Voici qui relance (bruyamment) le débat sur le Franc CFA. Le président de l’ONG Urgences Panafricanistes, le franco-béninois Kemi Seba, a été placé sous mandat de dépôt vendredi 25 aout 2017, à la prison centrale de Rebeuss au Sénégal. Il doit comparaitre ce mardi 29 aout. Il est astreint en justice par la BCEAO qui lui reproche d’avoir brûlé un billet de 5 000 FCFA lors d’un rassemblement, le 19 août à Dakar. Depuis, les opinions sont partagées.

Le président de l’ONG Urgences Panafricanistes, le franco-béninois Kemi Seba fait l’actualité. Plus qu’à l’époque où il organisait (simplement) des meetings de protestation contre le F CFA, ce vestige de l’époque coloniale.

Il a frappé fort cette fois en brulant un billet de 5000 F CFA, lors d’un rassemblement le 19 aout dernier à Dakar, où il réside depuis.

« Je savais qu’en effectuant cet acte purement symbolique, la BCEAO (Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest), sans doute sur commande de la Banque de France, engagerait une procédure visant à me mettre en prison. Je le savais, et je suis prêt à en payer le prix du plus profond de mon âme », avait écrit l’activiste sur sa page Facebook après que la banque a déposé sa plainte.

La procédure judiciaire engagée par la Banque n’étonne donc pas l’activiste. A le lire, c’est ce qu’il voulait. Et il n’a pas prêché dans le désert. Pour mener ce genre de combat, il faut aller au delà du conventionnel, choquer les esprits, poser des actes forts pour se faire entendre. On ne peut le loger à la même enseigne que le ”survolté” Stellio Capo Chichi alias Kemi Seba, mais Nelson Mandela n’avait-il pas brulé son passeport de l’Afrique du Sud sous l’apartheid, pour ajouter de l’eau à son moulin ?

Martin Luter King nous rappelait en 1963, notre droit d’obéir aux lois justes et notre devoir moral de désobéir aux lois injustes.

Le Franc CFA, créé par la France de l’après-guerre et encore d’actualité dans 14 pays d’Afrique subsaharienne est de plus en plus contesté. Ce ”biberonnage” des pays africains au plan monétaire ne passe plus, et tôt ou tard, il faudra en parler. Chacun y va de ses moyens.

Des activistes de la société civile, donnent de plus en plus de la voix. Des présidents comme Roch Kaboré du Burkina Faso et Idriss Deby du Tchad ont récemment fait savoir que ce n’était pas un sujet fermé au débat. Bien au contraire.

L’opinion divisée

Depuis le geste de Kemi Seba, l’opinion est divisée. D’une part, ceux qui traitent l’activiste de tous les noms d’oiseaux, sans que l’on ne comprenne trop cette auto flagellation. Il ne serait pas le mieux placé pour mener ce combat. Ce serait un noble combat, mené par la mauvaise personne. On ne pourrait imputer le retard de l’Afrique au seul fait du CFA. Certes. Certains vont plus loin en déclarant que le franco-béninois est un populiste et qu’il mérite bien le cachot pour se ramollir. Sur les réseaux sociaux, et sur d’autres canaux de diffusion, Kemi Seba est tourné en bourrique, sans que l’on ne comprenne vraiment pour quelle raison. Quel est le problème ? Pourquoi certains africains sont si rigides aux idées progressistes.

De l’autre côté, il y a ceux qui louent le courage et l’engagement de l’activiste qui a seulement le mérite de ressusciter un vieux débat. Qu’y a-t-il de mauvais de revendiquer la souveraineté monétaire pour les pays africains ?

Le geste de Kemi Seba qui a consisté a brulé un billet de banque publiquement peut être sujet à débat. Mais il a eu le mérite de porter le débat plus loin, cette fois-ci. Au passage qui est plus légitime pour poser de tels débats ? Les chefs d’Etat dont la proximité avec Paris les amènent à se ranger docilement en évitant soigneusement d’aborder les sujets qui fâcheraient le prince colon ?

Même si la BCEAO était sourde aux différentes revendications des antis CFA, elle aura tout le temps d’entendre les arguments de la défense au procès. Lequel procès s’ouvre ce mardi 29 aout et sera sans doute suivi avec attention.

Tiga Cheick Sawadogo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net