’ONG Human Rights Watch a déploré « qu’il n’y ait eu aucune transparence autour de ce choix ». Aucun critère de sélection n’a été publié en amont et le processus pour désigner le lauréat demeure mystérieux. ». Celui qui a fait bombarder les centrales nucléaires en Iran et veut faire de la bande de Gaza une riviera est un faiseur de paix ? On ne sera pas surpris d’apprendre un jour que c’est Gianni Infantino qui a voulu satisfaire l’égo de Donald Trump puisqu’il déplore depuis longtemps qu’il n’ait pas été nobélisé. Il faut être Trump pour accepter que ce soit la FIFA, fédération internationale de football comme son nom l’indique, qui vous honore pour votre action pour la paix. Les rois du monde ne sont vraiment pas à une plaisanterie près.

Israël n’est pas exclu de la FIFA

Les personnes serviles savent aller au-devant des désirs de leurs maîtres tout comme elles savent détecter les opinions et les décisions qui vont leur déplaire. Chacun sait ce que le gouvernement israélien fait au peuple palestinien. Il y a une plainte de l’Afrique du Sud contre les dirigeants israéliens pour crimes contre l’humanité et pour une guerre à caractère génocidaire dans la bande de Gaza. La FIFA avait un groupe de travail sur le conflit israélo-palestinien, mais il a été dissous parce que « la FIFA ne peut pas résoudre les problèmes politiques », dixit Gianni Infantino. La Norvège et la Turquie ont officiellement demandé à la FIFA l’exclusion d’Israël comme on l’a fait pour la Russie quand elle a envahi l’Ukraine en 2022. Des experts de l’ONU ont aussi demandé l’exclusion d’Israël au motif que la faîtière du football ne doit pas fermer les yeux sur les graves violations des droits humains.

Mais ni la FIFA ni l’UEFA ne sont sensibles aux droits du peuple palestinien et aux souffrances qu’il subit dans la bande de Gaza. Gianni Infantino pourtant, en 2022, au lancement de la Coupe du monde de football au Qatar, disait : « Aujourd’hui, je me sens qatari ; aujourd’hui, je me sens arabe ; aujourd’hui, je me sens africain ; aujourd’hui, je me sens gay ; aujourd’hui, je me sens handicapé ; aujourd’hui, je me sens un travailleur migrant. » Il voit la haine irascible de Donald Trump contre l’Afrique du Sud et ses dirigeants pour son soutien courageux à la cause palestinienne et il n’aimerait pas que le président américain se fâche avec la FIFA car cette coupe du monde promet aussi, comme au Qatar, de produire beaucoup de pièces sonnantes et trébuchantes. Et la FIFA compte sur elle pour arriver au terme des années 2023-2026 à des recettes record de 13 milliards de dollars américains, soit 6 500 milliards de nos francs CFA.

Et pour Gianni c’est une très bonne chose, il y aura l’assurance d’un bonus sur son salaire et de l’argent à distribuer aux fédérations pauvres pour qu’elles votent pour un 4ᵉ mandat auquel il ne peut pas prétendre. Après le succès de la Coupe du monde au Qatar, il a obtenu un bonus de 2 millions d’euros. Et on comprend qu’il ne se préoccupe pas des droits humains des Palestiniens et des supporters de football, dont ceux d’Iran et de Haïti qualifiés pour cette Coupe du monde mais dont les ressortissants ne peuvent pas obtenir de visas pour aller au pays de Donald Trump. Les joueurs et les encadreurs auront leurs visas mais personne ne sait ce qui va se passer pour les supporteurs.

La FIFA n’a jamais été une organisation à la gouvernance vertueuse, mais les choses ne se sont pas améliorées avec Infantino qui a viré deux responsables de son comité d’éthique. Lequel comité menait des investigations contre lui. Comme exemple de cette détérioration de la gouvernance, les règles changent selon la tête du client. Ainsi Cristiano Ronaldo, qui avait une pénalité pour la prochaine Coupe du monde, a eu une réduction et ne sera absent qu’à un match de son pays. Ronaldo est aussi un ami de Donald Trump. Mais la grande colère qui monte, c’est celle des supporters européens qui se plaignent des prix des billets d’entrée aux stades pour la prochaine Coupe du monde, dénonçant une cupidité incroyable de la FIFA. Les pauvres ont inventé le football, dit un supporter, les riches le leur ont volé. Gianni Infantino ne peut plus se réclamer des 209 pays ou fédérations nationales. Et il n’a plus derrière lui « 300 millions de footballeurs actifs et plus d’un milliard et demi de fans ».

Sana Guy

Lefaso.net

.

Source: LeFaso.net