La cigarette électronique est présentée comme une alternative plus saine au tabac classique et une aide pour le sevrage tabagique. Cependant, des spécialistes de la santé, comme le Professeur Georges Ouédraogo, mettent en garde contre ses dangers. Professeur titulaire en pneumologie et tabacologie au Centre hospitalier universitaire (CHU) Yalgado Ouédraogo de Ouagadougou et responsable du premier centre de sevrage tabagique d’Afrique de l’Ouest, ouvert en mai 2017, ce pneumologue expérimenté explique que la cigarette électronique peut en réalité prolonger l’addiction au tabac. Interview.

Lefaso.net : Est-ce que l’unité de sevrage tabagique prend en compte les consommateurs de cigarette électronique ?

Pr Georges Ouédraogo : Nous ne faisons pas de différence. Quand vous venez ici, et que vous voulez être accompagné dans votre décision d’arrêter de consommer du tabac, nous prenons en charge presque toutes les formes de consommations de tabac. Le tabac fumé ou tabac non fumé, comme ça existe chez nous au Burkina à travers le tabac chiqué. Nous prenons en charge toutes ces personnes-là.

Est-ce que les gens fréquentent l’unité de sevrage du tabac ?

Les gens fréquentent l’unité. Mais à l’ouverture nous nous attendions à une foule de personnes qui allait venir. C’est pourquoi le ministre à l’époque a prévu que ce soit en dehors de Yalgado pour faciliter l’accès. Mais nous nous sommes rendus compte qu’il y a eu un engouement au début et actuellement on tourne autour de six personnes par semaine. Vous voyez que ça ne fait pas beaucoup. Environ six patients par semaine d’une manière régulière, c’est vrai qu’on a des pics par moment, puisque nous organisons des campagnes de sensibilisation où on peut recevoir dix personnes par jour. Cependant, les fréquentations ne sont pas comme nous l’aurions voulu parce que nous savons quand même que bon nombre de personnes ont besoin d’arrêter. Pour celles qui décident d’arrêter, c’est notre rôle de les aider et nous attendons que beaucoup plus de personnes viennent.

De votre constat les gens viennent d’eux-mêmes pour se faire prendre en charge au sein de votre unité ou sont orientés ?

Nous avons tendance à diviser la part en deux. Pour connaître et comprendre ça, nous posons la question : venez-vous de vous-mêmes ? Ou venez-vous parce que c’est votre entourage qui vous pousse à venir ou est-ce que c’est votre médecin traitant qui vous a orienté ici ? Et la plupart du temps c’est l’entourage, c’est le médecin, ça veut dire qu’il y a des signes extérieurs qui montrent que le tabac a un impact sur le consommateur. Donc son entourage ou le médecin l’oriente ici. Tout compte fait c’est lui seul qui décide puisque là, c’est à lui de venir de lui-même, et nous allons assurer la prise en charge.


Les fumeurs utilisent la cigarette électronique pour se sevrer et arrêter le tabac à long terme. Est-ce une méthode efficace ?

C’est vrai que la cigarette électronique a été inventé il n’y a pas très longtemps de cela en Chine en 2006. Il est aussi vrai que beaucoup de professionnels de la santé ont voulu introduire la cigarette électronique, comme mode d’accompagnement pour ceux qui veulent abandonner la cigarette classique. Dans la plupart des pays, on a accepté ça comme mode d’accompagnement puis on s’est rendu compte qu’au fond ça crée un peu plus de problèmes que de bénéfices. Il y a un recrutement de jeunes consommateurs de tabac qui entrent par la porte de la cigarette électronique pour après arriver jusqu’à la consommation de la cigarette classique. Et beaucoup n’arrivent pas à abandonner la cigarette électronique parce que même si elle peut être avec nicotine ou sans nicotine, ceux qui en consomme ont tendance à prendre des substances liquides qui contiennent de la nicotine. Au fond elle retarde le sevrage je dirais, et l’on n’arrive pas à obtenir un sevrage réel.

Selon le Pr Ouédraogo, dans la plupart des pays la cigarette électronique a été acceptée comme mode d’accompagner pour arrêter fumer mais on s’est rendu compte que ça crée plus de problèmes que de bénéfices.

Quelles suggestions faites-vous aux personnes qui pensent pouvoir utiliser les cigarettes électroniques pour arrêter de fumer ?

Je dis toujours aux gens que fumer n’est pas obligatoire. Respirer est obligatoire, le créateur a prévu et la bouche et le nez avec des voies respiratoires afin que nous puissions exploiter l’air. Manger est obligatoire et le créateur a prévu la bouche, le tube digestif avec tout ce qui s’en suit pour que nous puissions manger et 24 heures après le rejeter ailleurs. Mais fumer, quelle que soit la forme ou consommer du tabac quelle que soit la forme, ce n’est pas prévu pour l’organisme humain. D’ailleurs il existe des effets de la cigarette électronique que ce soit ceux qui veulent commencer ou ceux qui veulent diminuer la quantité de nicotine, comme ce phénomène d’irritation dans la gorge, dans la bouche au tout début comme pour la cigarette classique aussi. A l’intérieur de la cigarette électronique on va retrouver des métaux lourds essentiellement que l’on retrouve aussi au niveau de la cigarette classique et qui vont avoir un effet négatif sur l’organisme. Donc, je dis toujours aux jeunes, vaut mieux ne pas fumer. Fumer n’est pas obligatoire, ce n’est pas nécessaire ! On peut être heureux sans la cigarette, mais on devient certainement malheureux avec la cigarette quel que soit le type de cigarette que nous utilisons et quel que soit le type de tabac que nous consommons.

Qu’avez-vous à ajouter par rapport à la consommation de cigarette électronique et à la consommation de tabac de façon générale ?

De façon générale, je trouve qu’il ne faut pas consommer la cigarette, peut-être que l’on va dire que je suis extrémiste, mais je crois que l’on a besoin des jeunes en bonne santé. La jeunesse c’est notre avenir, mais déjà c’est notre présent. Avec la cigarette, surtout la cigarette électronique et la chicha aussi qui est un mode de consommation du tabac, même si on va me dire que ce n’est pas du tabac et que c’est du parfum que l’on met, nous savons ce que ça contient parce qu’il y a des études là-dessus. On a vu que par exemple que certaines personnes mettent plutôt du cannabis et des alcools forts dans la chicha, ce qui est assez dangereux. Il faut s’éloigner de toute forme de consommation de tabac, parce qu’il y a d’autres plaisirs comme déguster les fruits et ça ne coûte pas si cher. Il y a des arachides actuellement, acheter des arachides et manger ça fait un plaisir pour la bouche et un plaisir également pour l’organisme. Je conseille aux jeunes d’arrêter de fumer du tabac et de demander l’aide soit des médecins, soit des infirmiers ou tout agent de santé. Les services sociaux eux aussi sont là pour encadrer les jeunes et il faut que les parents s’impliquent dans l’encadrement et l’accompagnement de leurs enfants.

Farida Thiombiano

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Source: LeFaso.net