Arrivé hier, lundi, à Ouagadougou, le président français Emmanuel Macron s’est rendu ce mardi 28 mars au Palais de Kosyam où il a été reçu en audience par son homologue, Roch Marc Christian Kaboré. A l’issue d’un tête-à-tête, les deux chefs d’Etats se sont prêtés aux questions des journalistes : affaire Thomas Sankara, extradition de François Compaoré, opérationnalisation du G5 Sahel dans la lutte contre le terrorisme, colonisation et esclavage en Libye. La presse n’a rien laissé de côté.

Avant de mettre le cap sur l’université Pr Joseph Ki-Zerbo où il est attendu pour prononcer son discours sur l’ambition de la France avec l’Afrique, le président Emmanuel Macron s’est rendu chez le président Roch Kaboré où il s’est entretenu avec lui plusieurs sujets d’actualité. A l’issue de leurs audiences, une soixantaine de journalistes attendaient impatients d’aborder des questions qui revenaient depuis peu dans le milieu de la presse.

Première question des documents couverts par le secret-défense nationale dans l’affaire d’assassinat de Thomas Sankara et 11 de ses camarades. « J’ai pris un engagement clair, je peux le rendre public aujourd’hui : ces documents seront déclassifiés pour la justice burkinabè, tous. La justice burkinabè aura accès à tous les documents qui concernent l’affaire de l’assassinat de Thomas Sankara », a annoncé Emmanuel Macron.

L’engagement de Macron

Pour ce qui est l’affaire de l’affaire François Compaoré, interpellé en France le 29 octobre dans le cadre du dossier d’assassinat du journaliste Norbert Zongo et de trois de ses camarades, le président Macron a rappelé que cette interpellation est le fruit d’une coopération entre la justice française et celle burkinabè, lesquelles sont indépendantes. La justice burkinabè a demandé l’extradition du frère de l’ex-président Blaise Compaoré mis sous contrôle judiciaire et bien qu’il appartienne à la justice française de rendre sa décision, Emmanuel Macron a assuré qu’il fera « tout pour faciliter cette décision ».

« Je ne suis ni dans le déni ni dans la repentance »


« C’est notre histoire commune. Elle a des plis et des replis. Je l’ai toujours assumé. Ce n’est ni la colonisation ni le discours contre la colonisation qui donnera une éducation, un travail à manger, un avenir et de l’espoir à la jeunesse du Burkina Faso comme à celle du reste de l’Afrique », a déclaré Emmanuel Macron. Même si la colonisation est l’une des plus sombres pages de l’histoire de la France, le président français a demandé aux peuples africains de sortir de ce traumatisme du passé et à avoir une relation décomplexée et d’avenir. « Je ne suis ni dans le déni ni dans la repentance. Je suis frappé de voir que ceux qui sont dans la repentance entretiennent le déni des autres. Nous sommes dans un pays où la jeunesse qui est forte n’a jamais connu la colonisation et il faut qu’elle sorte des représentations des ainés qui ne veulent pas sortir de la colonisation. Ceux sont les mêmes qui se tournent vers la France dès qu’il y a un problème, en disant : venez nous sécuriser ici ; ce sont les mêmes, journalistes et politiques, qui disent dès qu’il y a un problème en Afrique : que pensez-vous de ceci ou de cela ; comme si nous étions une puissance coloniale, et puis le jour d’après qui se retournent vers la France en lui disant : que faites-vous ici ? »

Pour ce qui est de l’opérationnalisation du G5, Emmanuel Macron estime qu’elle n’avance pas assez vite. « Il faut que nous passons à la vitesse supérieure (…) quand on fait la guerre il faut des victoires. C’est essentiel et il est indispensable que nous arrivions à gagner cette guerre le plus rapidement possible », a insisté le président français tout en rappelant que l’objectif de cette force est de permettre aux armées africaines d’être maîtres de la région du Sahel afin d’y maintenir une sécurité collective.

L’esclavage et les remèdes français


Pour ce qui est de l’esclavage des migrants africains en Lybie, mis à nue par la chaine américaine CNN, Emmanuel Macron a confié que les choix faits sur la Lybie n’étaient pas forcément les bons. Il a réaffirmé sa volonté d’œuvrer à la stabilisation politique de ce pays en crise depuis la chute et l’assassinat du guide Libyen, Muhamar Kadhafi. « J’ai comme vous été choqué par les images atroces que nous avons vu. La France condamne avec la plus grande force ce qui est un crime contre l’humanité », a laissé entendre le président français. Et de donner les pistes de solutions pour résoudre de manière efficace ce fléau qui passe d’abord par la stabilisation politique du pays.

Tout d’abord, le président français dit avoir pris la décision fin août dernier d’apporter la protection du droit d’asile à tous les ressortissants africains et de travailler en particulier avec le Niger et le Tchad « pour éviter que des hommes et des femmes qui ont droit à l’asile ne courent des risquent à aller passer des mois dans les camps en Lybie ou ne prennent des risques dans la méditerranée ».

Ensuite, l’hôte du président Kaboré a noté l’importance de travailler avec l’Organisation mondiale des migrations (OIM), le Haut-Commissariat des réfugiés et Tripoli pour favoriser le retour dans les pays d’origine des migrants.

Enfin, Emmanuel Macron estime que les réseaux de trafiquants doivent être démantelés de manière résolue. Et il a annoncé que lors du sommet Union africaine/Union européenne à Abidjan, il plaidera pour que les deux institutions s’y attèlent plus efficacement.

« C’est naturel »

La France, à travers la visite d’Emanuel Macron, est-elle la bienvenue en Afrique, au regard des mouvements estudiantins et de l’explosion d’une grenade la nuit dernière à Ouagadougou ? La réponse est affirmative pour le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré qui note que l’Afrique est traversée par un certain nombre de pensées politiques. « Cela, je pense n’est pas une nouveauté et cela ne pose pas des raisons de penser qu’il y a des risques particuliers au Burkina vis-à-vis des relations entre la France et le Burkina Faso », a-t-il rassuré.

Pour sa part, Emmanuel Macron a indiqué que la France est en Afrique lorsque celle-ci est menacée dans son intégrité ou sa stabilité tout comme l’Afrique a été du côté de la France quand elle a été attaquée. « C’est naturel », s’est-il exprimé avant de rendre hommage aux soldats français et à ceux africains. Pour lui, les victimes de l’explosion de cette grenade ne sont pas celles d’une réaction à la venue du président français. « Ce sont les victimes du terrorisme et d’un terrorisme mortifère, obscurantiste », a-t-il déclaré. Enfin pour ce qui est des réactions discordantes, il a souligné qu’il s’agit d’une expression plurielle d’une vie démocratique riche »

Herman Frédéric Bassolé

Lefaso.net

Source: LeFaso.net