Considérée comme la fête des amoureux, la Saint-Valentin est célébrée chaque 14 février à travers le monde. C’est un jour spécial pour les couples qui, à l’occasion, échangent des mots doux et des cadeaux comme preuves d’amour, ainsi que des roses rouges. Mais, est-ce que culturellement les Africains doivent fêter la Saint-Valentin ? Quelle est la conception burkinabè de l’amour ou encore quelle est la valeur de cette fête pour un couple ? Ce sont autant de questions auxquelles Jean Bosco Kaboré, conseilleur conjugal, médiateur familial, formateur et accompagnateur en psycho-relation d’aide, essayera de répondre dans cette interview qu’il a accordée aux Editions Lefaso.net.

Lefaso.net : De nos jours, on remarque que la fête de la Saint-Valentin crée souvent des disputes dans les couples. Est-ce que culturellement les Africains doivent fêter la Saint-Valentin ?

Jean Bosco Kaboré : Je pense que, de prime abord, il faut savoir que la Saint-Valentin, ce n’est pas la fête des amoureux. C’est la fête de l’amour. Et pour être plus précis, il a son histoire chez les chrétiens catholiques. C’est la fête de l’amour et non la fête des amoureux. C’est-à-dire l’amour entre frères et sœurs, entre parents et enfants et également entre collègues. C’est pour dire qu’on doit exprimer l’amour dans son sens réel et profond. Maintenant, à la question de savoir est-ce que les Africains doivent fêter, je dirai « oui ».

Mais avant tout, les Africains doivent africaniser cette valeur importée. Car aucune culture n’est restée vierge ; les cultures s’embrassent et cela montre que notre planète est devenue un petit village. Cette valeur sacrée de la Saint-Valentin doit être adaptée à notre contexte africain. Donc, on peut fêter la Saint-Valentin en famille, parce que ce n’est pas une fête seulement pour un homme et une femme. C’est un moment pour la famille de faire un bilan, où également les enfants peuvent apprécier les parents, les valoriser, les respecter. C’est aussi un moment où le couple peut se retirer pour faire un bilan, afin de faire des propositions dans le but d’avancer ensemble.

Quelle est la conception burkinabè de l’amour ?

Je pense qu’il n’y a pas une définition standard de l’amour, mais il faut savoir que l’Africain vit l’amour à travers l’amitié. L’amour même est le fruit de l’amitié. Et chez nous les Africains, l’amour se vit à travers les associations, les mouvements et en famille, et non seulement en couple. Donc, il faut comprendre que la société est animée par des êtres humains qui ont des valeurs sacrées et qui croient en ces valeurs ; c’est une occasion d’exprimer ces valeurs. C’est pourquoi, je disais plus haut si l’Africain devait faire cette fête, c’est pour lui un temps de partage, de pardon, de réconciliation, de bilan, de prise de conscience. On peut l’insérer comme une grande fête mais il faut la cadrer à notre contexte pour qu’à travers les paramètres sociaux, nous puissions l’accueillir et l’inculturer. Il faut l’accueillir avec nos valeurs africaines, culturelles et traditionnelles.


En tant que conseiller conjugal, quelle est la valeur de cette fête pour un couple ?

Pour un couple spécifique, c’est le moment de s’asseoir pour échanger et fraterniser. Si le couple a des enfants, c’est le moment de partager un temps ensemble avec des petites paroles de respect, de valorisation et bilan. Pas forcément un moment pour aller acheter un habit ou des cadeaux. La fête peut se résumer dans le temps qu’on offre à sa famille. Si par exemple, la fête tombe un weekend, pourquoi ne pas rester à la maison avec ses enfants, toi qui as l’habitude de rentrer à 23h ?

C’est l’occasion de rentrer à 18h pour leur montrer que tu les aimes. Cela peut se faire à travers un repas, et non offrir un cadeau spécial. Car il faut savoir que le cadeau, c’est le temps qu’on donne, c’est le pardon qu’on donne. La fête peut permettre aux couples de se rapprocher, de consolider leur relation. Ce n’est pas un jour conditionné par des cadeaux mais un jour pour fraterniser, échanger, etc.

Est-ce une obligation de fêter la Saint-Valentin en tant que couple ?

Pas forcément, mais si elle influence notre environnement et que cela impacte notre milieu de vie, c’est une bonne chose de la fêter. Si non, ce n’est pas une obligation de la fêter, par ce qu’elle n’a pas été décrétée sur le plan étatique ou religieux. Ce sont des profanes qui l’on valorisée, donc il faut amener la chose dans son sens profond et sacré.


Selon vous, quel est le conseil adapté aux couples qui fêtent ou qui ne fêtent ?

Pour un couple qui veut fêter la Saint-Valentin, je leur dirai d’accueillir la fête dans la simplicité. Comme je disais, chaque couple est une entité à part. Donc c’est à chacun de voir comment l’exploiter, est-ce que c’est ce jour que je vais profiter demander pardon à ma femme, à mon mari ? Est-ce que c’est ce jour que je vais essayer de sortir pour aller prendre un pot avec elle ou lui ? C’est à chacun d’essayer de voir ce dont on a besoin et non imiter les autres. Parce qu’on a tendance à voir les gens qui s’alignent pour acheter des fleurs ; ce n’est pas la fête des fleurs.

C’est un jour spécial pour faire un bilan afin de voir qu’est-ce que je peux offrir à l’autre ; sinon, ce n’est pas une fête obligatoire car, chaque jour, tu peux offrir des cadeaux à ton mari, à ta femme. Mais vous verrez des couples qui ont des problèmes et, au lieu d’essayer de voir comment se réconcilier, ils enjambent tout cela et ils se font des cadeaux. Pourtant, ils ne sont pas à une étape de prendre ou faire un cadeau. Le cadeau pour eux, c’est la réconciliation. C’est un moment pour eux de chercher à se reconstruire ou à construire davantage, perfectionner et entretenir leur relation.

Votre mot de fin

Je dirai surtout aux jeunes qui cheminent, de ne pas entrer dans cette euphorie. Il ne faut pas imiter les autres cultures. Le jour de la fête, profite seulement dire « bonjour et bonne fête de Saint-Valentin ». Juste un petit coucou avec des mots doux. C’est un jour où il faut prouver à l’autre qu’il est précieux et digne d’attention, mais on n’est pas obligé d’offrir un cadeau. Donc faites les choses dans la simplicité, dans le respect, avec maturité et responsabilité.

Interview réalisée par Yvette Zongo

Montage photos et vidéo : Anhitaga Nathanaël Kalguié (stagiaire)

Lefaso.net

Source: LeFaso.net