« La puissance qui s’acquiert par la violence n’est qu’une usurpation et ne dure qu’autant que la force de celui qui commande l’emporte sur celle de ceux qui obéissent ; en sorte que, si ces derniers deviennent à leur tour les plus forts, et qu’ils secouent le joug, ils le font avec autant de droit et de justice que l’autre qui le leur avait imposé. La même loi qui a fait l’autorité la défait alors : c’est la loi du plus fort ». Cet extrait de l’Encyclopédie, premier tome, écrit en 1751 par Denis Diderot qui y combat l’absolutisme, Blaise Compaoré l’aura vécu à ses dépens.

En effet, arrivé au pouvoir le 15 octobre 1987 par la force – via l’assassinat du président Thomas Sankara – et la répression des détracteurs à son coup d’Etat, l’ex-président Compaoré a finalement quitté le pouvoir au terme d’une insurrection populaire, le 31 octobre 2014, sur la pointe des pieds, par la manière avec laquelle il s’est arrogé le pouvoir : le recours à la force.

Mais cette fois-ci, la force légitime du peuple qu’il a soumis à ses desiderata pendant 27 ans de règne sans partage. Son diktat n’aura donc duré qu’aussi longtemps qu’il a été fort.

Et ce, en attendant que le rapport des forces tourne en faveur du peuple qui l’a éjecté de son poste éjectable auquel il voulait s’accrocher telles les feuilles marcescentes d’un bambou qui refusent de se détacher de la plante au terme de leur période d’utilité. Alors, la loi qui a fait l’autorité de Compaoré est la même loi qui l’a défait. C’est le triomphe de la loi du plus fort. Tout est donc une question de rapport de force.

La seconde leçon qu’il faut retenir à ce 4è anniversaire de l’insurrection populaire de fin octobre 2014 est que le peuple reste le seul légitime mandant du pouvoir politique. Et que personne ne peut contrarier sa volonté quand il décide de prendre son destin en main au sein d’une organisation bien canalisée par des leaders chevronnés en matière de lutte, soit-elle politique ou non.

Cela s’est vérifié aux Etats-Unis dans la lutte anti ségrégationniste des Noirs américains coordonnée dans les années 60 par Martin Luther King et au Sénégal avec l’osmose y créée par la classe politique et la société civile (avec le mouvement Y en a marre comme figure de proue) qui a occasionné la chute du président Wade en 2012.

Et c’est avec son effet de boule de neige que la même règle a provoqué la messe de requiem politique de Compaoré qui voulait se visser à son fauteuil présidentiel telle une huître à son rocher et ce, en modifiant l’article 37 de la Constitution burkinabè.

La levée de boucliers qui s’en est suivie à l’époque, à travers les multiples marches de la classe politique et de la société civile, a achevé de convaincre de la détermination du peuple burkinabè, notamment sa frange jeune, à donner un nouveau souffle à sa démocratie qui rimerait avec bonne gouvernance.

Car, nul besoin d’être Protée ou Kahina pour deviner que la colère d’alors du peuple burkinabè contre Compaoré était l’expression de sa soif du renouvellement de la classe politique aux affaires et d’une gouvernance vertueuse, notamment sur les plans économique, social et judiciaire où les esprits de Norbert Zongo, Dabo Boukari, etc., ont hanté le sommeil de l’ancien régime, tissé la toile de son waterloo (chute) et provoqué ipso facto l’exil de son capitaine.

Un véritable remake du printemps arabe où les fantômes des cadavres, dont les tombes ont été rasées pour construire le palais de l’ex-président tunisien Ben Ali, ont précipité l’exil de ce dernier à Djedda.

C’est en demeurant constant et fidèle à l’esprit de l’avènement d’un Etat de droit digne de ce nom au Burkina Faso que le même peuple, tel un bouclier humain, sortira massivement en mi-septembre 2015 pour vouer aux gémonies le coup d’Etat de Diendéré, son CND (Conseil national de la démocratie) et la médiation jugée complaisante de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) qui ont tous connu la bérézina.

Dans chacune des deux situations, la 3è leçon à retenir est qu’il aura fallu au peuple burkinabè, à l’avant-garde du combat, des leaders capables de le mobiliser et lui montrer la bonne direction à suivre. C’est la preuve qu’un peuple bien guidé est capable de déplacer des montagnes.

C’est dans de telles situations que le leadership trouve pleinement son sens. Car, on ne parlerait pas aujourd’hui d’insurrection populaire s’il n’y avait pas eu d’union sacrée de la classe politique (à travers le Chef de file de l’opposition politique) et de la société civile burkinabè.

Et en cela, l’arrivée du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) dans les rangs de la grogne anti-Compaoré déjà en marche, aura été pour celui-ci le coup de grâce qui a sonné le glas de son régime. Et comme le dit un proverbe africain : « Quand les poules deviennent très nombreuses autour du mortier et harcèlent les pileuses, celles-ci suspendent leurs actions ».



CBS L’iconoclaste

Source: LeFaso.net