
Bertin Nyamba a brillamment soutenu sa thèse de doctorat en Sciences économiques et de gestion, option Économie du développement, pour l’obtention du grade de Docteur de l’université Nazi Boni, ce mardi 16 décembre 2025 à Bobo-Dioulasso. Intitulée : « Effets multidimensionnels de la grande irrigation sur le développement rural au Burkina Faso : une approche quasi-expérimentale appliquée à la commune de Di », cette recherche apporte un éclairage scientifique sur l’impact réel des grands aménagements hydroagricoles au Burkina Faso.
La soutenance s’est tenue devant un jury présidé par le Pr Tibi Didier Zoungrana, de l’université Thomas Sankara. Les rapporteurs étaient Windinkonté Séogo, maître de conférences agrégé à l’université Joseph Ki-Zerbo, et Wendgloumdé Agnès Zabsonré, maître de conférences agrégé à l’université Nazi Boni. L’examen a été assuré par Idrissa Ouiminga, maître de conférences agrégé à l’université Joseph Ki-Zerbo. Les travaux ont été conduits sous la direction scientifique de Patrice Rélouendé Zidouemba, maître de conférences agrégé à l’université Nazi Boni.

Au terme des échanges scientifiques et de la délibération, le jury, à l’unanimité, a jugé le travail recevable et a élevé le candidat au grade de Docteur de l’université Nazi Boni, avec la mention très honorable, saluant la qualité méthodologique, l’originalité de l’approche et la pertinence des résultats pour les politiques publiques de développement rural. Dans son mot introductif, le président du jury a souligné que cette thèse intervenait à « un moment crucial où le Burkina est confronté aux défis conjugués des changements climatiques, de la sécurité alimentaire et de la pauvreté rurale ».
Une étude au cœur des défis agricoles et sociaux
Dans un contexte marqué par la faible productivité agricole, l’insécurité alimentaire et la persistance de la pauvreté en milieu rural, l’irrigation s’impose comme un pilier de la stratégie de développement agricole du Burkina Faso. Toutefois, les effets concrets des investissements de grande envergure demeurent encore peu documentés. C’est à cette problématique que répond la thèse de Bertin Nyamba, en évaluant les effets socioéconomiques, nutritionnels et sanitaires des aménagements hydroagricoles à grande échelle dans la commune rurale de Di.

L’étude repose ainsi sur des enquêtes de terrain menées entre 2022 et 2023 auprès de 1 080 ménages, répartis entre zones irriguées (Di) et zones non irriguées (Kassoum). La méthodologie mobilise des outils économétriques rigoureux, notamment l’appariement sur le score de propension (PSM) et le modèle de régression à commutation endogène (ESR), afin de corriger les biais de sélection observables et non observables.
Des résultats probants, mais des défis à relever
Structurée en trois essais, la thèse met en évidence des résultats probants. Sur le plan économique, l’adoption de l’irrigation génère un gain financier moyen de 762 435 FCFA par hectare, malgré un surcoût de production estimé à 145 951,63 FCFA par rapport à l’agriculture pluviale. Sur le plan alimentaire, les ménages irrigants enregistrent une amélioration de 16 points du score de consommation alimentaire, traduisant une meilleure diversité et une plus grande stabilité de l’alimentation. Ces résultats confirment que la grande irrigation contribue à renforcer la sécurité alimentaire et à accroître les capacités de résilience des ménages face aux chocs climatiques. « Notre recherche a montré que l’irrigation améliore significativement le revenu des producteurs et leur consommation alimentaire », a expliqué le nouveau docteur à l’issue de sa soutenance.
Toutefois, la recherche ne se limite pas aux seuls bénéfices. Elle met également en lumière des externalités négatives, notamment sur le plan sanitaire et environnemental. L’étude révèle un coût sanitaire compris entre 25 932 et 27 915 FCFA pour les ménages irrigants, lié notamment à la mauvaise utilisation des produits phytosanitaires, aux problèmes d’hygiène, mais aussi à l’insuffisance des infrastructures de drainage et à la stagnation des eaux. « Il y a des problèmes de pollution des sols et des nappes phréatiques, ce qui accentue les risques sanitaires », a reconnu Bertin Nyamba, appelant à une meilleure prise en compte de ces aspects dans la mise en œuvre des projets hydroagricoles.
En intégrant ces coûts, l’analyse conclut néanmoins que, toutes choses égales par ailleurs, la grande irrigation contribue globalement à une amélioration du bien-être social dans la commune de Di. Les conclusions de la thèse confirment que la grande irrigation constitue un levier majeur de transformation agricole et de réduction de la pauvreté au Burkina Faso. Elles appellent toutefois à une gouvernance plus intégrée et durable, combinant investissements agricoles, mesures de santé publique, gestion environnementale et accompagnement institutionnel, notamment l’accès au crédit, l’encadrement technique et le renforcement des organisations paysannes.
Une thèse jugée holistique par le jury
Pour le Professeur Tibi Didier Zoungrana, président du jury, la force de ce travail réside dans son caractère global. « Cette thèse est holistique. Elle analyse les effets de la grande irrigation sur le revenu agricole, la sécurité alimentaire, mais aussi sur la santé des ménages. Peu de travaux prennent en compte ces trois dimensions simultanément », a-t-il souligné. Selon lui, ce travail constitue une base scientifique solide pour les décideurs publics, dans un contexte où l’irrigation devient un complément indispensable à l’agriculture pluviale, notamment face aux aléas climatiques.

Le directeur de thèse, Dr Patrice Rélouendé Zidouemba, a, pour sa part, salué la rigueur académique et l’originalité méthodologique du travail. « La thèse a été menée dans le respect des règles académiques. Elle a déjà donné lieu à trois publications scientifiques dans des revues internationales indexées, ce qui témoigne de sa grande qualité », a-t-il affirmé. Il a aussi insisté sur l’intérêt stratégique des résultats pour l’action publique, invitant les autorités à intégrer systématiquement les impacts sanitaires dans les politiques d’irrigation.

Des recommandations pour une gouvernance durable de l’irrigation
Au regard des résultats, la thèse recommande une approche intégrée du développement hydroagricole. Parmi les principales recommandations figurent : la réalisation systématique d’audits environnementaux rigoureux avant la mise en œuvre des projets ; le renforcement de l’encadrement technique des producteurs ; des formations environnementales et sanitaires adaptées ; l’amélioration des infrastructures de drainage et d’assainissement ; un meilleur accès au crédit et un appui accru aux organisations paysannes.
« Il faut atténuer les effets nuisibles pour maximiser les bénéfices de l’irrigation », a insisté le nouveau docteur. Visiblement ému, Bertin Nyamba a exprimé un sentiment de satisfaction et d’accomplissement. « C’est un défi relevé. Je suis très fier, d’autant plus que cette question me tient à cœur et que je suis natif de Di, où j’ai vu l’évolution des périmètres aménagés », a-t-il confié.
Employé au ministère de l’Économie et des finances, le nouveau docteur entend mettre son expertise au service du Burkina Faso, afin de contribuer à l’élaboration de politiques publiques plus efficaces et plus durables. Par cette recherche, Bertin Nyamba apporte une contribution scientifique majeure au débat sur l’irrigation et le développement rural durable au Burkina Faso, offrant aux décideurs une lecture complète des opportunités et des défis liés aux grands aménagements hydroagricoles.
Romuald Dofini
Lefaso.net
Source: LeFaso.net


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