La question du franc CFA fait actualité ces derniers mois. Depuis l’annonce de son arrivée au Burkina, d’où était également attendu son discours à l’Afrique, Emmanuel Macron canalisait les intentions sur cette question également. Ce mardi, 28 novembre 2017 à l’Université de Ouagadougou pour son discours, l’actuel locataire de l’Elysée a effectivement fait face à cette ‘’épine”. Et là, a saisi une balle au bond …

Le président français, pour ne pas dire la France, était très attendu sur cette question. Le Franc CFA. Emmanuel Macron et son staff s’y attendaient, sans doute. C’est une des questions qui fâchent, au regard de tout ce qui s’est exprimé sur cette partie (partageant le CFA) du continent ces derniers mois. Ils ont donc préparé cette riposte. Selon ses propres mots sur ce sujet, pas de « discours simpliste » sur cette « question compliquée ». Sans peur. Que chacun s’assume ! Surtout en mesurant les conséquences de ses actes !

« Le Franc CFA, la France n’en est pas le maître, elle en est le garant. Qu’est-ce que ça veut dire ? ça veut dire d’abord que c’est un choix des Etats-membres de la zone CFA. Personne n’oblige quel qu’Etat que ce soit, à en être membre. Le président Kaboré, décide demain : ‘’ je ne suis plus dans la zone Franc CFA”, il n’y est plus. Ce sont les Etats africains qui sont dans la zone Franc, qui sont les maîtres de leur destin et qui peuvent totalement choisir. Donc, n’ayez pas ce discours de revendication (et là aussi, qui a des accents post-coloniaux qui ne sont pas ceux de votre génération) », réplique avec verve à la préoccupation de cet étudiant sur le sujet.

Puis, une sorte de cours d’histoire. « Pourquoi il y a eu la zone Franc ? C’est le fruit d’une histoire. Dans une zone qui avait une histoire, un destin commun. On a créé une monnaie commune, comme il y avait beaucoup d’aller-retour, cette monnaie a été accrochée au Franc, pour une question de stabilité. Le Franc est ensuite passé à l’Euro… (…). Qu’est-ce qui peut être vu comme insuffisance dans la zone Franc actuellement ? D’abord, le franc CFA n’a plus le bon périmètre (notamment avec la présence du Nigeria). Mais, je sais que ça donne de la stabilité monétaire dans la région et c’est pour cela que, quelque soient les débats, les dirigeants ne se sont pas empressés de le déchirer », a développé le président français devant la jeunesse africaine de l’Université de Ouagadougou.

Pour l’« enseignant » du jour, il faut réfléchir à construire une relation monétaire plus ouverte …et s’interroger sur le lien qui est fait avec le niveau de l’Euro et l’Euro. « Ensuite, il y a une vraie réflexion technique et économique pour votre pays ; qu’est-ce qui est bien pour lui. Et là, moi je vous dis : la France accompagnera la solution qui sera portée par vos dirigeants. Donc, j’accompagnerai la solution qui sera portée par l’ensemble des dirigeants de la zone Franc actuelle et qui ont en partage le franc CFA », poursuit l’orateur, confiant être favorable à sa suppression, s’ils (dirigeants concernés) estiment que c’est mieux pour eux.

Enfin, il se « permet » un conseil : « Je ne peux pas être plus détendu sur le sujet… C’est pour la France, un non-sujet. Par contre, c’est pour vos dirigeants, un vrai sujet de stabilité qu’il faut aborder avec beaucoup de sérieux. N’ayez pas, sur ce sujet, une approche bêtement post-coloniale ou anti-impérialiste ; ça n’a aucun sens. Ce n’est pas de l’impérialisme. Ce n’est pas vrai. Donc, il ne faut pas avouer ce discours-là, parce que vous allez faire des bêtises ».

Ce discours de Ouagadougou du président Macron a révélé beaucoup de choses ; tant aux Burkinabè qu’à toute l’Afrique, et auxquels il faut courageusement faire face. Sans passion ni égoïsme. Ce ‘’choc” des situations rappelle aujourd’hui ces propos de l’historien, spécialiste de l’histoire politique et culturelle du panafricanisme, Dr Amzat Boukari-Yabara, défenseur de l’idéal panafricaniste dans une interview accordée en mai 2017 à Lefaso.net : « Je suis assez réservé sur les discours fondamentalement révolutionnaires, je suis assez réservé sur les personnes qui disent par exemple NON au Franc CFA, mais qui, dans leur quotidien, n‘ont toujours pas inventé autre une modalité de payer leurs produits que d’utiliser du franc CFA (ils vendent des T-shirts estampillés Non au franc CFA, mais pour vous les vendre, il faut les payer en franc CFA).

C’est pour cela vraiment que j’ai appelé à une insurrection de l’intelligence ; nous devons repenser les chaînes auxquelles nous sommes liés, parce que dans tous les cas, nous sommes comme dans l’image du cheval qui est attaché à une chaise et qui ne sait pas qu’il suffit qu’il bouge et la chaise tombe et qu’il peut partir ! On est un peu dans ce schéma-là. Je pense que nous sommes beaucoup trop dans l’attentisme, nous attendons que les choses viennent de l’extérieur, que l’on nous dise qu’on peut faire quelque chose, qu’on nous dise qu’il faut se réveiller, etc. Alors que non, chacun peut, au quotidien, apporter sa pierre et sa contribution. Oui, il faut sortir du Franc CFA, c’est évident. (…). Maintenant, dans la façon dont le débat est mené, il y a beaucoup de choses qui me semblent contre-productives, qui me semblent un peu décalées, voire déplacées, qui ne sont pas suffisamment stratégiques » (à lire ici : http://lefaso.net/spip.php?article76985).

Créé par décret du général de Gaule, le 24 décembre 1945, le Franc CFA a, aujourd’hui, cours dans quatorze pays d’Afrique subsaharienne, occidentale et centrale. Le débat sur le franc CFA se multiplie de plus en plus en Afrique et en août 2017, il a connu un pic avec Kémi Séba (leader de la contestation contre le Franc CFA en Afrique francophone) qui avait brûlé un billet de 5 000 francs CFA à Dakar au Sénégal.

Oumar L. Ouédraogo

(oumarpro226@gmail.com)

Lefaso.net

Source: LeFaso.net