Situation des personnes handicapées au Burkina. C’est autour de ce sujet que le directeur exécutif de Handicap solidaire Burkina, Alfred Ouédraogo, nous a reçus au siège de l’organisation, sis au quartier Kamsonghin, dans l’arrondissement N°1 de Ouagadougou.

Lefaso.net : Comment peut-on présenter davantage votre organisation ?

Alfred Ouédraogo : Handicap Solidaire Burkina est une organisation de personnes handicapées, qui a vu le jour en 2002 (avec pour autorisation d’exercer en 2003). Elle œuvre dans la protection et la promotion des droits des personnes handicapées. Pour dire que nous intervenons sur toute l’étendue du territoire national et nous avons différents programmes de protection et de promotion des personnes handicapées.

Nous avons un programme de développement du sport pour les personnes handicapées ; c’est-à-dire que nous avons créé des clubs de basketball sur fauteuil roulant (un club à Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Kaya, Koudougou, Fada et Ouahigouya). Nous avons des athlètes qui évoluent dans la course tricycle, que nous appelons handibike. Nous avons également un programme de renforcement des capacités des personnes handicapées à travers lequel nous donnons un certain nombre de formations à l’ensemble des personnes handicapées qui ont en charge la gestion des associations, notamment en organisation de comptabilité pour faire face aux audits, en leadership, en genre, etc.

Nous avons aussi un programme de renforcement des pouvoirs économiques des personnes handicapées. Dans ce dernier programme, nous accompagnons individuellement les personnes qui ne sont pas allées à l’école, notamment les jeunes, dans l’apprentissage des métiers et à l’installation à l’issue de la formation professionnelle et en leur offrant du matériel de travail. Nous avons également un programme de prise en charge socio-sanitaire et scolaire ; nous accompagnons plus de 200 enfants, de 0 à 25 ans dans la prise en charge scolaire. Il y en a pour lesquels, on paie directement les frais de scolarité, on intègre aussi d’autres dans des centres spécialisés.

Pour la prise en charge sanitaire, elle concerne ceux qui ont les malformations qui nécessitent des interventions chirurgicales, nous les accompagnons dans ce sens. Il y a aussi beaucoup qui suivent de la rééducation que nous accompagnons. Le gros programme que nous avons au quotidien est celui de plaidoyer et de lobbying sur la mise en œuvre des textes et conventions internationaux et nationaux en faveur des personnes handicapées. Nous menons, dans ce sens, plusieurs types d’actions dont la sensibilisation, des rencontres de plaidoyer auprès d’autorités de lieux où des personnes handicapées rencontrent des difficultés à jouir de leurs droits. Actuellement, ce qui est d’actualité, c’est la difficulté à avoir la carte d’invalidité, qui est ce document qui permet aux personnes handicapées de jouir de droits et d’avantages reconnus par la loi 012 votée en 2010 en faveur des personnes handicapées.


Comment êtes-vous organisé sur le terrain, à travers le territoire ?

Au début, on avait prévu de mettre des antennes dans les régions. Mais, à chaque fois qu’on effectuait une mission de mise en place d’une antenne, on se rendait compte qu’il existait déjà des associations aux niveaux régional, provincial et même parfois communal.

On s’est donc dit qu’il n’était plus la peine de faire un doublon ; il faut plutôt travailler avec l’existant. Donc, dans chaque région, nous avons une structure partenaire, qui devient notre relais, de sorte que lorsque nous avons des actions et activités à mener dans cette région, on passe par cette organisation. Lorsqu’on a des dons (on distribue parfois des tricycles, des fournitures scolaires…), on passe par cette organisation partenaire locale qui identifie les bénéficiaires.

Ces organisations partenaires vous donnent-elles satisfaction ?

Oui, puisque ce sont des organisations autonomes qui réalisent leurs activités quotidiennes et nous, lorsqu’on a besoin de mener une action, elles deviennent nos facilitatrices.

De façon globale, c’est la défense des droits des personnes handicapées. Quels sont, aujourd’hui, les droits que vous estimez prioritaires pour vos membres ?

C’est l’éducation, la formation professionnelle et l’emploi.

Quelles sont les insuffisances que vous observez, malgré la politique du gouvernement en faveur de cette catégorie de personnes ?

Dans tous les programmes qui doivent accompagner la jeunesse burkinabè à avoir des emplois, généralement, les préoccupations et besoins spécifiques des personnes handicapées ne sont pas prises en compte dans les programmes gouvernementaux. Il y a aussi des lois votées en faveur de cette catégorie sociale, mais qui ne sont pas appliquées ou qui rencontrent des difficultés d’application sur le terrain.

Dans le domaine de l’emploi par exemple, il y a une disposition qui dit que toute entreprise ayant au moins 50 employés doit réserver au moins 5% des postes pour des personnes handicapées. Malheureusement, ce n’est pas appliqué (c’est constatable dans plusieurs sociétés). On a essayé de comprendre et on s’est rendu compte que d’un côté, le gouvernement n’a pas pris de mesures incitatives pour encourager les entreprises à appliquer la loi et, de l’autre côté, on a un vide parce qu’il n’y a pas de contrainte. Raison pour laquelle, nous sommes en train de plaider auprès du gouvernement pour que les entreprises qui respectent cette mesure puissent bénéficier par exemple de l’allègement au niveau fiscal ou augmenter les taxes pour les entreprises qui ne respecteraient ces textes de l’État.

Donc, l’un dans l’autre, on peut essayer de voir comment trouver le juste milieu. Le gouvernement avait également indiqué que pour les recrutements à la Fonction publique, 10 % des places sont réservées aux personnes handicapées.

Malheureusement, là aussi, on se rend compte que l’application pose problème ; est-ce que les personnes handicapées peuvent exercer tous les métiers ? On n’a pas pris le soin de répertorier les emplois adaptés aux personnes handicapées. Nous avons donc entrepris actuellement une démarche auprès de notre ministère de tutelle et les autres acteurs pour voir dans quelle mesure, on pourrait relire les dispositions pour permettre l’application des textes ou prendre des décrets modificatifs ou pour faciliter la mise en œuvre de certaines dispositions existantes.

Peut-on avoir un aperçu du contenu de vos programmes ?

Quand on prend notre programme de plaidoyer et de lobbying sur l’application des droits des personnes handicapées, nous avons une liste spécifique par laquelle, nous travaillons uniquement avec les mairies. Cela vise à améliorer la participation citoyenne et la participation au niveau local, des personnes handicapées à l’animation de la vie publique et politique. Nous travaillons bien avec la mairie de Pabré et l’arrondissement N°3 de Ouagadougou.

Nous demandons à ce que la mairie essaie de voir dans quelles mesures, elle peut élaborer un budget sensible aux personnes handicapées (allouer annuellement un budget aux personnes handicapées pour réaliser leurs activités). Il serait par exemple intéressant de travailler à faire en sorte que les personnes handicapées soient représentées au niveau des CVD (Comités villageois de développement). Il faut les encourager pour les amener à être par exemple des conseillers municipaux.


Sur le plan politique, est-ce qu’il y a des obstacles au sein des partis politiques qui entravent ou sapent l’adhésion et l’épanouissement des personnes handicapées ?

Il y a plusieurs raisons à ce niveau. Par exemple, le fait que nombreuses des personnes handicapées ne soient pas allées à l’école est un autre handicap pour elles, elles n’ont donc pas les bagages nécessaires pour s’affirmer sur le terrain. Sur le plan économique, les personnes handicapées sont encore les plus démunies au Burkina. Or, ici, pour faire la politique, il faut avoir le minimum de ressources. De l’autre côté, il y a la réalité que les personnes handicapées font encore face aux préjugés, si fait qu’il y a un complexe d’infériorité qui fait qu’elles-mêmes ne veulent pas s’aventurer dans les activités communautaires ou politiques.

Certains qui ont fait l’expérience peuvent témoigner qu’être une personne handicapée qui veut s’engager en politique, il faut être téméraire, avoir le plein de courage ; parce qu’en politique, il n’y a pas de pitié, tes adversaires vont t’attaquer sur la base de ton handicap. Si tu n’es pas fort dans l’esprit pour surmonter cette réalité, tu vas abandonner. Les formations que nous donnons visent à faire en sorte que la personne handicapée puisse transformer sa situation en avantage ; parce que si tu arrives à convaincre les populations à la base que malgré ton handicap, tu peux y arriver, tu as un plus par rapport aux autres ; parce que les gens diront que malgré ton handicap, voilà, tu fais mieux que des personnes qui jouissent de toute leur forme physique.

Mais, de tout temps, les gouvernements ont affirmé faire de la promotion de cette catégorie sociale, un engagement. Quel est le constat général sur le terrain par rapport aux politiques publiques ?

Nous avons toujours dit, que ce soit au niveau des textes que des discours, on peut affirmer que le gouvernement manifeste une volonté d’œuvrer pour améliorer l’inclusion de la personne handicapée. Malheureusement, sur le terrain, l’application et les initiatives à rendre effectives leurs déclarations posent problème. Il y a des difficultés sur le terrain qui empêchent la personne handicapée de jouir effectivement de ces textes à sa faveur.

À ce jour, quels sont les défis majeurs qui méritent d’être relevés diligemment ?

Le gouvernement doit prendre des mesures pour faciliter l’établissement du certificat médical qui est un élément essentiel dans la constitution du dossier de demande de la carte d’invalidité. Nous sommes à une première étape ; le gouvernement a voté une loi en faveur des personnes handicapées, et dans cette loi, il est dit que pour jouir des avantages de cette loi, il faut posséder la carte d’invalidité.

Malheureusement, l’octroi de la carte est soumis à la présentation d’un certificat médical, qui doit être autorisé par des médecins spécialisés et autorisés. Or, on trouve rarement ces médecins au Burkina. Donc, à l’heure actuelle, le plus urgent est que le ministère en charge des personnes handicapées et celui de la santé s’asseyent pour trouver une mesure qui va permettre aux médecins généralistes de délivrer ce médicat médical. Une fois que nombre de personnes handicapées ont accès à ce certificat, la carte devient une seconde étape, et plus facile à obtenir.

C’est la carte qui permet aux personnes handicapées d’avoir accès aux avantages cités par la loi. Donc, le plus urgent actuellement, c’est permettre aux personnes handicapées d’avoir accès à la carte d’invalidité. La loi dit qu’une personne handicapée, qui possède la carte, qui part à l’hôpital a droit à des réductions (la réduction est faite en fonction du degré d’handicap, et peut même aller à 100%). On a donc besoin d’avoir accès à la carte ; ce qui suppose qu’on puisse avoir facilement le certificat médical sur la base duquel on établit la carte. On ne peut bénéficier des avantages sans la carte.

Depuis quand cette loi est en vigueur et quel point faites-vous du nombre de personnes qui possèdent la carte ?

La loi existe depuis le 1er avril 2010. Mais, à ce jour, il n’y a pas beaucoup de personnes qui possèdent la carte ; puisque son obtention même est difficile à cause du certificat médical.

Mais, est-ce que ceux qui possèdent la carte bénéficient effectivement des avantages, tels que prévus par la loi ?

Oui, il y en a qui font le témoignage que lorsqu’ils sont partis à l’hôpital pour une intervention, on leur a présenté une facture, et lorsqu’ils ont présenté leur carte d’invalidité, ils ont bénéficié de l’intervention gratuitement. Il y en a aussi qui disent avoir bénéficié de réductions. Mais, malheureusement, il y en a aussi qui disent avoir présenté la carte, mais leurs interlocuteurs ne reconnaissent pas la carte. C’est dire que tout le monde n’a pas d’informations sur la carte et qu’il faut beaucoup communiquer sur ça.

On a un exemple à Bobo-Dioulasso, où une sœur religieuse a accompagné une personne handicapée pour faire une intervention chirurgicale, mais c’était cher, ça a été évalué à 500 mille F CFA. N’ayant pas les moyens, on a dit à la personne handicapée d’aller prendre sa carte. Quand il a pris sa carte et est reparti, on lui a fait l’intervention gratuitement. Mais, il y en a qui ne reconnaissent pas la carte, malheureusement.


Justement, qui peut être considéré comme une personne handicapée ?

Selon la définition conventionnelle, la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, une personne handicapée est une personne qui présente une ou des incapacités, durables (défiance auditive, mentale, physique, etc.), dont l’interaction avec les autres pose un problème sur la base de l’égalité de jouissance avec les autres personnes. Cette dernière précision est très importante dans la définition ; moi, je porte un handicap, c’est un fait ; mais en plus de cela, ce sont les obstacles que je rencontre dans la vie en communauté-là qui m’envoient maintenant à être une personne handicapée. Si je suis dans un fauteuil, j’arrive à votre bureau qu’il y a une rampe d’accès, je ne sentirais pas mon handicap. Mais, si j’arrive trouver que vous êtes au deuxième étage sans ascenseur, là, je vais me sentir dans une situation de handicap.

Sur le volet éducation, vous avez eu, au mois de mars 2019 dans la commune de Pabré, une activité un peu atypique. Pouvez-vous en dire un peu plus ?

Nous avons décidé d’organiser, chaque mois de mars, ce que nous appelons « Tirer la sonnette d’alarme sur l’éducation inclusive ». C’est un exemple que nous avons pris de la Hollande où chaque année, il y a une organisation qu’on appelle la Fondation Liliane, qui est parvenue à faire de cette initiative une activité nationale. C’est ce que nous voulons aussi faire au Burkina Faso ; attirer l’attention des gens sur l’éducation des enfants handicapés en une minute. Concrètement, on va voir les responsables des établissements scolaires, qui vont faire sortir les enfants dans la cour de l’école et qui font du bruit pendant une minute pour passer un message sur l’éducation inclusive.

Chez nous ici, nous faisons cela avec des sifflets ; les enfants vont siffler pendant une minute et on va demander à un d’entre eux de livrer un message à l’endroit de ses camarades en situation de handicap. C’est une activité de plaidoyer et de sensibilisation qui marque. Chaque année, nous allons l’étendre à des établissements. Il y a une année où le thème était : « Même si je suis un enfant handicapé, ça ne m’empêche pas d’être un élève ».

Je suis élève comme les autres, si on arrive à éradiquer les obstacles que je rencontre pour pouvoir recevoir convenablement les cours. Donc, on attire l’attention des enseignants et de l’ensemble des acteurs de l’éducation. Voyez-vous, dans une classe, si on a une personne atteinte d’albinisme, beaucoup d’enseignants ne savent pas que ces personnes ont des problèmes de vision.

Si vous placez donc un tel enfant dans votre classe, que vous le placez derrière, il ne va pas voir ce que vous écrivez sur le tableau. Il en est de même pour les malentendants qui n’entendront pas, si vous les placez derrière. Donc, ce sont de telles initiatives qui permettent aux enfants de prêter attention et de prendre des dispositions pour faciliter la tâche à ces enfants pour recevoir convenablement les cours.

L’éducation inclusive est, en quelque sorte, un engagement de l’État. Sur le terrain, sentez-vous l’incarnation de cette volonté ?

Jusque-là, c’est le privé qui fait plus de travail dans l’éducation inclusive que le gouvernement (le public). C’est vrai qu’actuellement, le gouvernement a créé une direction en charge de l’éducation inclusive, que nous saluons. Malheureusement, c’est une direction qui n’a pas assez de moyens pour pouvoir travailler. Sinon, nous avons travaillé sur des plans de développement de l’éducation inclusive, toutes les politiques et tous les programmes possibles.

Mais, par manque de ressources, cette direction ne peut pas jouer pleinement son rôle. Il faut aussi dire que le gouvernement a fait un effort, en essayant d’intégrer un module sur les handicaps en faveur des élèves des écoles professionnelles de l’enseignement. Ce n’est pas effectif, mais on pourra apprécier avec la mise en œuvre. Pour me résumer, je dirais que le gros du travail à ce niveau revient aux associations qui œuvrent dans ce domaine ; parce que, pour qu’un enseignant puisse prendre en compte un enfant en situation de handicap visuel par exemple, il faut qu’il soit lui-même initié à l’écriture braille.

Lorsque c’est un enfant déficient auditif, il faut que l’enseignant maîtrise le langage des signes. L’éducation de l’enfant en déficience mentale implique des aptitudes spécifiques ; ce qui n’est pas une réalité au Burkina. C’est vrai que les établissements qui font l’éducation inclusive bénéficient de la part du gouvernement, des enseignants, mais c’est à la structure d’accueil de former ce dernier pour qu’il soit opérationnel sur le terrain. L’État essaie aussi parfois de donner des subventions à ces établissements, mais jusque-là, c’est le privé qui fait le plus gros travail (parce que le gouvernement n’a pas encore, lui-même, un établissement d’éducation inclusive ou d’éducation spécialisée).

Les établissements d’éducation inclusive ou d’éducation spécialisée sont-ils assez au Burkina ?

Non, pas du tout et cela pose énormément de problèmes. À part Ouaga et Bobo, et quelques initiatives à Fada N’Gourma et Garango, c’est très insuffisant.

Que représente pour votre association, la prise en charge scolaire des enfants ?

La prise en charge scolaire est très lourde comme charge. J’ai essayé une fois de faire l’évaluation pour voir comment on peut recadrer notre accompagnement ; parce que, de plus en plus, les ressources deviennent rares. Il faut voir donc comment développer des initiatives à l’interne pour faciliter cet accompagnement.

L’éducation spécialisée coûte très cher ; le coût minimum pour un enfant est de 150 mille francs, rien que pour les frais de scolarité. Sans oublier que la plupart des enfants n’ayant pas de parents à Ouaga, il faut leur trouver des familles d’accueil et là, il faut donner quelque chose pour la prise en charge. Si l’enfant tombe malade, il faut le soigner. Pour les enfants handicapés moteurs, qui peuvent aller dans les classes ordinaires, il faut les inscrire dans le privé.

On essaie donc de voir ; la loi dit que tout enfant handicapé a droit à s’inscrire dans l’établissement le plus proche de son domicile. Comme il y a la gratuité au niveau du public, c’est de voir comment tous ceux qui peuvent intégrer les établissements publics le soient. Cela va nous permettre de payer moins cher afin de pouvoir économiser pour supporter ceux qui sont dans le privé.

C’est cette stratégie que nous allons tenter de développer l’année prochaine. Sinon, c’est cher et l’accompagnement devient rare. Même l’enfant handicapé qui peut s’inscrire dans une école classique, il faut lui trouver un moyen de déplacement qui va lui permettre de quitter rapidement son domicile pour rejoindre l’établissement. Trouver également un fauteuil roulant qui puisse lui permettre d’accéder à la classe. Il faut également faire un travail auprès de l’enseignant pour que l’enfant soit intégré, qu’il soit accepté par ses camarades, que le comportement de ses camarades ne le décourage pas.


Quelle est la moyenne d’enfants que vous accompagnés par an ?

Nous accompagnons environ 150 enfants. Cette année, nous avons une liste de 239 enfants. Pourra-t-on payer la scolarité de tous ces 239 ? Cela n’est pas sûr.

Peut-on avoir une idée des partenaires qui vous accompagnent ?

Le principal, c’est l’organisation Dupont pour le développement social, qui est initiée par les sœurs de la Nonciature de Bobo-Dioulasso et qui ont un partenariat direct avec la Fondation Liliane en Hollande. Ce sont ces organisations qui constituent notre principal soutien. À elles seules, ça ne suffit pas. Nous avons donc, avec une organisation hollandaise, qui est Solar cooking, qui est une organisation qui lutte contre la désertification, qui est contre la coupe abusive du bois.

L’organisation a donc développé des initiatives pour permettre qu’au niveau local, on puisse trouver de la matière première pour fabriquer des produits de cuisson solaire. L’organisation a donc envoyé une équipe pour nous former et nous sommes en train de créer une entreprise de production des éléments de cuisson solaire et l’entreprise sera installée dans la commune de Pabré. Ils vont nous accompagner dans le marketing, la promotion et nous allons commercialiser et les bénéfices seront injectés dans le programme de l’éducation. L’entreprise est déjà installée, le personnel a déjà reçu la formation, on attend juste la dotation en matériel et la matière première pour commencer la production. Nous pensons que d’ici à début juillet 2019, nous allons démarrer les activités de l’entreprise.

Avez-vous une subvention de l’État ?

De temps en temps, ce n’est pas régulier. La dernière subvention de l’État remonte à 2014.

Est-elle consistante à même de vous permettre de couvrir les besoins essentiels ?

Ça peut aider, sinon ce n’est pas suffisant. En 2014, nous avons eu six millions. Cette somme ne peut pas couvrir même le volet rééducation. Prenez par exemple la rééducation, elle coûte 2 500 francs par enfant et chaque enfant a droit à deux à trois séances par semaine (puisque ça dépend du degré de handicap). C’est donc difficile.

Avez-vous beaucoup de cas à gérer dans le volet rééducation ?

Oui ; parce qu’il y a beaucoup de malformations. En plus de cela, il y a l’appareillage ; il faut fabriquer des chaussures orthopédiques, des protèges, etc. C’est coûteux. Pour une bonne prothèse, ce n’est pas moins de 500 mille francs.

Quel est le degré d’impact de l’insécurité sur cette couche vulnérable de la société ?

Ça joue beaucoup sur nous, parce que nous sommes en train de perdre beaucoup de partenaires (certains sont en train de fermer, d’autres menacent de fermer, d’autres aussi ont levé le pied et nous disent de trouver des organisations sérieuses au Burkina par lesquelles elles peuvent poursuivre leur programme). Malheureusement encore, il y a des zones où nous ne pouvons plus aller.

Le Sahel par exemple, alors qu’on avait des programmes spéciaux pour ces zones. Alors que les personnes handicapées sont plus vulnérables dans ces zones que dans les autres zones. C’est vraiment dommage… Je profite dire aux partenaires qui ont levé le pied que c’est vrai que la situation est difficile, mais c’est parce que c’est difficile que nous avons le plus besoin d’eux.

On peut toujours réadapter les textes au contexte et mettre tous les garde-fous pour que l’argent ne soit pas dilapidé. Imaginez un enfant de sept ans à qui on avait commencé à donner de la rééducation et qu’on a coupé subitement, imaginez le tort sur ce dernier. C’est pour dire qu’on peut toujours réfléchir pour voir comment on peut adapter l’accompagnement au contexte.

Avez-vous un regard sur les personnes handicapées sur les sites d’accueil des déplacés de l’insécurité ?

On l’avait effectivement expérimenté avec les réfugiés touaregs. Mais avec les déplacés des évènements qu’a connus le pays, nous n’avons pas pu faire le déplacement sur les sites. J’ai essayé de prendre des informations avec des agents de l’action sociale qui sont sur le site de Barsalgho, ils disaient effectivement qu’il y a des personnes handicapées.

Malheureusement, la question de l’assainissement et bien d’autres aspects n’ont pas tenu compte de cette catégorie de personnes. C’est cela aussi la réalité. Avant, on pouvait trouver rapidement un partenaire qui allait nous soutenir pour effectuer une sortie de terrain sur le site. En septembre 2009, lors des inondations (1er septembre), nous avons par exemple eu des ressources pour aller sur le terrain et accompagner les gens ; ça nous a permis de construire des toilettes adaptées, etc. Mais aujourd’hui, c’est compliqué. Ce sont des difficultés pratiques que nous rencontrons.

Qu’est-ce que vous avez à dire au gouvernement ?

Que le gouvernement sache qu’avec la situation sécuritaire, beaucoup d’ONG (Organisations non-gouvernementales) locales qui nous accompagnaient sont parties. Cela joue non seulement sur nos appuis, mais crée également des chômeurs parce qu’une organisation qui ferme est obligée de se séparer de ses travailleurs. Tout cela contribue à dégrader le niveau de vie des Burkinabè en général.

Qu’en est-il des conclusions du Forum des personnes vivant avec un handicap, tenu en juin 2018 ?

Des engagements ont été pris, et je profite de votre dictaphone pour plaider auprès du Premier ministre et un président de l’Assemblée nationale afin qu’ils accompagnent notre ministère de tutelle (ministre de la Femme ; de la Solidarité nationale, de la Famille et de l’Action humanitaire) à avoir des moyens conséquents pour honorer les engagements pris par le président du Faso lors de ce forum. Il y a un début timide de mise en œuvre. Mais on se dit que l’une des raisons est que notre ministère de tutelle est lésé par rapport aux autres ministères. Donc, nous plaidons pour que des moyens soient mis à la disposition de notre ministère pour la mise en œuvre des engagements du forum.

Interview réalisée par Oumar L. Ouédraogo

(oumarpro226@gmail.com)

Lefaso.net

Source: LeFaso.net