A travers le monde, ce sont plus de sept millions de personnes qui meurent à cause du tabac chaque année. Le Burkina Faso, quant à lui, enregistre plus de 4 800 décès. Les couches jeunes de la population sont les plus affectées. Une étude réalisée en 2013 (1re enquête STEPS) chez les sujets de 25 à 64 ans, note une prévalence générale du tabagisme de 19,8%. C’est dans ce contexte peu reluisant que le ministère de la Santé a célébré la Journée mondiale sans tabac, le 31 mai 2018 dans les locaux de l’Unité de sevrage tabagique du Centre hospitalier universitaire Yalgado-Ouédraogo. Présidée par le conseiller technique du département de la Santé, Dr Narcisse Naré, la journée avait pour thème « Tabac et cardiopathies ».

L’ambition était d’interpeller les décideurs et les populations à plus d’engagement pour combattre les cardiopathies, maladies cardiovasculaires, accidents vasculaires cérébraux liés à la consommation et à l’exposition à la fumée de tabac. Ainsi, le département de la Santé, avec l’appui technique et financier des partenaires et de la société civile, a planifié un paquet d’activités au nombre desquelles l’organisation des sorties de contrôle de l’interdiction de fumer dans les lieux publics (bars, maquis, restaurants, etc.) ; des sorties pour l’affichage de messages sur l’interdiction de fumer dans les lieux publics. L’une des activités phares, c’est le lancement du numéro vert 8000-1239, sans oublier les conférences sur la lutte antitabac.


Pour le représentant du ministre de la Santé, Dr Narcisse Naré, le choix du thème « Tabac et cardiopathies » n’est pas fortuit. « Le tabac agit directement sur les vaisseaux sanguins en général et ceux du cœur en particulier. La nicotine lèse les vaisseaux du cœur et favorise le dépôt de goudron, de cholestérol et d’autres graisses sur les canalisations du cœur. Ces dépôts finissent par obstruer les vaisseaux sanguins des fumeurs et entrainent des dégâts, d’où l’augmentation de 30% du risque d’infarctus chez les fumeurs et les fumeurs passifs », a-t-il justifié. Ce fléau est véritablement un problème de santé publique.

C’est pour cela que le Burkina Faso veut appuyer sur l’accélérateur en élaborant, cette année, un Programme national de lutte contre le tabac, à l’image d’un certain nombre de pays voisins comme la Côte d’Ivoire et le Sénégal. Concrètement, il s’agira « d’avoir un document d’orientation et de mobiliser des ressources pour financer ce programme », précise Dr Naré. Des partenaires tels que la Fondation Bill et Melinda Gates, la Fondation Bloomberg ont été identifiés à cet effet.


Actuellement, Expertise France appuie le Burkina Faso dans la mise en œuvre de sa stratégie nationale de lutte antitabac. A ce titre, ils ont pu ensemble créer la première unité de sevrage tabagique d’Afrique de l’Ouest à Ouagadougou. Le centre a officiellement ouvert ses portes le 5 mai 2017. Sa mission est d’offrir des consultations d’aide au sevrage tabagique à tous les consommateurs de tabac qui veulent de l’aide dans leur décision d’arrêter de fumer.

« Nous participons aussi à la sensibilisation des agents de santé et de la population aux méfaits liés à la consommation du tabac. Outre cela, nous assurons la formation des agents de santé de l’hôpital Yalgado-Ouédraogo et nous contribuons à la formation des autres agents de santé. Enfin, nous menons des activités de recherches pour donner une image plus ou moins réelle du tabagisme au Burkina Faso », ajoute le coordonnateur, Pr Georges Ouédraogo.

Après une année d’existence, le bilan est satisfaisant, à l’en croire. « A la date du 5 mai 2018, nous avons reçu 322 patients qui veulent être aidés dans leur arrêt de la consommation du tabac. Egalement, 105 visiteurs sont venus pour comprendre ce qu’est le tabagisme et les moyens d’être délivré du tabagisme », a-t-il dit.

L’accès est libre mais pas totalement gratuit. « Les frais de consultation s’élèvent à 2000 F CFA. Et vous bénéficiez d’une prise en charge qui va s’étaler sur trois mois. Les examens complémentaires, vous pouvez les faire à l’hôpital Yalgado-Ouédraogo », ajoute le Pr Georges Ouédraogo.

Notons par ailleurs qu’il est possible d’arrêter de fumer. « Ce n’est pas un aliment. Ce n’est pas une obligation de consommation. Elle n’apporte rien de bon au corps humain », a indiqué Pr Ouédraogo. Et d’ajouter qu’ « il n’est jamais tard, car les biens faits sont toujours là quand on arrête de fumer ».


Le chargé de projet du département santé à Expertise France, de son côté, a salué le courage législatif et les progrès du Burkina Faso. En effet, il vient de se conformer à la directive de l’UEMOA sur la taxation des produits du tabac. Malgré tout, des défis et enjeux restent à relever. Il s’agit, selon Jéremy Frere, du respect et l’application de la loi, les affichages des paquets, la sensibilisation de la jeunesse aux méfaits du tabac. Il y a aussi la possibilité d’avoir recourt à des traitements de sevrage tabagique à un coût abordable, la mise à échelle de l’unité de sevrage, l’organisation et le financement de la lutte antitabac.

S’inscrivant dans cette dynamique, le coordonnateur par intérim de l’Union des associations contre le tabac, Hamado Salbré, exhorte le gouvernement à prendre ses responsabilités et à faire appliquer les textes dans toute sa rigueur. Aussi, il appelle les conseillers municipaux, maires, députés à s’engager dans la lutte au quotidien, car le tabagisme constitue un problème de santé publique, rappelle-t-il.

Notons qu’il est prévu, au siège du secrétariat permanent du Conseil national de lutte contre le Sida et les IST, une conférence publique autour du thème « Cesser de fumer, c’est possible ».

Aïssata Laure G. Sidibé

Lefaso.net

Source: LeFaso.net