Le jeudi 23 mai dernier, le ministre des Affaires étrangères et de la coopération, Alpha Barry, au cours de son séjour dans la ville de Bobo-Dioulasso, a visité le site devant abriter la construction du centre hospitalier universitaire dans la forêt classée de Kua. A l’issue de sa visite, il avait souligné un certain nombre de faits, notamment l’exploitation de la forêt en champs de culture. Selon l’inspecteur des eaux et forêts, Cheick Sidi Mohamed Traoré, « cela s’explique aisément ».

« J’étais dans cette forêt qui n’existe pas. En visite ce jeudi après-midi à Bobo-Dioulasso, je me suis rendu sur le site choisi pour le nouvel hôpital (don de la coopération chinoise) et qui fait polémique : la forêt classée de Kua. J’ai marché d’un bout à l’autre du site retenu soit 400 m de part et d’autre, je n’ai pas vu de forêt. C’est un terrain parsemé de quelques arbres et qui est en réalité un champ de culture au vu des sillons tracés sur le sol. La partie qui ressemble à une forêt et où coule une sorte de marigot est assez éloigné. Exactement comme le site de l’hôpital Yalgado à Ouagadougou avec une forêt en face traversée par un canal ou une source d’eau ». C’est l’essentiel du message que le ministre Alpha Barry avait publié sur sa page Facebook à l’issue de sa visite dans la forêt classée de Kua.

C’est suite à ces propos du ministre Barry, que nous avons rencontré les forestiers pour en savoir davantage sur les raisons de l’exploitation de la forêt classée de Kua en champ de culture. Selon l’inspecteur des eaux et forêts, Cheick Sidi Mohamed Traoré, « cela s’explique aisément ». A l’en croire, l’exploitation qui se fait présentement au niveau de la forêt, rentre dans le cadre de l’agroforesterie. Il a indiqué que ce sont des actions qui sont prévues dans le plan d’aménagement de ladite forêt. Lequel plan a été validé en session provinciale, par la commission d’aménagement du territoire en son temps, devenu aujourd’hui, la commission d’aménagement provinciale et du développement durable du territoire. Puis validé par la commission régionale et nationale. « C’est un plan consensuel. Cette commission est composée non seulement de forestiers, mais aussi des forces vives, des acteurs du développement rural, du commerce, de la santé, etc. Le plan d’aménagement a une durée de vie. C’est-à-dire que l’exploitation qui est faite n’est pas infinie dans le temps », a indiqué M. Traoré.

En effet, dans le cadre de la coopération entre le Burkina Faso et le Luxembourg, le projet d’appui à la gestion participative des ressources naturelles dans la région des Hauts-Bassins (BKF/012) appuie la gestion des forêts classées de Dindéréssso, Kuinima, Kou et Kua avec une enveloppe financière d’environ 4 milliards 600 millions de Francs CFA. C’est sous la conduite de ce projet que la forêt classée de Kua a bénéficié de l’élaboration de son plan d’aménagement forestier. « La règlementation forestière, précisément la loi portant code forestier au Burkina Faso, dit qu’en dehors des droits d’usage commun reconnus aux populations, aucune autre activité n’est autorisée dans une forêt classée sauf si cette forêt dispose d’un plan d’aménagement. L’aménagement, c’est exploiter la forêt dans le sens de tirer profit de la forêt sans nuire à sa pérennité. C’est une sorte de gestion durable et participative de la forêt », a-t-il expliqué.

Selon lui, « ce que les gens appellent champ, en réalité ce sont des espaces agro-forestiers ». Il a par ailleurs expliqué que l’agroforesterie est un concept qui permet d’associer les cultures aux arbres. « C’est une forme de gestion aussi de la forêt. Le plan d’aménagement de Kua prévoit sur une partie d’une unité d’aménagement (sur cinq unités d’aménagement), la pratique de l’agroforesterie », a indiqué Cheick Sidi Mohamed Traoré. C’est ce qui justifie selon lui, les cultures dans cette partie de la forêt. Aux dires de M. Traoré, cette pratique permet la régénération naturelle des espèces qui poussent naturellement et de protéger les plants qui sont nouvellement plantés dans cette forêt. « Comme il y a du nettoyage qui se fait, ça empêche également le feu de passer. Cette pratique participe à l’entretien de la forêt et non à sa dégradation », a-t-il ajouté.

Toutefois, il a précisé que la culture dans cette forêt se fait selon un contrat de culture qui obéit à certains critères. L’agriculture dans cette forêt se fait de manière compatible à sa gestion. « Ce sont les cultures basses qui sont autorisées. C’est-à-de dire, de l’arachide, du niébé, du haricot, du sésame. Toute culture qui ne va pas en hauteur. Parce que quand ça va en hauteur, cela empêche le rayonnement solaire dont les plants ont besoin pour leur croissance. L’idée, c’est de cultiver et en même temps d’entretenir les jeunes plants qui poussent. Quand les gens y travaillent, ils travaillent aussi à préserver les jeunes plants qui sont en train de pousser. Une fois que ces plants grandissent et deviennent nombreux, naturellement on ne peut plus cultiver sur cet espace, on change de zone. C’est associer la production à la préservation de la forêt », a laissé entendre l’inspecteur des eaux et forêts.

L’urbanisation se faisant, les propriétaires terriens des villages, « à qui la forêt appartient », se sont retrouvés avec peu de terres exploitables. Ce sont majoritairement ces populations riveraines qui exploitent cette forêt. Par ailleurs, il a déploré le fait que le ministre soit venu visiter le site « sans chercher à rentrer en contact avec les responsables de l’environnement de la région ou de la province pour mieux comprendre la situation afin de mieux se préparer pour défendre son dossier ».

« Le ministre Alpha Barry n’est pas un spécialiste en matière d’environnement. Il est le ministre des Affaires étrangères et on sait qu’il est journaliste de formation, donc c’est un point de vue qu’il a donné et on peut comprendre son point de vue n’étant pas spécialiste du domaine. Lorsqu’on veut prendre une décision d’envergure, on ne la prend pas sur les avis personnels, on la prend sur des points de vue objectifs qui doivent être fondés sur des éléments scientifiques, des éléments techniques », précise t-il.[ Cliquez ici pour lire l’intégralité ]

Romuald Dofini

Lefaso.net

Source: LeFaso.net