Ancien député du Conseil national de la transition, Claude Ouédraogo est président d’un parti politique. Le Mouvement pour le progrès et le changement (MPC), membre de la majorité présidentielle. A travers cet entretien à bâtons rompus, il ne manque pas de fustiger la démarche de la CODER (Coalition pour la Démocratie et la Réconciliation nationale). A la veille du meeting de l’opposition, le mouvancier est amer.

Lefaso.net : Le pays a connu des remous (insurrection populaire, coup d’Etat), actuellement on parle de réconciliation nationale, comment voyez-vous les différents appels à l’apaisement des cœurs ?

Claude Ouédraogo : Un pays ne peut se construire dans la déchirure, la haine. La réconciliation doit concerner tout le monde, pas seulement quelques individus. Pour construire notre pays, il faut désarmer les cœurs. Mais, il faut aussi savoir qu’il ne peut y avoir réconciliation sans justice.

Comment appréciez-vous la démarche de la CODER, qui prône également la réconciliation ?

La démarche de la CODER m’a un peu choqué. Moi j’aurais compris qu’ils rencontrent d’abord la base, aller voir les parents des victimes, au fur et à mesurer en attendant la justice. Mais quand on se lève, pour aller voir les anciens présidents, il y a problème, sans avoir posé de préalables. C’est la façon de mener les choses qui fait mal. Il y a moins de trois ans que les faits se sont passés, on n’a pas oublié. On ne peut pas enjamber les morts pour parler de réconciliation nationale, sans avoir situé les responsabilités.

Mais la CODER n’exclut pas l’étape de la justice…

Le fait de se déplacer à Abidjan voir le président Blaise Compaoré, pour eux c’est normal, mais de là à en faire du tapage médiatique sur une quelconque réconciliation et dire que Blaise Compaoré a déjà pardonné, c’était le pas à ne pas franchir. Gilbert Noel Ouédraogo a certes rectifié, mais c’était déjà trop tard, parce que la sortie d’un des membres de la délégation avait déjà heurté l’opinion publique. La réconciliation nationale devait se faire ici avec tout le monde, avant de sortir. Que ceux qui sont en exil reviennent au bercail pour qu’on se parle.

D’aucuns estiment que la CODER fait doublon avec le Haut conseil pour la réconciliation et l’unité nationale (HCRUN). Est-ce votre avis ?

Bien sûr. Avec l’existence du HCRUN, la CODER devrait patienter et attendre le résultat des travaux, tout en continuant les démarches au plan national pour demander pardon.

Est-ce qu’on peut dire que tout baigne au Faso actuellement, avec ces grèves, sit-in à n’en pas finir ?

Je pense que oui. Après l’insurrection, des gens avaient prédit qu’on mettrait au moins 10 ans pour remettre le pays sur les rails, mais nous voyons que la situation nationale se porte bien. L’économie va de mieux en mieux. Il y a des efforts qui sont faits, on sent de la volonté, de l’engagement des nouvelles autorités à répondre aux aspirations du peuple. Mais je comprends que les burkinabè soient pressés.

Il ne faut pas non plus se voiler la face, le président de l‘Assemblée nationale lui-même a reconnu que les populations souffrent, lors du discours sur la situation de la nation du Premier ministre à l’Assemblée nationale…

On ne se voile pas la face. Nous réaffirmons notre soutien au Premier ministre, au président du Faso. En tant parti membre de la majorité présidentielle, nous le disons et nous reconnaissons les efforts consentis. Bien entendu, tout en reconnaissant qu’il y a toujours des chantiers à réaliser. Le président de l’Assemblée nationale a juste dit d’aller rapidement pour satisfaire la population dont les besoins sont grands.

Est-ce qu’être de la majorité présidentielle, signifie que vous devrez tout voir en rose de l’action gouvernementale et ne pas avoir un regard critique ?

Mais nous critiquons, nous ne disons pas que tout est rose. Dans aucun pays au monde, on ne peut dire que tout est rose. C’est difficile en trois ans d’arriver à satisfaire des besoins non comblés par 27 ans de gestion du pouvoir. Le meilleur viendra avec le président du Faso, Roch Kaboré. Nous en sommes convaincus.

L’actualité nationale est aussi marquée par ce meeting du chef de file de l’opposition ce 29 avril 2017. En tant que parti membre de la majorité présidentielle, on présume que vous ne voyez pas d’un bon œil cette activité…

Quand il n’y a pas d’opposition dans un pays, on parle de monarchie, de dictature. C’est de leur droit de manifester. L’opposition veut le pouvoir mais ne l’aura jamais, parce que nous sommes convaincus que le peuple burkinabè a les yeux ouverts. Le changement est venu avec le président Roch Kaboré. Avec lui, nous amènerons le pays là où couleront le miel et le lait. Nous travaillons à satisfaire les besoins fondamentaux de la population.

Je pense que le peuple burkinabè ne va pas user ses chaussures en passant son temps à marcher. Nous avons déjà marché pour obtenir le changement et nous l’avons obtenu.

Vous vous rappelez qu’il y en a qui avaient dit qu’une marche n’a jamais changé une loi, ou que les gens pouvaient marcher sur leurs têtes ; vous connaissez la suite…N’êtes-vous pas en train de tomber dans le même piège ?

Absolument pas. Nous travaillons et nous avons hérité d’un pouvoir démocratiquement élu. Le peuple a déjà choisi, et est prêt à accompagner le président qui a été élu. L’opposition ne pourra pas soulever la population. Le 29 avril vous verrez. Les gens ont compris et veulent que le Burkina aille de l’avant, vivre dans la paix. Nous demandons aux gens de rester sereins, car le meilleur est avec le président Kaboré.

Vous êtes président de parti politique, et normalement vous êtes appelé à conquérir le pouvoir d’Etat. Apparemment vous vous plaisez dans la mouvance présidentielle, êtes-vous né juste pour accompagner ?

Pas du tout. Le Mouvement pour le progrès et le changement (MPC), soutient les actions du président Roch Kaboré. Cela ne veut pas dire que nous sommes nés pour juste soutenir. Nous sommes là pour apporter un plus à la démocratie, au peuple burkinabè. Le programme du président nous a convaincus, voilà pourquoi nous le soutenons, nous partageons les mêmes idéaux.


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Entretien réalisé par Tiga Cheick Sawadogo

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Source: LeFaso.net