Bamako a lâché un ouf de soulagement, ce jeudi 13 février 2020, avec l’arrivée à Kidal, bastion de la rébellion touarègue, d’un bataillon des forces armées reconstituées composé de 200 soldats de l’armée traditionnelle, de 200 soldats de la coordination des mouvements de l’Azawad et de 200 soldats des mouvements de la plateforme, issus du processus de désarmement. Ce retour, fort en symboles dans cette ville, permet d’affirmer que l’accord pour la paix et la réconciliation issue du processus d’Alger, dont la 46e session ordinaire de la commission technique de sécurité tenue, le 6 février 2020 à Bamako, n’a pas été froissée et jetée à la poubelle. Ce nouveau vent qui souffle sur Bamako traduit-il la renaissance d’un espoir malgré ce chemin encore long ?

Tout Bamako a retenu son souffle depuis le 10 février avec le départ du bataillon de l’armée malienne reconstituée composé d’environ 200 soldats de l’armée traditionnelle, ainsi que de 200 soldats de la coordination des mouvements de l’Azawad et 200 soldats des mouvements de la plateforme pour Kidal, bastion de la rébellion touarègue.

Une région hors contrôle de l’armée malienne depuis les violents combats de 2014 qui l’ont opposée aux séparatistes de l’Azawad. Ce retour, il faut le signaler, permet d’affirmer que la 46e session ordinaire de la commission technique de sécurité tenue le 6 février dans le cadre des pourparlers d’Alger n’a pas été une rencontre de trop. Elle a permis de jeter les bases d’un processus qui était en panne.


En effet, il faut noter que le retour à Kidal de l’armée malienne s’inscrit dans le cadre de la mise en place du mécanisme opérationnel de coordination (MOC). Cette structure issue de l’accord d’Alger est chargée de gérer les patrouilles mixtes composées d’éléments des parties maliennes signataires de l’accord d’Alger de juin 2015. De ces parties, on retrouve la CMA (Coordination des Mouvements de l’Azawad), acteur majeur qui, par la force des armes, était la maîtresse de la localité. Et la plateforme, à travers le Gatia (Groupe d’autodéfense des Touareg Imghad et alliés).

Au regard de ce retour, fort en symboles, avec ce grand pas de franchi dans la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation issu des pourparlers d’Alger, l’on peut expliquer cette rentrée de l’armée malienne à Kidal, comme une bonne disposition d’esprit des maîtres de Kidal dans la mise en œuvre de l’accord d’Alger. Cet acquis, rare, depuis la mise en place de ce cadre de concertation entre les différentes parties est à saluer à sa juste valeur dans le cadre du processus. Cependant cette petite évolution est-elle versatile comme les dunes de sable de Kidal ?

Difficile à s’aventurer pour donner une réponse, mais d’ores et déjà, l’on peut déjà encenser le retour de l’armée reconstituée et soutenir que cela n’est qu’une étape dans le processus. Il doit être renforcé dans les prochaines semaines, par l’octroi de plus de prérogatives et de marges de manœuvre au gouverneur de la Région de Kidal. Au-delà du Mali, la situation de Kidal était aussi une source de fortes crispations pour les voisins du Mali qui y soupçonnent ou y dénoncent des alliances entre séparatistes et djihadistes. Pour eux, Kidal a servi de base arrière aux attaques djihadistes.

Ce comportement sain de la CMA, pour autant qu’il soit sincère, vaut son pesant d’or car il pourrait traduire le retour de l’autorité dans le Nord. Et cela au grand bonheur du président malien Ibrahim Boubacar Kéita (IBK), lui qui en avait fait la promesse à son peuple.


Aujourd’hui que cette promesse est tenue, il peut s’en féliciter. Mais cette évolution doit être appréhendée sous l’angle du verre à moitié vide parce que le chemin qui reste à parcourir est long et parsemé de nombreux défis. Et le pouvoir de Bamako aurait tort de se verser encore dans l’erreur de l’arrogance. Car, cette petite évolution acquise dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord d’Alger, est versatile.

Depuis le début des négociations, les acteurs le plus souvent se sont illustrés comme des roublards car ce qui est perçu comme un acquis le matin peut se muer en mirage quelques heures après. Une manière de rappeler aux uns et autres qu’au-delà des déclarations de bonnes intentions, il faut aller vers la paix sans calcul personnel.

Cette attitude à double facette des leaders n’autorise pas à l’optimisme. Pour preuve, le chef militaire de la plateforme, Yoro Ould Daha, a été assassiné par des hommes armés non identifiés. D’où l’appel réitéré aux acteurs des différentes parties à mettre l’intérêt supérieur du pays au-dessus des egos.

Issoufou Ouédraogo

Lefaso.net

Source: LeFaso.net